Pour un accès à la formation des adultes éloignés du marché du travail

Pour un accès à la formation des adultes éloignés du marché du travail

Le Québec compte un peu plus d’un million d’adultes peu scolarisés. Avec la baisse du taux de chômage, ces personnes sont de plus en plus appelées à intégrer le marché du travail. Or, ces adultes font face à des difficultés supplémentaires pour accéder au marché du travail ainsi qu’à des formations leur permettant d’y accéder. Quelles mesures peuvent faciliter l’accès à une formation qualifiante pour les citoyens plus éloignés du marché du travail?

Selon une étude menée en 2003 par Emploi-Québec , près de 200 000 personnes n’ont pas plus d’une cinquième année alors qu’un peu plus de 600 000 personnes auraient entre une cinquième et une huitième année et un peu plus de 500 000 auraient entre une neuvième et une dixième année. Or, plusieurs instances gouvernementales et organisations (Emploi-Québec, le ministère de l’Éducation, Unesco, etc.) utilisent la scolarité et l’obtention d’un diplôme comme critères de classification en regard des programmes d’accès à l’emploi et de développement de l’employabilité.

En raison de ces critères sélectifs du marché basé sur la scolarité, les personnes peu scolarisées, souvent prestataires de l’assistance-emploi, sont toutefois considérées comme peu « qualifiables » sur le marché du travail actuel. Il est important de remédier à cette situation.

Les conditions sociales et le manque de formation de ces adultes limitent considérablement leur possibilité d’accéder à un emploi et de le conserver dans le contexte actuel du marché du travail, incluant le contexte de travail des entreprises d’économie sociale. Ces personnes ont peu de moyens matériels, des réseaux de support. en plus d’une santé souvent précaire. Elles vivent dans la pauvreté. En 1991, les travailleurs et les travailleuses sans un premier diplôme d’études secondaires occupaient 28 % des emplois au Québec, ce taux se chiffrait en 2004 à 16 %, soit une baisse de 57 % de leur poids relatif au sein de l’ensemble des personnes en emploi.

L’expérience des organismes communautaires oeuvrant en employabilité ainsi que celle d’Emploi-Québec ont permis d’identifier des difficultés importantes dans le travail de soutien à des personnes vivant des difficultés plus grandes d’intégration au marché du travail. Parmi ces difficultés, plusieurs éléments font consensus alors que d’autres font l’objet de dialogue entre les partenaires communautaires et Emploi-Québec.

Parmi les difficultés identifiées, soulignons l’alourdissement des clientèles, la durée inadéquate des mesures, l’insuffisance des fonds du Québec, le manque de souplesse dans les critères des mesures et programmes, l’exclusion de certaines populations, dont les personnes sans chèque en regard de l’accès aux mesures et programmes, l’insuffisance dans l’accompagnement des personnes en démarche de formation ou d’insertion, les exigences de scolarisation ayant comme résultat d’exclure un fort pourcentage des clientèles de l’aide sociale, une perception négative de la part des employeurs, les difficultés de recrutement et de mise en action des personnes plus éloignées et le faible arrimage des interventions entre les personnes et le marché du travail.

Pour contrer les difficultés mentionnées ci-haut et dans un contexte de diminution du taux de chômage, un enjeu prend donc une importance encore plus stratégique : celui de la formation nécessaire à l’augmentation du taux d’emploi des personnes plus éloignées du marché du travail.

Il importe par exemple de favoriser la reconnaissance des compétences génériques[3] pour les personnes qui sont plus éloignées du marché du travail. À la lumière des pénuries d’emploi que plusieurs secteurs de l’économie québécoise connaissent déjà et connaîtront davantage, dans les années à venir, le bassin des personnes en processus d’insertion et de réinsertion professionnelle représente déjà un acquis sur lequel on pourrait miser, si des mesures de reconnaissance de leurs compétences sont mises en place dès maintenant. Ainsi, la reconnaissance des compétences génériques que possèdent les personnes exclues socialement et économiquement feraient en sorte d’améliorer l’adéquation entre l’offre réelle de main-d’œuvre et les besoins des entreprises en matière de main-d’œuvre non spécialisée et de compétences génériques. Cet outil favoriserait, par exemple, l’insertion sur le marché du travail des femmes, des jeunes, des personnes handicapées et des personnes judiciarisées. Cette reconnaissance est importante car elle permettrait à des milliers de personnes d’occuper des postes non-spécialisés voir même semi-spécialisés. Il importe donc de poursuivre les efforts de conversion de mesures passives (soutien du revenu) en mesures actives.

Plus largement, pour améliorer la formation des personnes éloignées du marché du travail il importe de revoir les obstacles reliés à l’accessibilité de ces clientèles à la formation, de faciliter la souplesse et la continuité des mesures et parcours de formation, de faciliter le recrutement et l’évaluation des besoins de ces adultes et d’accroître la participation du secteur privé à la formation de ces clientèles. À cet égard, les outils de formation destinés aux travailleurs et travailleuses en emploi pourraient devenir accessibles aux personnes éloignées ou exclues du marché du travail.

Collaboration spéciale: Nicolas Poirier-Quesnel
Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre

[1] Emploi Québec, Emploi Québec Laval, Blais Véronique, Caractéristiques des prestataires de l’assistance-emploi de la région de Laval, juin 2003.

[2] Voir note 4.

[3] Les compétences génériques sont développées dans des situations de travail et autres expériences de vie. Celles-ci couvrent la découverte, l’expression, la valorisation et l’intégration dans des situations nouvelles. Voir Institut de coopération en éducation des adultes. (1995) Nos compétences fortes. Sous la direction de Rachel Bélisle, p. 179.