Éducation pour tous: un adulte sur cinq dans le monde reste analphabète

Éducation pour tous: un adulte sur cinq dans le monde reste analphabète

L’éducation pour tous est sur la bonne voie d’après l’édition 2008 du Rapport mondial de suivi lancé par l’UNESCO

Page couverture du Rapport mondial de suivi 2008 de l'UNESCOLe nombre d’enfants qui entrent à l’école primaire a nettement augmenté depuis l’année 2000, le taux de scolarisation des filles est plus élevé que jamais, les budgets consacrés à l’éducation et l’aide dans ce domaine ont progressé. Ce sont là les bonnes nouvelles, selon la sixième édition du Rapport mondial de suivi sur l’Education pour tous que l’UNESCO lance aujourd’hui. Cependant, du côté des mauvaises nouvelles, la médiocrité des services éducatifs, le coût élevé de la scolarité et le niveau élevé de l’analphabétisme des adultes qui ne fléchit pas sont autant de facteurs qui limitent les chances de parvenir à l’éducation pour tous* en 2015.

« La voie que nous suivons est la bonne, mais à mesure que les systèmes éducatifs se développent, ils sont confrontés à des défis plus complexes et plus spécifiques, » a déclaré Koïchiro Matsuura, Directeur général de l’UNESCO. « Cette dernière édition du Rapport sur l’EPT identifie clairement les grands défis à relever : il s’agit d’atteindre les populations les plus vulnérables et les plus défavorisées, d’améliorer les conditions d’enseignement et d’accroître l’aide en faveur de l’éducation. »

« Alors que nous arrivons à mi-parcours de cette grande initiative, notre évaluation penche plutôt du côté positif, mais il reste encore beaucoup à faire si nous voulons atteindre nos objectifs avant la date butoir de 2015. Les pays et les régions les plus éloignés des objectifs fixés à Dakar progressent bien plus rapidement que dans les années 1990, » explique Nicholas Burnett, directeur de l’édition 2008 du Rapport, récemment nommé Sous-Directeur général pour l’éducation de l’UNESCO. « La mise en oeuvre de politiques nationales efficaces et l’accroissement des budgets nationaux, consolidés par des aides extérieures, changent indubitablement les perspectives d’avenir de millions d’enfants, notamment au Burkina Faso, en Éthiopie, en Inde, au Mozambique, en République-Unie de Tanzanie, au Yémen et en Zambie. »

Le Rapport indique qu’entre 1999 et 2005, le taux de scolarisation dans l’enseignement primaire a progressé de 36 % en Afrique subsaharienne et de 22 % en Asie du Sud et de l’Ouest. Les autorités de 14 pays ont supprimé les frais de scolarité au niveau primaire, ce qui a favorisé la scolarisation des groupes les plus défavorisés. Le nombre d’enfants non scolarisés à travers le monde a fortement baissé, passant de 96 millions en 1999 à 72 millions en 2005.

Les pays dans lesquels le taux de scolarisation dans l’enseignement primaire a nettement augmenté ont généralement accru le montant de leurs dépenses publiques consacrées à l’éducation rapporté au PNB. Le budget public consacré à l’éducation a progressé de plus de 5 % par an en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud et de l’Ouest, les deux régions les plus éloignées des objectifs de l’EPT.

Entre 1999 et 2005, 17 pays supplémentaires ont réalisé la parité entre les sexes dans l’enseignement primaire ; dans ces pays, les filles sont désormais aussi nombreuses que les garçons à fréquenter un établissement scolaire. Parmi ces pays figurent notamment le Ghana, le Sénégal, le Malawi, la Mauritanie et l’Ouganda ; 19 pays ont atteint la parité au niveau secondaire, notamment la Bolivie, le Pérou et le Vietnam. Par conséquent, la parité entre les sexes est une réalité depuis 2005 dans 63 % des pays au niveau primaire et dans 37 % des pays dans l’enseignement secondaire.

