L’approche expérientielle de la FTQ : un choix stratégique pour la formation syndicale

L’approche expérientielle de la FTQ : un choix stratégique pour la formation syndicale

Contester le modèle dominant de l’enseignement magistral n’est pas chose aisée si l’on ne se donne pas les moyens de promouvoir une alternative. Et promouvoir une telle alternative n’a de sens que si sa construction est collective et si sa pratique est cohérente.

Gens en légos - photo de Joe Shlabotnik
Lorsqu’elle a conçu son projet éducatif au début des années 1970, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec 1 (FTQ) s’est inspirée de plusieurs tendances en éducation des adultes existantes au Québec à la fin des années 1960. Rappelons succinctement les plus marquantes : les courants d’animation de groupe qui appuyaient l’action autant que le développement personnel, les méthode de solution de problème et de prise de décision qui précisaient les objectifs de changement et soutenaient les plans d’action, les mobilisations populaires qui promouvaient la défense des droits et la dignité des conditions de vie.

Plusieurs éducateurs et éducatrices populaires et syndicaux avaient côtoyé le penseur brésilien, Paulo Freire. Ce dernier avait développé une pensée pédagogique dont les initiateurs ont retenu, pour le développement de leur méthode, deux éléments issus de l’approche conscientisante :
  1. L’adulte possède une riche expérience sur laquelle il faut s’appuyer, en la faisant s’exprimer et se systématiser.
  2. La formation faite par des pairs introduit un climat de confiance qui permet une meilleure compréhension des besoins et démystifie les étapes d’apprentissage grâce à la faible distance entre le formateur ou la formatrice et la personne formée .2

Un projet éducatif alternatif

Inscrit dans le contexte social de son époque et influencé par la mouvance de l’éducation populaire, le projet éducatif de la FTQ prend la forme d’un modèle qui propose une alternative au modèle dominant où un « maître » (un expert, un professeur) enseigne à l’élève ce qu’il doit savoir et apprendre. Le projet éducatif de la FTQ est basé sur un autre choix stratégique, soit celui de l’apprentissage par l’expérience. La formation des formateurs et des formatrices ainsi que la conception du matériel pédagogique sont élaborées pour « favoriser un processus au cours duquel un savoir est créé grâce à la transformation de l’expérience » (Kolb).

Ce modèle alternatif définit l’apprentissage comme une expérience active qui tient pour acquis que les personnes possèdent les ressources nécessaires pour l’accomplir et lui donner un caractère dynamique. Selon cette conception, toute formation part des acquis de la personne qui apprend et sous-entend que la personne possède les moyens utiles à sa croissance, à son développement, à son orientation et à ses choix.

Les contours du projet éducatif de la FTQ

Le projet éducatif de la FTQ s’appuie sur un principe directeur qu’on résume par les mots « Partir du connu pour aller à l’inconnu » et se caractérise par cinq (5) éléments qui représentent les choix faits par l’organisation dès 1974 :
  • Partir du groupe
  • Faciliter, réguler et produire des échanges qui permettent d’atteindre les objectifs fixés dans un cours donné (ex. confronter nos opinions sur la démocratie, sur l’intégration des personnes immigrantes, sur la valeur et l’exercice des droits, sur le rapport de force, etc.)
  • Transférer ces apprentissages dans le milieu de travail
  • Travailler en co-animation
  • Offrir une formation donnée par les pairs

Le système d’éducation mis en place à la FTQ s’appuie sur les services d’éducation de ses syndicats affiliés et de ses conseils régionaux afin de former près de 10 000 militants et militantes par année. Depuis près de trente ans, environ 60 personnes deviennent formatrices annuellement de façon à offrir l’un ou l’autre des quinze cours de base qui visent à outiller les syndicats locaux au niveau du rôle des délégués, des comités de santé et sécurité, des comités de négociation, des comités de condition féminine et d’équiper les personnes au niveau de la prise de parole en public, de l’aide aux personnes en difficulté jusqu’à une formation pour réfléchir à son projet de retraite !

La vidéo « Et si l’éducation syndicale m’était contée», produite par le Service d’éducation de la FTQ en novembre 2007 présente les origines du projet et laisse la parole aux participants et participantes des formations pour qu’ils et elles expriment ce que leur apporte la formation syndicale. Je vous invite à la visionner!


Johanne Deschamps
Conseillère syndicale à la FTQ au Service de l’éducation

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1La FTQ est l’une des quatre centrales syndicales présentes au Québec. Avec plus de 500,000 membres, elle est la plus grande centrale de la province et regroupe des travailleurs et des travailleuses oeuvrant autant dans le secteur privé que public : transport routier, ferroviaire, aérien et maritime, fabrication métallique, électrique et électrotechnique, services hospitaliers, municipaux et scolaires, alimentation, boulangerie et commerce, construction, postes et télécommunication, employés de bureau et professionnels, vêtement, mines, produits de la forêt et de la mer, etc.

2Rappelons que dans la méthode développée par Paolo Freire, l’alphabétisation était faite par des personnes récemment alphabétisées elles-mêmes.

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