AccueilLa société inclusive : discours et réalité

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Publié le mardi 09 novembre 2021

Résumé

Les cahiers du travail social est une revue éditée par l’institut régional du travail social de Franche-Comté. Son objectif principal et fondateur est de rendre compte aussi bien de recherches de professionnels ou d’universitaires, de présenter un point de vue personnel sur des aspects du travail social et de son évolution ou d’exposer une réflexion personnelle sur une étude de cas. Destinée aux étudiants, professionnels et chercheurs de l’action sociale, elle est devenue un outil pédagogique ouvert aux réflexions scientifiques et aux témoignages professionnels. Pour son numéro du second trimestre 2022, la revue s’attache à porter une réflexion sur la question de l’inclusion qui « consiste à privilégier le milieu ordinaire et le droit commun pour tous » et de son application dans le champ de l’intervention sociale et scolaire, et ce quelle que soit la nature du handicap. L’objectif est d’analyser ce principe mis à l’épreuve des faits dont il est nécessaire aujourd’hui de rendre compte.

Annonce

Argumentaire

Il y a plus de vingt ans déjà, et par l’intermédiaire du Conseil européen de Lisbonne[1], le terme « inclusion » a fait une entrée discrète dans le vocabulaire des politiques liées à l’emploi, à la cohésion sociale et à la lutte contre les exclusions.

La Commission européenne indique ainsi que « l'inclusion active consiste à permettre à chaque citoyen, y compris aux plus défavorisés, de participer pleinement à la société, et notamment d'exercer un emploi ».

En France, cette notion, proche de celles d’intégration ou d’insertion, s’est peu à peu invitée dans les écrits et les discours, jusqu’à devenir incontournable dans le domaine du handicap, notamment depuis la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Cependant, si ces trois termes renvoient effectivement à la façon dont une société se préoccupe de ses individus les plus vulnérables, il convient d’établir certaines nuances.

La notion d’intégration, prépondérante jusqu’aux années 80, ne peut être séparée de l’idée d’assimilation[2]. Le but recherché (et sans doute utopique) est donc de « dissoudre » la différence, de rapprocher autant que faire se peut l’individu de la norme.

Le terme « insertion », très usité dans le champ professionnel, marque une différence subtile : à l’idée d’incorporation se substitue celle de l’addition, de venir « ajouter un élément différent » (Jaeger, ibid.) parmi les membres de la communauté. Les dispositifs dédiés visent donc une forme de « discrimination positive », la mise en place de moyens spécifiques permettant à la personne concernée d’approcher le mode de vie des personnes dites « intégrées ».

Avec la notion d’inclusion, une nouvelle étape semble vouloir être franchie : là où l’intégration ou l’insertion des personnes vulnérables nécessitent un mode d’action différencié, à l’intérieur de structures dites « spécialisées », plus ou moins ouvertes sur le reste de la société, il s’agit dorénavant de permettre à chaque individu un accès « inconditionnel » à son environnement, en termes de scolarité, de formation, d’emploi, de logement, de loisirs, etc. Si l’accompagnement reste le maître mot, celui-ci doit impérativement se dérouler « hors-les-murs » des institutions sociales et médico-sociales. Il n’est donc pas étonnant que la notion d’inclusion soit corrélée à celle de « désinstitutionnalisation ». En effet, et dans la droite lignée des travaux d’Erving Goffman (1968, 1975), il convient d’opérer la « déségrégation »[3] des publics accompagnés, de les inclure pleinement dans une société qui peine encore à accepter les différences de ses contemporains. Reproche-t-on dès lors aux structures d’accueil, souvent historiquement issues d’associations de parents et de familles d’enfants handicapés, de « mal faire » leur travail ? Il est plutôt question de faire mieux, ou du moins de faire différemment. Dans la lignée de la loi de 2005, une circulaire du 2 mai 2017, dite de « transformation de l’offre d’accompagnement des personnes handicapées » vient clarifier les orientations du secteur social et médico-social. Si l’inclusion vers le milieu ordinaire n’est plus à débattre, il convient de proposer un accompagnement « individualisé », basé sur la « coordination » des différents services concernés, permettant d’établir des « parcours » sécurisés, favorisant la participation des personnes concernées à leur « projet de vie », dans le respect des « recommandations de bonnes pratiques » (Dupont, ibid.).

En effet, l’inclusion n’est pas un concept scientifique, mais avant tout politique, voire idéologique qui s’impose d’un point de vue global. Si, dans le cadre d’une prise en charge la logique institutionnelle a primé sur la logique de l’individu, l’inclusion renverse ce principe, et tend à rendre l’individu « acteur » de sa vie. Présentée ainsi comme vertueuse, elle serait une solution qui permettrait aux individus de participer pleinement à la vie économique, sociale et culturelle.

Cependant, ce point de vue, qui reste un présupposé, semble faire fi d’un élément essentiel : « avoir et faire des choix » est avant tout déterminé par des conditions sociales, culturelles et économiques d’existence et suppose également la même capacité d’analyse ou d’accès à l’information, ce qui, dans la réalité n’est nullement possible.

Autrement dit, ce changement de paradigme exclut la responsabilité collective pour une responsabilité individuelle. L’inclusion « forcée » la légitime faisant ainsi oublier que la société contemporaine produit structurellement de l’exclusion, qu’elle soit sociale, scolaire, ou encore liée au travail. Ainsi, à titre d’exemple, le nombre de bénéficiaires de l’Allocation Adulte Handicap (qui peut être considéré comme un indicateur d’exclusion du monde ordinaire) a été multiplié par 6 depuis sa création en 1978 (passant ainsi d’un peu plus de 200 000 à 1 200 000 en 2019[4]).

