Éducation et formation interculturelles : regards critiques

Éducation et formation interculturelles : regards critiques

Ce numéro de Recherches en éducation, No 9, préparé par le Centre de Recherche en Education de Nantes (CREN) sous la direction de Michel Fabre et Frédéric Tupin, comprend les contributions suivantes :

Edito - Driss ALAOUI - Eduquer et former à l’interculturel : un impératif sociétal

"Ce numéro réunit huit chercheurs qui exercent leur activité professionnelle en Suisse, au Québec, en Finlande, au Brésil ou en France. Ces spécialistes des questions interculturelles explorent des terrains divers, situés dans le champ de l’éducation et de la formation, en s’appuyant sur plusieurs disciplines contributives parmi lesquelles on trouve, l’anthropologie, la philosophie, la psychologie, la didactique des langues, l’histoire de l’éducation…

A la lecture de ce numéro thématique on voit naître des espaces inter et pluri-disciplinaires ce qui, d’une certaine façon, fait écho, sur le plan épistémologique cette fois-ci, à la dynamique inter-culturelle. Enfin, dans la même veine, un dialogue à distance est ménagé entre disciplines." (Extrait de l’édito)

AVEC LES ARTICLES DE :

Martine A. PRETCEILLE - La pédagogie interculturelle : entre multicuturalisme et universalisme

L’auteur se propose de démontrer que la pédagogie interculturelle s’inscrit dans une tension entre une exacerbation des différences et un universalisme malheureusement confondu avec le principe éthique d’universalité. En effet, le traitement de l’hétérogénéité culturelle suppose d’adosser l’analyse et l’action sur une philosophie à la fois morale et pragmatique au sens où il s’agit de chercher à comprendre des pratiques, des discours et des comportements ancrés non pas dans des catégories culturelles distinctes, homogènes et hermétiques les unes aux autres, mais au contraire dans des processus de métissage et de « créolisation ». Apprendre à voir, à écouter, à être attentif à autrui renvoient à l’expérience de l’altérité et non à un apprentissage des cultures. Cette expérience s’acquiert et se travaille. Ainsi, la prise en compte de la culture ne se limite pas à l’introduction d’une variable supplémentaire. Il convient de se détacher de toute conception différencialiste, déterministe et causaliste pour construire un humanisme du divers.

Bertrand TROADEC - Culture et interculturel en psychologie : préférence pour la démarche scientifique et conséquences épistémologiques

La recherche interculturelle est souvent définie comme l’étude soit de la diversité culturelle soit du contact de cultures différentes. Cette définition oppose deux conceptions des relations entre cultures : leur séparation ou bien leur rencontre. Cette opposition n’apparaît pas satisfaisante d’un point de vue anthropologique et sociologique, car toute culture, conçue comme « séparée » des autres, est le produit des « rencontres » qu’elle a eu au cours de son Histoire. À partir d’analyses sociologiques des racismes qui différencient un racisme d’exclusion/séparation et un racisme d’assimilation/rencontre, on se propose de dépasser l’opposition précédente et de définir - au moins pour la psychologie - la recherche interculturelle comme la résultante d’un système complexe de relations qu’il est possible d’établir entre les principales idéologies relatives aux races, ethnies, cultures.

Fred DERVIN - Pistes pour renouveler l’interculturel en éducation

Cet article prend position dans le marécage théorique, conceptuel et analytique de « l’interculturel » en en proposant une approche critique et intersubjective. Qu’il s’agisse d’éducation ou de recherche, « l’interculturel » a souvent mené à des malentendus que je déconstruirai dans une première partie, à partir de l’exemple de la didactique des langues étrangères. Ce domaine peut parfois alimenter les démarches objectivisantes et culturalistes de l’interculturel et conduire davantage au culturalisme qu’à de l’interculturel, compris ici comme phénomènes co-constructifs. Je tenterai de démontrer ensuite comment un travail systématique et réflexif à l’école pourrait permettre des interrogations sur les notions centrales de culture, identité et représentations mais aussi sur le rôle de l’Autre, des contextes d’interaction et des discours dans la co-construction de soi et de l’autre. Deux modèles de compétences interculturelles qui prennent en compte ces suggestions seront passés en revue. Deux composantes seront examinées en détail.

Michèle VATZ LAAROUSSI & Marilyn STEINBACH - Des pratiques interculturelles dans les écoles des régions du Québec : un modèle à inventer

Si les pratiques interculturelles en milieu scolaire sont bien ancrées dans certaines écoles montréalaises, où la diversité ethnique et culturelle fait partie du paysage depuis de nombreuses années, il en va autrement dans les régions du Québec nouvellement exposées à cette diversification de leurs populations. Pourtant les politiques de régionalisation de l’immigration en œuvre au Québec depuis 1993, postulent un capital interculturel plus ouvert en région que dans les grandes métropoles. Comment se jouent aujourd’hui les relations interculturelles dans le monde scolaire des régions du Québec ? Quels en sont les enjeux, les éléments facilitateurs et les principaux obstacles ? Voici les questions qui guident cet article. À partir de différentes recherches portant sur les collaborations familles immigrantes-école et sur l’immigration dans les régions du Québec, l’article propose une réflexion sur les facettes de la diversité culturelle en milieu scolaire régional et sur le développement de nouveaux espaces d’interculturalité.

