Education et formation tout au long de la vie : quelle vision internationale ?
Voici un compte-rendu d'une présentation de Tom Schuller, chef du Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI) à l'OCDE, au Comité mondial pour l’éducation et la formation tout au long de la vie.
En choisissant d’inviter Tom Schuller, chef du Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI) à l’OCDE, le 31 janvier dernier, le Comité mondial pour l’éducation et la formation tout au long de la vie s’est donné l’occasion de mesurer, dix ans après le rapport Delors [1], la réalité internationale de la question.
Pessimisme de l’analyse...
Basé sur les enquêtes de l’OCDE, le constat de Tom Schuller s’avère globalement pessimiste. Les principaux indicateurs semblent en effet indiquer une prise en compte bien insuffisante du contexte (concurrence globale, vieillissement de la population, généralisation des TIC, mal-être psychologique en forte hausse, cohésion sociale malmenée, etc.).
A titre d’exemple, les objectifs de Lisbonne fixés en 2000 en matière d’éducation, ont peu de chance d’être atteints si l’on en juge par le niveau des résultats à trois ans de l’échéance. Ainsi, du taux de participation de la population active dans des activités de formation tout au long de la vie qui devrait croître de 0,5% par an pour satisfaire à l’objectif 2010 et qui plafonne à 0,2%.
De fait, le phénomène d’extension de la formation initiale commun à tous les pays se fait sans rééquilibrage avec la formation tout au long de la vie. Ceci n’est pas sans son lot de conséquences néfastes, allant d’une certaine infantilisation des jeunes adultes due au report de l’entrée dans la vie active, à une inquiétante précarisation des seniors, phénomène particulièrement visible en France, où l’on trouve le plus bas taux d’Europe de participation économique des plus de 50 ans.
Les inégalités sont également appelées à croître, avec le renforcement d’un phénomène bien connu qui voit les populations les plus diplômées bénéficier de la formation tout au long de la vie, et ceci, tant en termes d’accès aux dispositifs qu’en termes de retombées professionnelles.
... optimisme de la volonté
Après avoir délivré ces statistiques quelque peu moroses, Tom Schuller s’est employé à explorer les voies d’un redressement. Sur le plan pratique, promouvoir l’apprentissage des adultes implique notamment, selon les travaux de l’OCDE, de chercher à améliorer la visibilité du retour sur investissement-formation, de développer la reconnaissance et la certification des compétences (à l’image du dispositif de VAE français) et de développer les modalités de financement individuel (comptes personnels, bons formation, congés formation, etc.). Sur le plan théorique, Tom Schuller plaide pour une analyse à grande échelle des effets « sociaux » de l’éducation et de la formation, en s’intéressant à l’impact et aux interactions sur le capital humain (dimension économique), social (dimension collective) et identitaire (dimension personnelle).
Enfin, une réforme des données statistiques paraît souhaitable en vue de mieux tenir compte des spécificités de la formation tout au long de la vie, notamment dans ses dimensions informelles. A cet égard, nous ne pouvons que confirmer que l’outillage de l’OCDE nous a effectivement paru davantage convenir à une cartographie de la formation initiale que de la formation tout au long de la vie. Et ceci n’est probablement pas sans lien avec le portrait globalement pessimiste dressé par Tom Schuller.
Créé en mars 2005 dans le cadre de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), le Comité mondial pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, qui regroupe des experts en éducation et formation de tout pays, s’est donné pour premier objectif d’élaborer une charte universelle énonçant les principes fondamentaux en matière d’éducation et de formation tout au long de la vie. Soumise à l’approbation des 180 pays membres, cette charte s’appuiera sur une très large palette d’expertises, à commencer par une série d’auditions trimestrielles. Ont déjà été entendus : Michael Omolewa, président de la Conférence générale de l’Unesco ; Julia Preece, directrice du Centre for Research and Development in Adult and Lifelong Learning (CRADALL) de l’université de Glasgow (Ecosse) ; Philippe Meirieu, ex-directeur de l’IUFM de Lyon ; Philippe Carré, professeur à l’université Paris X-Nanterre et Vincent Merle, professeur au CNAM. La prochaine audition pourrait voir intervenir Peter Smith, sous-directeur général pour l’éducation à l’Unesco. Egalement inscrit à l’agenda, les 29 et 30 novembre 2007, le premier Forum international de l’éducation et la formation tout au long de la vie, parrainé par Jacques Delors et co-organisé par le Comité mondial et le Centre Inffo, membre du comité directeur.
> Contact : www.wcfel.org - worldcommittee@wcfel.org
Nicolas Deguerry
Source : Le Quotidien de la Formation, 14 février 2007
[1] Le Comité mondial s’inscrit pleinement dans la lignée du Rapport Delors, "L’éducation, un trésor est caché dedans", rapport à l’Unesco de la Commission internationale sur l’éducation pour le XXIème siècle, 1996. En savoir plus : www.unesco.org/delors/
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