Le nombre d'usagers des bibliothèques publiques plafonne au Québec : Des chercheurs de l'UQTR se penchent sur le phénomène

Le nombre d'usagers des bibliothèques publiques plafonne au Québec : Des chercheurs de l'UQTR se penchent sur le phénomène

par Francine Descoteaux

Au Québec, 30 % de la population est abonnée à une bibliothèque publique. Ce taux d'utilisation, bien que relativement élevé, préoccupe tout de même le ministère de la Culture et des Communications, parce qu'il plafonne depuis une quinzaine d'années, malgré d'importants investissements financiers récurrents. Pour connaître les causes de cette stagnation et y trouver des solutions, le Ministère a fait appel au Département d'études en loisir, culture et tourisme de l'UQTR.

Les premiers résultats de l'étude, menée par l'équipe du professeur Michel de la Durantaye, en collaboration avec M. Jean-Paul Baillargeon, de l'Institut national de la recherche scientifique de Québec, ont permis d'établir les profils types des non-usagers des bibliothèques publiques, à partir de statistiques existantes. Les données ont révélé que les personnes qui ne fréquentent pas les bibliothèques forment un groupe hétérogène, composé tout autant de gens instruits pratiquant la lecture que de citoyens économiquement défavorisés s'adonnant peu ou pas à ce loisir.

Pour pousser plus loin leur étude, les chercheurs de l'UQTR ont entamé, il y a un an, une tournée exploratoire à Trois-Rivières, Québec et Montréal, afin d'y rencontrer les gens sur le terrain. «Déjà, l'information recueillie au moyen de ces entretiens nous mène sur des pistes intéressantes», de dire Mourad Benzidane, assistant de recherche et étudiant à la maîtrise en loisir, culture et tourisme.

S'adapter aux besoins particuliers

L'un des sous-groupes de non-usagers auquel l'équipe de l'UQTR s'est particulièrement intéressée est celui des citoyens présentant des difficultés de lecture. «Selon Statistique Canada, au Québec, 55 % des personnes âgées de 16 ans et plus éprouvent de sérieux problèmes de lecture ou de compréhension de textes suivis. Une proportion importante de ces gens ne fréquentent pas les bibliothèques», précise M. Benzidane.

En collaboration avec des organismes sociocommunautaires, les chercheurs ont pu rencontrer des personnes en voie d'alphabétisation. «Ces gens nous ont révélé que les bibliothèques ne les attirent pas parce qu'ils éprouvent une certaine gêne à les fréquenter, en raison de la rigueur, de la discipline et du calme qu'on y impose. Les bibliothèques demeurent pour eux un symbole rebutant de haut savoir et de grande culture. Ces apprenants ont aussi réclamé une période plus longue de prêt de livres, parce qu'ils prennent davantage de temps pour lire. Ils souhaitent également bénéficier de salles isolées, pour pouvoir pratiquer la lecture à haute voix», de rapporter M. Benzidane.

Le médiateur culturel: un atout

La tournée effectuée par l'équipe de l'UQTR a également permis de constater que la plupart des bibliothèques publiques sont bien organisées (collections intéressantes, utilisation des nouvelles technologies, activités d'animation, etc.). Toutefois, certains établissements se démarquent par un programme d'animation plus dynamique faisant appel à un nouveau genre de bibliothécaire: le médiateur culturel.

«Il s'agit d'un agent de liaison avec la communauté qui se fait l'ambassadeur dévoué de la bibliothèque au sein du milieu de vie, explique M. Benzidane. La présence de cet intermédiaire contribue certainement au succès de la bibliothèque, parce qu'elle permet de comprendre les besoins et les attentes du public.»

D'autres facteurs de réussite

Dans son mémoire de maîtrise, Mourad Benzidane s'est attardé aux variables qui influencent à la hausse la fréquentation des bibliothèques. «À partir de statistiques compilées de 1997 à 2001, dans 960 bibliothèques publiques québécoises, j'ai pu constater que la richesse des collections de livres et les nouveautés sont prisées à la fois par les enfants et les adultes. Chez ces derniers, l'accessibilité physique de la bibliothèque et la présence de livres édités au Québec ont également leur importance. Les enfants, pour leur part, apprécient tout particulièrement le volet animation», remarque l'assistant de recherche.

Une prochaine étape

Au cours des prochains mois, les chercheurs de l'UQTR se pencheront sur une autre catégorie de non-usagers des bibliothèques: les étudiants instruits qui ne lisent pas de livres. «Ces jeunes sont plutôt branchés sur Internet et vivent dans une bulle virtuelle multimédia. Ils sont de plus en plus nombreux et représentent un enjeu majeur pour l'avenir des bibliothèques», conclut M. Benzidane.

Quelques statistiques...

  • 92 % de la population québécoise est desservie par une bibliothèque publique

  • 46 % du budget culturel des municipalités québécoises est consacré aux bibliothèques (OCCQ, 2007)

  • 30 % des Québécois sont abonnés à une bibliothèque publique

  • le Québec présente un taux de prêt annuel de 6,5 livres par habitant, ce qui le classe 7e parmi les 10 provinces canadiennes

  • les pays scandinaves sont les champions en matière d'adhésion aux bibliothèques publiques, avec un taux d'abonnement de 80 % (les Finlandais, en particulier, réalisent annuellement 20 prêts de livres par habitant)



Source : entête, UQTR