Abdeljalil AKKARI et Camila POMPEU DA SILVA - Les approches interculturelles dans le système éducatif brésilien : entre immobilisme et transformations radicales

Cet article vise à analyser l’émergence des approches interculturelles dans le système éducatif brésilien. Tout d’abord, nous tenterons de tracer l’évolution des relations interethniques dans le pays. Le poids de l’esclavagisme et de la colonisation sera situé. Ensuite, l’article se focalisera sur l’adoption de mesures législatives récentes visant à encourager la prise en compte de la diversité dans le système éducatif. Enfin, le texte se centrera sur les approches interculturelles dans la formation et le travail enseignant. La situation brésilienne est intéressante dans la mesure où on observe à la fois la persistance d’un conservatisme empêchant l’interculturel d’avoir une légitimité bien installée à l’école mais dans le même temps l’ouverture d’un débat profond sur l’identité culturelle nationale et la nécessité de prendre en compte toutes les inégalités historiques.

Olivier MEUNIER - Reprise d’initiative et éducation interculturelle chez les Amérindiens de l’Amazonie brésilienne (Etat d’Amazonas)

La transmission traditionnelle des savoirs dans les sociétés relevant de l’oralité et le modèle occidental de la forme scolaire peuvent apparaître a priori dichotomiques, ce qui a souvent contribué à leur développement juxtaposé et le plus souvent à un processus de domination du second sur les premières. Au Brésil, suite au processus républicain visant à assimiler les populations amérindiennes à la Nation durant les années 1970-1980, ces dernières se sont organisées pour sauvegarder leur territoire et leur identité culturelle, ce qui a donné lieu, à partir des années 1990, à la généralisation d’une éducation scolaire interculturelle dans les territoires indigènes, ouvrant la forme scolaire aux savoirs socioculturels des peuples premiers. En intégrant des savoirs « traditionnels » dans l’enseignement, la forme scolaire a permis à ces enfants éloignés d’une culture scolaire « occidentalisée », de relier les savoirs « communautaires » aux savoirs scolaires. Ce système présente une capacité à considérer la pluralité des différences culturelles. Celle-ci n’est alors pas vécue comme une trace régressive d’inconscient collectif. C’est au contraire la reconnaissance des cultures traditionnelles qui conditionne le désir de connaissances nouvelles et son appropriation, ce qui pourrait être aussi une réponse pour d’autres pays, notamment chez les élèves socialement et culturellement éloignés de la forme scolaire instituée.

VARIA

Stéphane BRAU-ANTONY & Vincent GROSSTEPHAN - Analyse de l’activité professionnelle d’un conseiller pédagogique d’Education Physique et Sportive : de la difficulté à superviser le travail d’un enseignant débutant

L’article a pour objectif de décrire et comprendre la dynamique des interactions entre un conseiller pédagogique et son stagiaire lors d’un entretien-conseil qui fait suite à une séance d’Education Physique et Sportive (EPS). Trois types de données ont été prélevés : un enregistrement audio-vidéo de la séance d’EPS, un enregistrement audio-vidéo de l’entretien post-séance entre le conseiller pédagogique et le stagiaire et un entretien d’autoconfrontation à partir duquel le conseiller pédagogique devait commenter les traces filmées de son activité. Les résultats ont permis de mettre au jour, d’une part, le contenu du discours ainsi que les différentes attitudes adoptées par le conseiller pédagogique lors de l’entretien-conseil et, d’autre part, un ensemble de difficultés professionnelles rencontrées par celui-ci pour conduire son entretien.

Joëlle DEMOUGOET-LEBEL & Cathy PERRET - Les chargés de TD/TP ont-ils tous les mêmes inquiétudes avant leurs premières interventions face aux étudiants

Cet article s’intéresse aux inquiétudes d’enseignants universitaires débutants avant leurs premiers cours, en tenant compte de leurs conceptions de l’apprentissage et de l’enseignement. Il s’appuie sur une étude empirique réalisée auprès de jeunes chargés de TD/TP de l’université de Bourgogne. Celle-ci montre que la quasi-totalité des jeunes enseignants ont des inquiétudes concernant la préparation de leurs interventions devant les étudiants. Certaines préoccupations sont largement partagées par tous. D’autres inquiétudes sont liées aux représentations des jeunes enseignants. L’inquiétude relative à l’organisation de la participation des étudiants apparaît avant tout une préoccupation de ceux ayant les conceptions plus centrées sur l’apprenant.

Constantin XYPAS & Jean-Yves ROBIN - La dimension existentielle dans la construction du problème en recherche doctorale

À partir de l’observation de doctorants en sciences de l’éducation en particulier et en sciences humaines et sociales en général, il apparaît que le facteur existentiel assure une fonction complexe : il est à la fois ce qui mobilise l’intérêt du chercheur et le conduit à poser le problème, et en même temps ce qui mobilise ses résistances intellectuelles et empêche la rupture nécessaire avec le sens commun, sans laquelle le problème ne peut être construit. Par quel accompagnement des doctorants favoriser la maturation intellectuelle et émotionnelle du projet afin d’atteindre la rupture nécessaire avec le sens commun ?

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[Source : http://www.recherches-en-education.net/spip.php?rubrique1]