Un groupe pro-choix réclame une loi prohibant la contrainte à l’enfantement

Un groupe pro-choix réclame une loi prohibant la contrainte à l’enfantement


Communiqué

Un projet de loi récemment déposé par un député Conservateur qui criminaliserait le fait de «contraindre» une femme à avorter devrait être rejeté en faveur d’un projet de loi qui interdirait la pratique beaucoup plus courante de contraindre une femme à porter un enfant, affirme la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada, une organisation pro-choix pancanadienne.


«Il est inacceptable de forcer une femme à avorter», explique Joyce Arthur, coordonnatrice de la CDAC, «mais cela se produit beaucoup plus rarement que ce que prétendent souvent les propagandistes anti-choix. Ces situations découlent surtout de problèmes de violence conjugale.» Madame Arthur cite notamment une étude américaine récente qui s’est penchée sur le contrôle génésique imposé à certaines femmes par des conjoints violents. «Certaines femmes ont subi des pressions pour avorter, mais il y en a eu pour signaler que leur partenaire les empêchait de se procurer des contraceptifs ou de les utiliser, les menaçait de les engrosser ou leur imposait des rapports sexuels non protégés. Quand elles tombaient enceintes et voulaient avorter, certains partenaires les menaçaient ou leur imposaient des pressions pour qu’elles acceptent de porter cette grossesse à terme.»


En 1989, la Québécoise Chantal Daigle a dû se rendre aux États-Unis pour avorter après que son partenaire ait obtenu une injonction l’empêchant d’obtenir un avortement. La Cour suprême du Canada a statué peu après que les partenaires masculins n’avaient pas le droit de forcer une femme à porter un enfant.


«Il n’y a pas que les conjoints et les membres de la famille qui tentent de forcer les femmes à avoir des enfants contre leur gré», fait valoir Joyce Arthur. «Tout le mouvement anti-choix tente depuis des décennies d’imposer aux femmes la grossesse et la maternité, en travaillant à rendre illégal l’avortement ou à en restreindre l’accès. Il est peut-être temps de protéger les femmes de cette contrainte en criminalisant le militantisme anti-choix!»


Une cible plus réaliste serait de prohiber certains types d’activisme anti-choix, précise Judy Burwell, une autre porte-parole de la CDAC: «Il existe au Canada plus de 150 soi-disant "centres de crise de grossesse", qui ont pour tâche principale de détourner les femmes de l’avortement. Leurs tactiques peuvent inclure la tromperie, la désinformation, la honte et la culpabilisation, l’alarmisme, les tactiques de choc, l’invasion de la vie privée et le prosélytisme2. De plus, les protestataires anti-choix se livrent à ce qu’ils appellent du «counseling de trottoir», qui consiste à accoster les femmes à l’entrée des cliniques d’avortement. Ils le font trop souvent avec des paroles agressives et haineuses, traitant les femmes de meurtrières et les menaçant de l’enfer si elles osent avorter.»


«Une loi contre la contrainte à l’enfantement serait une excellente occasion de mettre fin à certaines des violations les plus flagrantes de l’intégrité des femmes, perpétrées par le mouvement anti-choix,» conclut Judy Burwell.


Contexte


Le projet de loi C-510 amenderait le Code criminel pour interdire toute contrainte à un avortement par des menaces physiques ou financières, des actes contraires à la loi ou «le fait de harceler ou d’importuner par des arguments ou l’expression de sa rancune». Il a été déposé le 15 avril par le député Conservateur anti-choix Rod Bruinooge (Winnipeg Sud), qui préside le très discret Caucus pro-vie du Parlement canadien.


Autres raisons qui rendent le projet de loi C-510 inutile ou suspect:

  • Le projet de loi est en grande partie redondant puisque les menaces et les actes contraires à la loi sont déjà illégaux aux termes du Code criminel.
  • Les conseillères se livrent déjà au dépistage de toute éventuelle contrainte envers les demandeuses d’avortement. Les cliniques d’avortement refusent d’en pratiquer sur les femmes qui hésitent ou qui vivent la contrainte de quelqu’un.
  • Le projet de loi est condescendant envers les femmes en suggérant que celles-ci sont souvent contraintes à avorter, alors que la vaste majorité des femmes décident elles-mêmes de recourir à cette procédure et en assument l’entière responsabilité.
  • Si l’on veut réellement protéger les femmes de conjoints violents, il nous faut de meilleures solutions que ce projet de loi. La meilleure façon d’assurer la sécurité des femmes consiste à les aider à obtenir égalité et autonomie (p. ex., l’équité salariale, des services de garde à coût abordable, l’aide juridique et d’autres programmes sociaux).
  • Cette loi aurait un effet paralysant et intimidant sur les pourvoyeur-es de services d’avortement, puisqu’elle serait probablement utilisée avant tout contre leurs services. En effet, le mouvement anti-choix véhicule l’allégation mensongère que les cliniques contraignent les femmes à avorter, ce qui pourrait inciter le dépôt d’accusations frivoles aux termes de cette loi, ainsi que du harcèlement et des actes de violence contre les pourvoyeur-es.
  • Il est impossible et inapproprié pour le gouvernement de policer des relations familiales qui peuvent s’avérer désordonnées et volatiles. Quel sera le critère de ce qui sera appelé une menace illégale? Comment obtenir la preuve d’une contrainte dans de telles circonstances?
  • Le projet de loi a pour motivation un sentiment anti-choix, plutôt qu’un souci du bien-être des femmes. Non seulement a-t-il été déposé par un député anti-choix, mais il est farouchement appuyé par des militants anti-choix, qui qualifient d’«enfant» le fœtus. Ce projet de loi est une tentative de réintroduire de façon détournée la notion de droits du foetus, en présentant l'avortement comme un tort social qu'il faudrait criminaliser.
  • Le prétexte utilisé pour le dépôt du projet de loi – le meurtre en 2007 d’une femme enceinte de Winnipeg – constitue de la fausse représentation. Le député Bruinooge prétend que Roxanne Fernando a été assassinée parce qu’elle refusait d’avorter. Portant, le meurtrier, son avocate et le procureur de la Couronne conviennent tous que ce n’était pas le mobile du crime.

[Source : http://www.arcc-cdac.ca/fr/press/ARCC-CDAC-release-apr-19-10-francais.pdf]