« Sexisme, racisme et postcolonialisme » - dernière parution de la revue Nouvelles questions féministes

« Sexisme, racisme et postcolonialisme » - dernière parution de la revue Nouvelles questions féministes

Sexisme, racisme et postcolonialisme S’il existe une question féministe qui mérite approfondissement, c’est bien celle des imbrications structurelles de l’oppression fondée sur le sexe et de l’oppression fondée sur l’appartenance à un groupe racisé, un groupe ethnique ou culturel. Nouvelles Questions Féministes revient ainsi, dans le présent numéro, sur la thématique amorcée dans le volume 25(1), intitulé Sexisme et racisme : le cas français. Qu’il s’agisse de la prostitution, des mariages non consentis, des violences, ou des discriminations sur les lieux de travail, l’oppression sexiste ne s’inscrit pas dans le corps abstrait de « la femme » universelle mais dans celui de femmes particulières vivant dans un contexte social déterminé. Et par rapport au numéro précédent, celui-ci se déplace dans des pays où la réflexion est souvent bien plus avancée que dans l’ensemble francophone européen. Nous publions ainsi l’un des articles de la juriste Leti Volpp, dont les travaux sont pionniers en la matière. En examinant le fonctionnement de la justice états-unienne, elle montre comment des cas identiques de violence sexiste sont traités différemment selon que les protagonistes, auteurs et victimes, sont issus du groupe ethnique dominant – blanc – ou d’un groupe ethnique minoritaire. Les comportements déviants par rapport à la morale et à la loi sont attribués à une pathologie individuelle quand il s’agit de personnes blanches, à la culture du groupe quand il s’agit de Latinos ou de Musulmans. D’un côté, les Blancs sont vus comme régis par la raison, ou l’absence, maladive, de raison, tandis que les autres sont entièrement dirigés par leur « culture » : c’est elle qui est contraire à la norme, ce qui peut les excuser ; mais d’un autre côté, on refuse aux membres de cette culture toute dimension individuelle, comme toute capacité de raisonnement. Ainsi, les Blancs sont-ils dépourvus de culture, pour être pourvus de libre arbitre, tandis que les autres ne sont dotés de culture que pour être privés de raison, comme le nouveau Pape vient de le réaffirmer en ce qui concerne l’islam. C’est à cette perception à la fois naïve et violente du monde, et surtout à sa persistance aujourd’hui, alors que les indépendances ont été proclamées, que les études postcoloniales veulent répondre et s’attaquer. Mais que sont ces études postcoloniales ? Danielle Haase-Dubosc et Maneesha Lal en présentent un état des lieux, mettant l’accent sur les liens entre les études féministes et les études postcoloniales anglophones. Les autrices montrent que depuis une trentaine d’années, une pensée féministe minoritaire de la « deuxième vague » a ainsi trouvé des prolongements et s’est réactualisée. Basé sur les recherches menées aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Inde, leur article rend compte des apports des études postcoloniales et des ouvertures qu’elles permettent pour développer un féminisme transnational. Parlant du Chiapas, Sabine Masson propose une étude du mouvement des femmes indiennes et des résistances féministes aux effets destructeurs de la mondialisation. Face à l’exacerbation des dominations raciste, néo-coloniale et patriarcale, de nouveaux mouvements de femmes émergent, “articulant” des enjeux de race, de genre et de classe. La lutte des femmes indiennes s’inscrit dans une démarche féministe postcoloniale, car elle bâtit des alternatives concrètes à la mondialisation sur la base d’une double appartenance : en tant que peuple visant son autodétermination et en tant que femmes exigeant l’éradication des aspects sexistes de leur culture. Ce mouvement, tout comme d’autres courants féministes antiracistes et de la décolonisation, explore les possibilités d’un féminisme non hégémonique et solidaire sur le plan international, capable d’opposer à la mondialisation un front de luttes à la fois alliées et ancrées dans leurs histoires respectives. Ghaïss Jasser, quant à elle, revient sur l’affaire du voile en France en tentant d’articuler luttes contre l’intégrisme religieux, contre le racisme et contre le sexisme. En effet, au Moyen-Orient, les premières luttes féministes – toujours ignorées de l’Occident – ont cédé la place à un repli identitaire qui fait partie des « mécanismes de défense » des civilisations agressées, mécanismes qui risquent de s’étendre dans le monde arabe et/ou musulman. Parallèlement, en Occident, pour étayer la théorie fallacieuse du « choc des cultures », on s'efforce de constituer l’islam en ennemi de la civilisation. Les féministes, prises dans un étau, expérimentent la difficulté de se garder de tout essentialisme, tant en ce qui concerne les cultures qu’en ce qui concerne le genre. Les articles de ce deuxième numéro confirment, en leur donnant une dimension internationale et véritablement trans-nationale, les conclusions du premier : on ne peut aborder sexisme et racisme séparément, et encore moins en les opposant. Editorial Natalie Benelli, Christine Delphy, Jules Falquet, Christelle Hamel, Ellen Hertz, Patricia Roux Les approches postcoloniales : apports pour un féminisme antiraciste Grand Angle Leti Volpp Quand on rend la culture responsable de la mauvaise conduite Danielle Haase-Dubosc et Maneesha Lal De la postcolonie et des femmes : Apports théoriques du postcolonialisme anglophone aux études féministes Sabine Masson Sexe/genre, classe, race: décoloniser le féminisme dans un contexte mondialisé. Réflexions à partir de la lutte des femmes indiennes au Chiapas Ghaïss Jasser Voile qui dévoile intégrisme, sexisme et racisme Champ libre Andrea Dworkin Le Pouvoir Morgane Kuehni Des chômeuses face aux violences administratives en Suisse Parcours « Les discriminations à l'encontre des femmes maghrébines en France ». Entretien avec Feriel Lalami, co-fondatrice de l'Association pour l'Egalité devant la loi entre les femmes et les hommes (Algérie, 1985) et de l'Association pour l'Egalité (France, 1990). Réalisé par Christelle Hamel, juin 2006 Comptes rendus Jules Falquet Daisy Hernández et Bushra Rehman (Ed.) : Colonize this ! Young women of color on today's feminism Aurélie Damamme Ayesha Imam, Amina Mama et Fatou Sow (Dir.) : Sexe, genre et société. Engendrer les sciences sociales africaines Ghaïss Jasser Le 28e Festival International de Films de Femmes de Créteil Hélène Martin Emile Ellberger : La tragédie répétée. Hommage à toutes les femmes victimes de violences sexuelles en temps de guerre Christine Michel Bérengère Marques-Pereira et Petra Meier (Ed.) : Genre et politique en Belgique et en Francophonie Collectifs Cecilia Baeza : L'expérience inédite et dérangeante du Collectif des Féministes pour l'Egalité Le texte complet de l'éditorial ainsi que les résumés des articles peut être téléchargé au : http://www2.unil.ch/liege/nqf/sommairesNQF/som253.html