L’aide à l’éducation de base dans les pays à faible revenu a plus que doublé entre 2000 et 2004, avant de chuter en 2005. Cette année-là, les pays à faible revenu ont reçu 2,3 milliards USD d’aide à l’éducation de base, contre 1,6 milliards USD en 1999.

Toutefois, malgré ces avancées encourageantes, on est encore loin du but. L’indice de développement de l’Éducation pour tous (IDE), calculé pour 129 pays, montre que 25 d’entre eux sont loin de réaliser l’EPT. Les deux tiers de ces pays se situent en Afrique subsaharienne, mais le Bangladesh, l’Inde, le Népal, le Maroc, la Mauritanie et le Pakistan sont également concernés. (Les auteurs du Rapport soulignent par ailleurs le fait que le nombre de pays qui ne sont pas en mesure d’atteindre les objectifs serait plus élevé si l’on disposait de données pour tous les pays, y compris ceux qui sont touchés par un conflit ou qui sortent d’un conflit, où les niveaux de développement de l’éducation sont très faibles.)

On constate que 53 pays sont dans une situation intermédiaire. Dans ces pays, le taux de scolarisation au niveau primaire est souvent élevé, mais la mauvaise qualité de l’enseignement ou la faiblesse du taux d’alphabétisation des adultes tirent l’IDE vers le bas. En outre, selon les prévisions fondées sur les tendances actuelles, 58 des 86 pays qui n’ont pas encore réalisé l’enseignement primaire universel n’y parviendront pas d’ici à 2015.

De plus, les filles représentent toujours 60 % des enfants non scolarisés dans les États arabes et 66 % de ces enfants non scolarisés en Asie du Sud et de l’Ouest. Les prévisions fondées sur les tendances actuelles indiquent que plus que 90 pays sur 172 n’atteindront pas en 2015 l’objectif qui consiste à éliminer les disparités entre les sexes aux niveaux primaire et secondaire. (Mais, dans un certain nombre de ces pays, en particulier en Amérique latine et en Europe occidentale, cette situation tient à un nombre de filles dépassant celui des garçons dans l’enseignement secondaire.)

Le coût de l’éducation continue d’être un obstacle à la scolarisation. Malgré les dispositions constitutionnelles qui, dans la plupart des pays, garantissent la gratuité de l’enseignement primaire, la plupart des élèves des écoles primaires publiques doivent acquitter des frais divers qui peuvent atteindre le tiers des revenus du ménage.

La mauvaise qualité de l’éducation est un problème d’envergure mondiale, auquel les dirigeants accordent de plus en plus d’attention. Dans les pays en développement en particulier, améliorer la qualité de l’éducation requiert de trouver des solutions aux problèmes suivants : fort taux d’abandon en cours d’études, médiocrité des résultats des élèves, manque d’enseignants et insuffisance du temps d’enseignement. Bien que ces chiffres aient légèrement progressé depuis 1999, on constate que moins de 63 % des élèves atteignent le niveau le plus élevé de l’enseignement primaire dans 17 pays d’Afrique subsaharienne pour lesquels on dispose de données, tandis que moins de 80 % des élèves atteignent ce niveau dans la moitié des pays d’Asie du Sud et de l’Ouest. Dans un certain nombre de pays africains, moins de la moitié des enfants qui entrent à l’école primaire en atteignent le niveau le plus élevé. De plus, les évaluations nationales des acquis des élèves auxquelles on a procédé dans plusieurs pays en développement montrent que jusqu’à 40 % des élèves ont des acquis insuffisants en langue et en mathématiques.

La plupart des régions en développement doivent recruter de nouveaux enseignants afin de faire face à l’accroissement des effectifs. En 2015, les besoins en enseignants supplémentaires au niveau primaire atteindront plus de 18 millions dans le monde entier. Ainsi, l’Afrique subsaharienne, la région Asie orientale-Pacifique et l’Asie du Sud et de l’Ouest auront chacune besoin de près de quatre millions d’enseignants supplémentaires au niveau primaire.