Comme nous l’avons vu, l’inclusion se décline sous différents aspects de la vie sociale.

Cependant, entre le principe, sur lequel il y aurait un consensus moral parce que l’inclusion participerait à l’émancipation de l’individu, et la réalité, l’écart peut être important. Et il s’agira ici de réfléchir aux conditions sociales de production de l’inclusion, mais aussi à ses effets sur les bénéficiaires, les personnes accompagnées, ainsi que sur les bouleversements professionnels qu’elle engendre, y compris du point de vue des structures (établissements sanitaires et sociaux, scolaires, etc.).

Il sera ainsi possible de considérer l’inclusion comme un fait social total qui impacte les principales sphères, qu’elles soient économique, sociétale ou juridique.

Axes thématiques

 Plusieurs axes pourront être explorés :

  • l’inclusion sociale (au sens général du terme) et ordinaire ;
  • l’inclusion scolaire ;
  • l’inclusion par le travail ;
  • l’économie de l’inclusion ;
  • la dimension juridique et/ou historique de l’inclusion.

À titre d’exemple, les contributions pourront répondre aux questions suivantes :

  • Quels sont les risques et les avantages de l’inclusion tant pour les personnes, les professionnels que pour les établissements ? Comment reconfigure-t-elle les pratiques ?
  • L’inclusion est-elle adaptée à tout type de handicap ?
  • Si l’inclusion pose un principe d’égalité au sens constitutionnel du terme (et l’État y avait répondu jusqu’alors par la mise en place de structures permettant d’atteindre cet objectif) ne doit-elle pas demeurer une solution parmi d’autres et non une injonction pour garantir une égalité des chances pour tous ? À défaut, ne risque-t-elle pas, à son tour, de produire une nouvelle forme d’exclusion basée sur la responsabilité individuelle ?
  • Au-delà d’un apport critique de la notion d’inclusion, il s’agit également de faire part des expériences issues du terrain et d’apporter une réflexion sur la manière dont les établissements et les professionnels promeuvent et garantissent la participation des personnes en situation de handicap afin de les rendre actrices de leur projet de vie. Comment garantissent-ils l’implication « réelle » des personnes dans tous les aspects de leur vie ? Comment sont-ils à l’écoute de leurs besoins et de leurs attentes ? Comment les professionnels et les établissements adaptent ou inventent de nouvelles pratiques ?

Bien qu’aucune approche disciplinaire ne soit privilégiée, il conviendra cependant que les réflexions reposent sur des travaux de recherche (réalisés ou en cours) ou des témoignages de professionnels analysés et réflexifs relatant leur expérience.

Les axes suggérés ne sont pas exhaustifs, et les propositions qui apporteraient une contribution qui ne s’inscrirait pas dans l’un de ces questionnements seront examinées avec la plus grande attention.

Modalités de soumission des propositions

Les articles doivent être envoyés pour le 1er mai 2022 aux adresses suivantes : gerard.creux@irts-fc.fr et marc.lecoultre@irts-fc.fr

Elles doivent inclure vos noms, prénoms, votre fonction, le cas échéant votre rattachement institutionnel.

Consignes

  • Le texte pourra faire référence à un travail empirique réalisé ou en cours de réalisation ou des témoignages d’expérience.
  • Le texte comportera un minimum de 10 000 caractères et un maximum de 30 000 caractères, espaces compris, notes et informations bibliographiques incluses (soit entre 5 pages et 12 pages d’un texte en interligne simple).

Conventions bibliographiques (Normes APA)

  • Livres : Nom, Prénom (initiales). (Date de publication). Titre complet en italique. Éditeur.
  • Articles : Nom, Prénom (initiales). (Date de publication : année, mois). Titre de l’article. Titre de la revue, numéro, pagination.
  • Contributions à des ouvrages collectifs : Nom, Prénom (initial). (Date de publication). Titre du chapitre. Dans Initiale du prénom Nom (dir.). Titre de l’ouvrage. (pagination du chapitre). Éditeur.

Coordination

  • Gérard Creux : gerard.creux@irts-fr
  • Marc Lecoultre : marc.lecoultre@irts-fc.fr

Conseil scientifique

  • Gérard Creux (IRTS de Franche-Comté)
  • François Hoarau-Gessler (IRTS de Franche-Comté)
  • Marc Lecoultre (IRTS de Franche-Comté)
  • Nadège Marie (IRTS de Franche-Comté)
  • Candice Martinez (IRTS de Franche-Comté)
  • Florence Néret (IRTS e Franche-Comté)
  • Florian Olivier (IRTS de Franche-Comté)
  • Claire Regnier (IRTS de Franche-Comté)
  • Nassera Salem (IRTS de Franche-Comté)

Notes

[1] Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000.

[2] Jaeger, M. (2015). L’inclusion, un changement de finalité pour le travail social. Empan, 11, p. 46.

[3] Dupont, H. (2021). Déségrégation et accompagnement total. PUG.

[4] DREES (2020). Minima sociaux et prestations sociales. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/communique-de-presse/minima-sociaux-et-prestations-sociales-edition-2020


Dates

  • dimanche 01 mai 2022

Fichiers attachés

Mots-clés

  • inclusion, travail social, désintitutionalisation, travailleur social, politique sociale, bénéficiaire, éducation, handicap, insertion, exclusion, évaluation, loi 2002-2, idéologie, économie

Contacts

  • Gérard Creux
    courriel : gerard [dot] creux [at] irts-fc [dot] fr
  • Marc Lecoultre
    courriel : marc [dot] lecoultre [at] irts-fc [dot] fr

Source de l'information

  • Gérard Creux
    courriel : gerard [dot] creux [at] irts-fc [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La société inclusive : discours et réalité », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 09 novembre 2021, https://doi.org/10.58079/17lz

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