Le savoir: une ressource à chérir
Par Chelsea Kirkby, formatrice en milieu communautaire du PAC-IJ
Chaque semaine je donne des cours d’informatique à un petit groupe de femmes qui ont toutes vécu d’immenses difficultés dans leur vie. Même sans emploi, sans sous, sans logement permanent et sans réseau de support important, ces femmes ne sont pas sans espoir et sans optimisme.
Quand je leur ai demandé quels étaient leurs objectifs pour leurs leçons, elles m’ont dit vouloir apprendre tout ce que je pouvais leur enseigner, même si elles ne connaissaient rien à l’informatique. Depuis, leur volonté et enthousiasme sont renouvelés à chaque leçon. Quand un groupe de femmes travaille sur les cinq ordinateurs en même temps, il y a une énergie d’apprentissage qui se développe et se diffuse entre elles.
Après m’avoir entendue enseigner la création d’un compte courriels à une apprenante, les autres femmes, curieuses, m’ont demandé d’une manière discrète comment elles aussi pouvaient apprendre à envoyer des courriels - même si certaines ne parviennent pas encore à écrire un texte à l’ordinateur. Le désir d’apprendre tout ce qu’elles peuvent est très évident.
Quelques-unes des femmes protègent leurs nouvelles connaissances avec une certaine méfiance. C’est intéressant de constater que celles-ci ont l’impression que si elles partagent un nouvel apprentissage, il en restera moins pour elles. Comme si elles partageaient un morceau de gâteau. C’est compréhensible, car durant leurs vies on a profité d’elles d’une manière ou d’une autre et, conséquemment, elles ont développé une tendance à garder tout pour elles, même leurs sentiments personnels. Remarquant cette tendance à protéger leurs connaissances chez ces quelques femmes, je me suis mise à me questionner : est-ce que j’ai besoin de changer ma méthode de formation pour faire en sorte que les apprenantes se sentent complètement à l’aise et sécuritaires avec leurs nouvelles connaissances? Ou, est-ce que c’est important de montrer que les connaissances sont des choses que nous pouvons partager sans les perdre nous-même? Il s’agit d’un problème difficile à régler car ces femmes sont sensibles et les explications ne sont pas toujours bien reçues. Elles peuvent se fermer très facilement et leur volonté d’apprendre peut diminuer rapidement.
La façon de bien enseigner change souvent avec les nouvelles théories qui se développent, mais il est aussi important de tenir compte de ce que les apprenant(e)s veulent qu’on leur enseigne et d’enseigner d’une façon qui promeut un esprit positif d’apprentissage. Suite à chaque leçon et à chaque nouvel apprentissage, je constate que les femmes qui fréquentent mes formations chérissent leurs connaissances qu’elles perçoivent comme un indicateur de leur réussite présente et de leur potentiel dans le futur.
Chelsea Kirkby est diplômee de 2ième cycle du programme Développement Économique Communautaire. Elle est maintenant Personne ressource pour le programme Parole de Femmes du Centre d'Alphabétisation du Y des femmes de Montréal. C’est sa récente expérience comme formatrice en milieu communautaire pour Communautique dans le cadre du Programme d'accès communautaire d'Industrie Canada, Initiative-Jeunesse (PAC-IJ), qui lui a inspiré la rédaction de ce billet pour le bulletin ÉFA.
On peut lire des témoignages et anecdotes d’autres stagiaires du PAC-IJ, qui favorise l'appropriation des nouvelles technologies par la population potentiellement exclue et aide à combattre la fracture numérique, sur leur blog sur le site de parole citoyenne