Des livres : « Un silence de mortes » et « Voyage au bout du sexe »
«En cas de violence, brisez le silence!», nous enjoint ce slogan qui date de 2001. Or, si on prenait la peine d'écouter les victimes - ou, plus exactement, les rescapées -, on découvrirait qu'elles sont fort nombreuses à avoir «brisé le silence», qu'elles ont bel et bien cherché de l'aide, et même de toutes sortes de manières, indirectes ou parfaitement explicites, au risque, d'ailleurs, de subir des violences ultérieures. Lorsqu'on examine les affaires de viols paternels, on constate que, souvent, ce sont les mêmes éléments qui reviennent : et cela, que les faits se situent au Royaume-Uni, aux États-Unis, dans l'Afrique du Sud blanche ou en Italie. Par exemple: une petite fille raconte quelque chose - aux grands-parents, à l'école, aux copines de classe et aux parents de celles-ci. Les maîtresses remarquent qu'elle a des comportements «bizarres». On l'envoie à l'hôpital, parce qu'elle peut avoir attrapé une maladie sexuellement transmissible, ou parce qu'on constate qu'elle a été battue, et qu'elle a le nez cassé, les dents cassées, les côtes cassées, le tympan perforé. À part ça, rien ne se passe. Adolescente, elle souffre de troubles du comportement, fait des cauchemars, est sujette à des accès de panique, et va jusqu'à la tentative de suicide; mais personne, ni psychiatre, ni psychologue, ni assistante sociale ne lui demandent «pourquoi».
(Extrait de l'introduction d'Un silence de mortes - La violence masculine occultée, de Patrizia Romito, Ed. Syllepse, Paris, 2006, pp. 15-25)
Voyage au bout du sexe - Trafics et tourismes sexuels en Asie et ailleurs, par Franck Michel, anthropologue
La prostitution dite « libre » relève du libéralisme et non de la liberté. Une fois que cette idée aura fait son chemin, il sera peut-être envisageable de changer les mentalités qui emprisonnent nos contemporains dans une société de consommation privée d'humanité. Le tourisme sexuel se nourrit de la rencontre entre la misère et la beauté du monde. Deux misères et deux beautés qui démontrent la coupure économique qui régit l'ordre inégal de la planète. Misère affective au Nord, misère économique au Sud et à l'Est ; beauté de la consommation et des biens matériels au Nord, beauté des personnes, mais aussi de la spiritualité, du mode de vie et des « traditions » au Sud et à l'Est. (...) Le tourisme sexuel naît aussi de la rencontre de deux chocs, l'un économique et l'autre culturel, le premier s'avérant au final plus redoutable que le second. Dix causes principales sont actuellement à l'origine, selon nous, de l'essor sans précédent de la prostitution à des fins touristiques dans le monde.