La tolérance sociale, complice de la violence et de l'exploitation sexuelle

La tolérance sociale, complice de la violence et de l'exploitation sexuelle

Communiqué

Montréal, le 1er février 2011- Dans le mémoire présenté devant la Commission des relations avec les citoyens, aujourd’hui, le regroupement québécois des CALACS fait valoir comment s’articulent certains discours (médias et groupes d’intérêts) dans une société basée sur un système patriarcal, et comment cela renforce la tolérance sociale à l’égard de la violence et de l’exploitation sexuelle des femmes. La promotion de comportements égalitaires s’avère essentielle pour contrer la tolérance sociale et pour prévenir l’exploitation sexuelle. Encore faut-il reconnaître les inégalités existantes et leurs multiples expressions.

Au cœur de notre argumentaire se trouve l’aspect genré de la violence sexuelle : dans les cas déclarés à la police, 98% des agresseurs sont de sexe masculin et 82% des victimes, de sexe féminin . Cette violence trouve ses fondements dans les inégalités et les rapports de domination entre les sexes. C’est aussi dans ces rapports de domination que se situent la prostitution et l’exploitation sexuelle sous toutes ses formes.

Les mythes très répandus de la disponibilité sexuelle des femmes et des pulsions sexuelles incontrôlables des hommes soutiennent la violence et l’exploitation sexuelle et renforcent la tolérance sociale à leur égard. Ils se basent sur la logique intrinsèque du système patriarcal : une logique naturaliste. Dans la prostitution, des conditions sociales et économiques défavorables coopèrent en plus à ce que certaines femmes se retrouvent, un jour, au sein du système prostitutionnel.

Les agresseurs sexuels et les clients prostitueurs, quant à eux, demeurent impunis dans la majorité des cas, ce qui envoie le message que la violence et l’exploitation sexuelles sont banales, voire sans gravité. L’impunité des agresseurs n’est qu’une expression, parmi d’autres, des inégalités et des rapports de domination entre les sexes.

L’hypersexualisation – ou sexualisation de l’espace public - en est une autre expression. Ce phénomène de société brouille les frontières entre sexualité assumée et violence, et obscurcit l’idée même de consentement. De plus, l’exposition à du contenu sexuel à répétition entraîne une plus grande adhésion aux stéréotypes sexuels et sexistes. Il devient ainsi primordial de développer l’esprit critique des jeunes – et des moins jeunes - face à l’hypersexualisation, afin de faire contrepoids aux nombreux messages qui circulent à un tel point dans notre société que, souvent, on en oublie les impacts.

En effet, les inégalités entre les femmes et les hommes s’expriment à travers différents discours. Le discours des médias, par exemple, tend à reproduire et consolider les mythes et préjugés entourant la violence et l’exploitation sexuelle, et n’en révèle que rarement les graves conséquences pour les victimes. Quant au discours dit « masculiniste », d’ailleurs diffusé par les médias, il banalise la violence envers les femmes et cherche à déresponsabiliser les hommes de leurs comportements violents, en niant le contexte de domination dans lequel ils se produisent. Mais ces discours ne peuvent être tenus responsables, puisque c’est la société dans son ensemble qui contribue, par sa tolérance silencieuse, au maintien et à la reproduction de la violence et de l’exploitation sexuelle.

Et qui en paie le prix? Les victimes, évidemment. Des données québécoises conviennent que 85% des victimes d’agression sexuelle manifestent des troubles de stress post-traumatique (TSPT) sévères qui interfèrent avec le fonctionnement social, familial et professionnel et dont les conséquences non traitées mènent à la cristallisation des symptômes . Nous savons par ailleurs, à partir des données statistiques recueillies auprès de nos CALACS membres, que près de la moitié des femmes rencontrées dans nos centres attendent 13 ans ou plus avant de dévoiler son (ou ses) agression(s) . Les symptômes liés au TSPT sont donc susceptibles, après toutes ces années, d’être cristallisés en habitudes ou en comportements non désirés, voire destructeurs.

Au Québec, les CALACS représentent les seules ressources qui tentent de répondre aux besoins spécifiques des femmes et des adolescentes victimes d’agressions à caractère sexuel, mais aussi qui agissent avant que la violence ne se produise par des activités de prévention et de sensibilisation. Notre expertise doit être reconnue et notre travail soutenu par le gouvernement par le biais d’une promotion et d’un financement adéquats.

Reconnaître et dénoncer les inégalités entre les sexes comme source de la violence et de l’exploitation sexuelle constitue la première étape de la lutte. Nous demandons que le gouvernement tienne compte de l’aspect genré de la violence dans sa définition des agressions sexuelles. La promotion de comportements égalitaires se situe de plus au cœur de la prévention. En ce sens, le RQCALACS a émis une série de recommandations, notamment :
  • un meilleur encadrement des pratiques publicitaires ;
  • l’élaboration d’une politique sociale contre le système prostitutionnel, incluant des services spécifiques pour les femmes qui veulent s’en sortir et une adhésion claire à la position abolitionniste ;
  • la promotion, par le biais du Ministère de la Sécurité publique notamment, des bonnes attitudes à adopter avec les victimes d’agressions ;
  • la mise en œuvre de mesures spécifiques tenant compte des réalités particulières des femmes de la diversité, des femmes handicapées, des lesbiennes et des femmes autochtones.
Pour connaître les coordonnées des CALACS, visitez le site Internet du Regroupement : www.rqcalacs.qc.ca

Pour information : Karine Tremblay
514 529-5252, cellulaire: 514-346-5252
Source : Regroupement québécois des CALACS