Retour sur la Journée de réflexion sur l’intégration des personnes immigrantes par la formation «Naître ailleurs, apprendre ici» de la FQA
« Naître ailleurs, apprendre ici » L’intégration des personnes immigrantes par la formation : la réalité montréalaise
Une rencontre prolifique en échanges et en partage d’expériences!
Par Dominique Malchelosse*
Cette problématique émane en fait des observations soulevées par la Fondation suite à une recherche qu’elle a effectuée auprès des adultes ayant fait appel aux lignes de référence Info Alpha et Info Apprendre afin d’entreprendre une formation.
Les résultats de cette recherche ont permis de constater que 40% des appels enregistrés sur ces lignes provenaient des personnes immigrantes. Leur difficulté principale? L’intégration au milieu de l’emploi à leur arrivée au Québec. Voilà une difficulté pour les personnes immigrantes peu scolarisées, mais qui est d’autant plus surprenante lorsqu’elle touche la réalité des personnes immigrantes scolarisées, ce qui constitue en fait plus de la moitié des arrivantes et arrivants au Québec.
Des difficultés parfois différentes mais un processus commun : il faut temps et argent pour les communautés afin de s’intégrer au marché de l’emploi!
Effectivement, les personnes immigrantes qui arrivent au pays sont souvent sélectionnées selon des besoins spécifiques de main d’œuvre au Canada. Pourtant, dans la réalité, il est difficile pour ces personnes d’être embauchées et de se faire reconnaître leurs acquis. Elles doivent donc retourner sur les bancs de l’école, et parfois - plus souvent qu’autrement - elles doivent recommencer leur formation au complet.
Découragées, la plupart de ces personnes préféreront se diriger vers des métiers qui ne mettent pas à profit leur formation et leur plein potentiel.
Pour les personnes immigrantes peu scolarisées, la route est tout aussi longue avant d’accéder à un travail qui ne soit pas sous-payé, d’autant plus si la langue maternelle n’est pas le français.
Des témoignages bouleversants auxquels s’ajoutent les observations de chacun des participants et participantes des ateliers.
C’est par trois témoignages (entrevues vidéo), présentés au début de la journée, que nous avons été sensibilisés à ces différentes réalités. Celui de Paul, du Burkina Faso, qui a complété de longues études en médecine vétérinaire dans son pays, mais qui ne peut exercer son métier ici sans avoir à refaire pratiquement toute sa formation – un investissement en temps et argent considérable. Celui de Clara, d’origine espagnole, qui a complété des études en sciences infirmières dans son pays, mais qui se heurte aux mêmes problèmes que ceux de Paul. Finalement, celui de Dominique, originaire de France et fils de parents Haïtiens, qui après un parcours difficile dans le milieu scolaire au Québec a finalement obtenu une attestation en vente automobile mais se voit refuser toutes ses demandes d’emploi.
Ces trois témoignages ont ainsi permis d’enrichir les réflexions des participantes et participants, et c’est en sous-groupes, lors des différents ateliers, que chacun et chacune a pu ensuite ajouter ses commentaires selon les observations propres à son milieu.
À l’atelier traitant des personnes immigrantes peu scolarisées, une autre problématique est observée : le décrochage scolaire chez les jeunes garçons. En effet, il est encore plus difficile pour ces jeunes de s’intégrer dans un milieu scolaire où ils ne se reconnaissent pas. Ces difficultés - tentation de l’argent « facile », pression d’avoir à participer au revenu familial, entre autres - peuvent les entraîner à abandonner l’école, à se tourner vers le travail au noir, voire même vers les milieux criminels, les gangs de rue.
Pour les femmes s’ajoutent les difficultés reliées à la conciliation famille-travail. Elles sont souvent isolées, elles ont peu d’opportunités de participer à des réseaux puisqu’elles doivent être à la maison, et elles n’ont pratiquement pas d’expérience de travail. La rupture sociale qu’elles vivent par rapport à leur pays d’origine est énorme. Il peut s’ensuivre une perte d’estime de soi, une stagnation. Ces problèmes sont d’ailleurs communs à l’ensemble des personnes immigrantes qui n’arrivent pas à s’intégrer dans le milieu de l’emploi ou qui se retrouvent dans des emplois qui ne font pas appel à leurs compétences réelles.
Le plus grave, c’est de voir à quel point les préjugés persistent chez certains employeurs face aux minorités visibles. Dans l’un des ateliers, on note même que les immigrants scolarisés de deuxième génération ont encore de la difficulté à se trouver du travail. Ainsi, dans certains milieux, l’accent ou la peau noire sont toujours des obstacles à l’intégration.
Finalement, on déplore le peu d’octroi de financement pour les personnes qui veulent se former. En fait, une aide gouvernementale leur est accordée si elles le désirent, mais seulement durant les 5 premières années d’arrivée au pays. Passé ce laps de temps, elles sont laissées à elles-mêmes. En ce qui concerne la francisation, une seule année de formation leur est offerte, ce qui n’est pas suffisant. On remarque donc, dans les différents milieux, à quel point les nouveaux arrivants et les nouvelles arrivantes sont démunis-es et partent de loin pour s’intégrer au marché de l’emploi.
Faire tomber les préjugés, créer des comités intergouvernementaux, offrir une formation plus englobante, favoriser les expériences de travail par des stages : tout autant de solutions à faire valoir!
L’idée commune ressortie lors des échanges en ateliers est l’importance que l’on doit accorder aux arrimages. Il faut que les employeurs soient eux aussi plus sensibilisés à cette difficile réalité que vivent les immigrantes et immigrants, il faut que les différentes instances ministérielles (éducation, immigration, santé) créent des comités communs plutôt que de travailler chacun de leur côté, il faut que les organismes se connaissent bien les uns, les autres afin de pouvoir référer les personnes aux bons endroits, il faut que les ordres professionnels s’impliquent, créent des projets afin de favoriser l’employabilité des communautés ethniques, il faut que les entreprises participent à la francisation. Et surtout, il faut que le Québec comprenne à quel point l’éducation est d’une importance cruciale, pour toutes et pour tous.
Une journée de réflexion : quand les voix se rencontrent
Certes, il reste encore beaucoup à faire, mais c’est par des journées telles que celle organisée par la Fondation qu’il est possible, certainement, de faire avancer les choses. Les intervenantes et intervenants de différents milieux qui travaillent auprès d’une clientèle commune tirent avantage à se rencontrer, à échanger et à se connaître. Tisser des liens et unir nos efforts, voilà qui est enrichissant pour chacune de nos actions respectives!
La journée fut donc très appréciée et ce partage d’informations a déjà permis un décloisonnement essentiel afin que les actions de toutes et de tous soient dirigées de manière constructive et créative.
Pour plus d'informations concernant la Journée de réflexion "Naître ailleurs, apprendre ici"
- Consultez la section du site de la Fondation pour l'alphabétisation qui contient la présentation et la programmation de l'événement ainsi que des liens vers plusieurs documents relatifs à la thématique de cette journée de réflexion.
Liens connexes :
- La Bibliographie sélective du CDÉACF sur la Reconnaissance des acquis et des compétences (RAC)
- L'ensemble des références sur la RAC du catalogue du CDÉACF dont le sous-thème "personnes immigrantes"
- Retour sur le colloque du MELS sur la Reconnaissance des acquis et des compétences (16 et 17 avril, Montréal)
- Lancement d’un service régionalisé pour la reconnaissance des acquis et des compétences dans Lanaudière
* Dominique Malchelosse est Agente de médiation-animation-formation du Projet Alpha-Biblio