Face à l’insuffisance des effectifs enseignants, de nombreux pays d’Afrique subsaharienne ont recours à des enseignants contractuels. Ces derniers, qui représentent parfois plus de 50 % du corps enseignant, sont généralement moins bien formés et moins bien payés que leurs collègues titulaires. Le Rapport plaide donc en faveur de mesures visant à relever le niveau de formation et de professionnalisation des enseignants contractuels non qualifiés, et à long terme, à intégrer enseignants titulaires et contractuels dans une filière professionnelle unique.

Le Rapport estime regrettable que les pouvoirs publics nationaux et les donateurs privilégient l’enseignement primaire formel aux dépens des programmes d’éducation des jeunes enfants et d’alphabétisation des adultes. En effet, ces derniers ont des répercussions directes sur la réalisation de l’enseignement primaire universel et de la parité entre les sexes, ainsi que, plus généralement, sur la réduction de la pauvreté. Les enfants issus des milieux les plus défavorisés sont ceux qui tirent le plus grand parti des programmes d’accueil et d’éducation des jeunes enfants. En dépit de mesures mises en oeuvre dans de nombreux pays afin d’élargir l’accès à l’éducation préscolaire, les niveaux de participation restent, en moyenne, en deçà de 20 % dans les États arabes et en Afrique subsaharienne, et inférieurs à 40 % en Asie du Sud et de l’Ouest.

Selon le Rapport, les gouvernements négligent également l’alphabétisation des adultes : dans le monde, 774 millions d’adultes – soit près d’1 sur 5 – sont dépourvus de compétences minimales en matière d’alphabétisme. Plus des trois quarts d’entre eux vivent dans 15 pays seulement. L’alphabétisation des femmes joue un grand rôle en matière d’éducation et de santé des enfants. Mais les femmes représentent toujours 64 % de la population adulte analphabète dans le monde. Selon les prévisions fondées sur les tendances actuelles, 72 pays sur 101 ne parviendront pas à réduire de moitié leur taux d’analphabétisme des adultes d’ici à 2015.

Les financements extérieurs destinés à l’éducation de base restent bien inférieurs aux 11 milliards USD nécessaires chaque année pour parvenir à l’EPT dans les pays à faible revenu. L’aide en faveur de l’éducation de base destinée aux pays d’Afrique subsaharienne et aux pays vulnérables est insuffisante. Les cinq premiers pays donateurs dans le domaine de l’éducation sont la France, l’Allemagne, le Japon, les États-Unis et le Royaume-Uni, mais les trois premiers consacrent moins d’un tiers de leurs aides à l’éducation de base. Le Rapport indique en outre que de trop nombreux donateurs privilégient l’éducation post-secondaire.

La plupart des pays qui ont atteint les objectifs de l’EPT ou qui sont en passe de le faire se situent en Amérique du Nord et en Europe. Cependant, parmi ces pays figurent également l’Argentine, Brunei Darussalam, Bahreïn, le Mexique et la république de Corée. Le pays dont l’indice de développement de l’Éducation pour tous est le plus élevé est la Norvège, suivie par le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède, la république de Corée et l’Italie.

*Le Rapport mondial de suivi sur l’EPT est une publication annuelle qui est le fruit du travail d’une équipe de spécialistes indépendants accueillis par l’UNESCO. Ce rapport évalue les progrès réalisés en vue d’atteindre les six objectifs de l’Éducation pour tous définis à Dakar, au Sénégal, en 2000 :
1) Développer la protection et l’éducation de la petite enfance ;
2) Rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous en 2015 ;
3) Garantir l’égalité dans l’accès aux programmes d’apprentissage et d’acquisition des savoir-faire ;
4) Accroître de 50 % le taux d’alphabétisation des adultes ;
5) Eliminer les disparités entre les sexes dans l'enseignement primaire et secondaire d'ici à 2005 et instaurer l'égalité dans ce domaine en 2015 ;
6) Améliorer sous tous ses aspects la qualité de l'éducation.

L’UNESCO, en tant que principale institution coordinatrice pour l’EPT, s’efforce de mobiliser et d’harmoniser l’action internationale des gouvernements, des agences de développement, de la société civile, des organisations non gouvernementales et des médias en vue d’atteindre ces objectifs.


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