Chronique d'une mort annoncée ? ou la disparition d’Algora programmée par la DGEFP
Le 31 mai dernier, lors de l’Assemblée Générale d’Algora, les représentants de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP - Ministère du travail, de l’emploi et de la cohésion sociale), annoncent l’éclatement des trois entités qui forment Algora. Décentralisation oblige, le programme FORE (Formation Ouverte et Ressources Educatives) et partant, l’assistance technique assurée par Algora sur ce programme n’a plus de raison d’être au-delà de 2006. Le même motif justifie la suppression de la mission d’animation nationale des APP (Ateliers de Pédagogie Personnalisée), dont les financements devraient être déconcentrés. La mission d’expertise, de capitalisation et d’observation devrait elle être conservée, mais « rapprochée » d’une structure déjà légitimée sur ce champ (le Centre-Inffo).
Cette décision brutale est choquante à la fois pour des raisons de fond et de forme. Sur le fond, s’il n’y a pas lieu de discuter le principe de légitimité de l’Etat de décider de ses politiques et de ses choix financiers, rien n’interdit de s’interroger sur l’intérêt et l’impact d’une telle décision. Le système français de formation-emploi serait-il si parfait qu’il n’exige aucun lieu public (fut-il modeste) consacré à l’innovation et à la modernisation de ses pratiques ? La décentralisation de nos missions est-elle viable sans aucune réflexion de transition ? La disparition d’une animation nationale du réseau des APP ne constitue-t-elle pas le premier pas d’un désengagement de l’Etat d’une expérience avérée dans ses résultats datant désormais de 25 ans ? Est-il censé de se priver d’une compétence utile, reconnue et performante à son échelle (20 salariés), y compris par un récent rapport de l’IGAS, commandé par la DGEFP elle-même ? Aux 400 000 internautes annuels, visiteurs de nos sites, téléchargeant plus de 150 000 documents, aux 5 400 abonnés à notre Lettre électronique, aux formateurs des 450 APP, bref à l’ensemble de nos partenaires et de nos clients d’en juger.Quant à la forme et à sa brutalité, elle relève soit du cynisme, soit de l’inconséquence, soit des deux à la fois. Contrairement à certaines propositions contenues dans le rapport IGAS, aucune solution alternative ou reconfiguration des missions n’a été ni réfléchie, ni discutée, comme si les politiques actuelles de l’Etat (individualisation des parcours, usages des TIC en formation, accès de la formation au plus grand nombre à la formation tout au long de la vie, entre autres) ne pouvait trouver à mobiliser l’expertise acquise.
Par ailleurs, l’Etat rejette toutes ses responsabilités sur l’association Algora, pourtant elle-même issue de sa volonté passée : Algora est en effet une « créature » de l’Etat. L’association doit donc se débrouiller avec les décisions prises. Or, en dehors d’une position de principe visant à éviter les licenciements, rien n’est prévu à ce jour pour assurer un minimum d’avenir à un personnel ayant loyalement accompli les missions qui lui étaient confiées. Ce faisant, l’Etat trahit lui-même l’esprit des lois qu’il promeut, en évacuant toute responsabilité dans les licenciements inévitables que sa décision ne manquera pas de provoquer.La situation est donc grave. Si le court terme (l’exercice 2006) est à peu près assuré, au-delà, rien n’est prévisible, si ce n’est le pire. Nous sommes donc contraints de nous mobiliser, mais aussi de vous mobiliser, ne serait-ce qu’en vous informant de la situation.
Nous vous proposons de réagir immédiatement en signant la pétition électronique ci-jointe. Nous vous tiendrons régulièrement au courant de l’évolution de la situation, et vous proposerons prochainement d’autres formes de réaction et utilisant les outils, dont nous disposons et essayons de promouvoir l’usage, certes dans d’autres cadres…
En attendant, « pendant la vente, les travaux continuent », nous continuons à travailler et à assurer nos engagements, en espérant qu’une discussion pourra s’ouvrir, qui permette de réfléchir des solutions alternatives avec nos partenaires, d’éviter tout ce gâchis, et à tout le moins de garantir l’avenir du personnel.
Philippe Morin
Directeur d’Algora
À lire sur le site du Café Pédagogique: une entrevue de Philippe Morin sur l'avenir d'Algora