Modifications proposées à la Loi sur le droit d'auteur : l'ASTED est préoccupée

Modifications proposées à la Loi sur le droit d'auteur : l'ASTED est préoccupée

Communiqué -

L’ASTED est préoccupée par le projet de loi C-61

Montréal, le 20 juin 2008 — L’Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation (ASTED) est préoccupée par le projet de Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur (C-61). Ce texte fragilise l’équilibre entre les utilisateurs et les titulaires des droits, sans accorder de considération significative aux créateurs.

Selon le président de l’ASTED, monsieur Philippe Sauvageau, « le projet de loi déposé la semaine dernière ne reflète en rien les débats et réflexions suscités par la question du droit d’auteur ces dernières années. Il ne tient pas davantage compte de l’évolution des rapports entre le contenu et son utilisation. À l’heure où le Canada s’apprête à accueillir des milliers de bibliothécaires de partout dans le monde en août 2008 pour le Congrès mondial des bibliothèques et de l’information, le projet de loi C-61 présente une image préoccupante du Canada quant à la diffusion des savoirs. »

Le droit d’auteur doit établir un équilibre entre les créateurs, premiers titulaires du droit d’auteur, les intervenants dans la chaîne de diffusion, ainsi que les utilisateurs. D’un côté, les ayants droits disposent d’un monopole pour l’exploitation commerciale des œuvres. De l’autre, les utilisateurs bénéficient d’un droit à l’utilisation équitable pour certains usages nécessaires dans une société démocratique, comme la recherche, la communication de nouvelles ou la critique. Les bibliothèques constituent à la fois un lieu et un outil essentiels pour le foisonnement de ce savoir et de cette culture, au profit de la société canadienne. Sans cette exception générale au droit d’auteur, il est évident que les marchés de l’information souffriront de l’excès de force des ayants droits.

Il va sans dire que les récents progrès des technologies de l’information et des communications ont tendance à rapprocher les utilisateurs des créateurs, au détriment des diffuseurs. Par ailleurs, ces mêmes technologies offrent des possibilités inouïes de transformer tous et chacun en créateur de contenu : la frontière entre création et utilisation est en train de devenir poreuse. Dans ce contexte, où tous les créateurs sont aussi utilisateurs d’oeuvres, imposer des régimes où l’utilisation équitable peut être écartée par des mesures de protection technologiques ou des dispositions contractuelles constitue un recul inacceptable pour la société canadienne. Globalement, le projet C-61 constitue un recul pour le droit des utilisateurs.

La Cour suprême du Canada a récemment articulé l’utilisation équitable dans le jugement ayant opposé CCH Canadienne Ltée contre le Barreau du Haut-Canada. « Il est surprenant que le texte de loi proposé par le gouvernement conservateur ne reprenne pas les dispositions de l’utilisation équitable du jugement CCH. L’utilisation équitable constitue un mécanisme simple et efficace pour embrasser les nouvelles technologies, comme l’ont d’ailleurs fait Israël et la Nouvelle-Zélande », a précisé Olivier Charbonneau, président du comité du droit d’auteur de l’ASTED.

Quant aux dispositions affectant les bibliothèques, l’ASTED considère que les modalités proposées pour le prêt entre bibliothèques seront frustrantes pour les étudiants et chercheurs canadiens tout en étant onéreuses à mettre en œuvre. Imposer une limite de 5 jours au visionnement d’un document et ne permettre qu’un nombre limité de visionnements et d’impressions constituent une entrave inacceptable au travail intellectuel et à la recherche académique, laquelle a besoin d’opérer selon un rythme qui ne doit pas être dicté par le droit d’auteur de manière étroite.

Également, les dispositions concernant les cours virtuels sont tout aussi désolantes. En plus de limiter l’utilisation dans un contexte qui est manifestement équitable, le régime proposé par le projet de loi C-61 forcera le milieu de l’enseignement et de l’éducation à recréer continuellement le même contenu, session après session. Il n’est pas clair pour l’ASTED comment ces dispositions constituent une « approche où tout le monde est gagnant », comme le prétend le ministre de l’Industrie.

Malgré les problèmes de fond évoqués, l’ASTED reçoit favorablement certains aspects du projet de loi C-61. Il est clair que l’utilisation de matériaux disponibles dans Internet pour des fins éducatives constitue une utilisation équitable et l’ASTED apprécie la surprotection offerte par C-61. Par ailleurs, les dispositions encadrant le transfert de support à des fins de gestion de collection faciliteront le travail des bibliothèques. Finalement, le régime « d’avis et d’avis » en ce qui concerne les fournisseurs d’accès à Internet constitue un développement très positif.

L’ASTED espère néanmoins que le débat sera maintenu et que des consultations auront lieu afin d’approfondir la recherche d’un équilibre entre les droits des titulaires et ceux des utilisateurs.

Pour information : Francis Farley-Chevrier (514) 281-5012