Les services aux jeunes et aux adultes présentant un trouble envahissant du développement : de l’engagement gouvernemental à la réalité

Les services aux jeunes et aux adultes présentant un trouble envahissant du développement : de l’engagement gouvernemental à la réalité

Message de la protectrice du citoyen

« En octobre 2009, notre rapport spécial sur les services gouvernementaux destinés aux enfants de 0 à 7 ans qui présentent un trouble envahissant du développement (TED) était déposé à l’Assemblée nationale. Ses constats étaient clairs : l’accès aux services publics pour les enfants présentant un TED et leurs parents constitue un parcours parsemé d’embûches qui engendre de nombreuses insatisfactions, généralement fondées.

Le Protecteur du citoyen assure depuis le suivi de ses recommandations. Il constate les efforts consentis par les divers réseaux et établissements publics, dans des conditions parfois difficiles. Il faut reconnaître le chemin parcouru depuis et saluer le travail des divers intervenants. Nous le constatons, établir ou renforcer la nécessaire collaboration entre tous les intervenants des services publics impliqués dans la dispensation de services variés constitue un grand défi. Cette collaboration efficace est pourtant d’une importance cruciale pour assurer la prestation intégrée des différents services requis, en continuité et au moment opportun. Cruciale aussi pour permettre la stabilité et l’établissement d’un lien de confiance avec l’intervenant pivot désigné pour soutenir les personnes présentant un trouble envahissant du développement, en particulier lors des étapes de transition.

Dans la foulée du dépôt de ce premier rapport, le Protecteur du citoyen a reçu des plaintes et des signalements concernant l’insuffisance de services pour les personnes adolescentes et adultes présentant un TED. L’insatisfaction persiste auprès de tous les acteurs concernés, soit les personnes présentant un TED, leurs parents et proches aidants ainsi que les divers intervenants. C’est ce qui nous a conduits à poursuivre nos travaux d’analyse des services publics destinés aux personnes de plus de 7 ans qui présentent un TED, tout en assurant parallèlement le règlement de ces plaintes individuelles que nous avons jugées fondées.

Déterminer les causes de cette insatisfaction quasi généralisée a présenté bien des défis. Contrairement à ce qui était anticipé, un de nos premiers constats est que l’on peut recenser une offre diversifiée de services publics destinés aux personnes adolescentes et adultes présentant un TED. Bien que théoriquement disponible, cette offre est cependant, en réalité, peu et inégalement accessible. Il nous a semblé impératif de comprendre les raisons de cet écart entre l’offre annoncée et l’accès réel des citoyens aux services. C’est la raison d’être du présent rapport.

Selon les différentes sources d’information auxquelles nous avons accès au moment de rendre public ce rapport, environ 20 000 personnes pourraient présenter un trouble envahissant du développement au Québec. Ce nombre est minimal. Par ailleurs, nous n’avons pu recenser des données sur le nombre de proches aidants qui agissent auprès d’elles. Ces personnes sont régulièrement en contact avec les services publics et en requièrent elles-mêmes certains, notamment ceux de répit général et spécialisé.

En tenant compte de la diversité de leurs profils, qui a une grande influence sur la nature et sur l’intensité des services requis, notre analyse nous a permis de cerner quatre grands thèmes : un accès aux services de santé et aux services sociaux fondé sur les besoins de la personne, un parcours scolaire épanouissant, une vie active réussie qui permette le plus possible l’accomplissement de soi et un milieu de vie adapté au niveau d’autonomie de la personne présentant un trouble envahissant du développement. Pour chacun de ces thèmes, nous avons recensé les problèmes rencontrés, tenté d’en illustrer l’impact concret pour les citoyens visés et proposé des pistes d’amélioration réalistes et durables.

Notre analyse des besoins les plus fréquemment exprimés a mis en évidence, encore une fois, la nécessité que les divers intervenants partagent une approche d’ensemble pour répondre aux besoins diversifiés de personnes aux prises avec des problématiques complexes. Cela exige de renforcer la capacité de ces intervenants provenant des réseaux de la santé, des services sociaux, de l’éducation et de l’emploi, et de différents établissements, d’harmoniser leurs interventions. Le renforcement du travail intersectoriel est une condition nécessaire pour améliorer durablement la situation. Des outils existent déjà, comme le plan de services individualisé et intersectoriel (PSII). On doit maintenant promouvoir leur utilisation optimale, voire la forcer.

Ce rapport s’adresse avant tout aux décideurs, administrateurs et intervenants des réseaux publics qui doivent s’associer dans la dispensation des services liés aux troubles envahissants du développement : le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale ainsi que l’Office des personnes handicapées du Québec. Il aborde des enjeux d’orientation, de planification et de gestion des services, dont certains de nature clinique. Il réfère aussi à des expressions reconnues dans les milieux spécialisés, à des structures, documents, instruments et approches à caractère spécialisé et souvent technique. Malgré ce fait, chacune de nos recommandations a été formulée dans le but d’améliorer très concrètement l’accès aux services pour les personnes présentant un TED et leurs proches.

Au cours des derniers mois, plusieurs groupes représentant d’autres personnes vulnérables nous ont soumis des situations analogues à celles examinées dans le présent rapport. Je souhaite que l’effort important du Protecteur du citoyen dans la réalisation de deux rapports à l’égard des personnes présentant un TED puisse, dans une très large mesure, profiter à d’autres personnes vulnérables. Je pense en particulier à celles présentant une déficience intellectuelle ou physique. Dans ce contexte, la réflexion menée ici, les constats et les pistes de solution proposées pourront souvent s’appliquer à elles aussi, avec les adaptations nécessaires. L’intégration et la participation sociale des personnes présentant des déficiences diverses reposent en effet sur les mêmes principes. En outre, je souligne l’importance d’aborder la question de la clarification et de l’adaptation de l’offre de services publics, au bénéfice de toutes les personnes handicapées.

Je remercie, en terminant, tous ceux et celles qui ont participé à nos consultations dans le cadre de ces travaux. Les points de vue des personnes présentant un TED, de leurs proches et des intervenants des divers réseaux publics de services ont enrichi notre réflexion. Je les assure, avec mon équipe, de notre engagement à tout mettre en œuvre pour assurer un suivi efficace des recommandations de ce rapport. Les changements demandés sont importants. Ils sont cependant nécessaires pour assurer à des personnes parmi les plus vulnérables de la société québécoise l’accès aux services que requiert leur condition et optimiser les investissements publics consentis dans les divers réseaux. Je comprends l’impatience de ces personnes, et de leurs proches, à voir la situation évoluer positivement. Des actions seront posées à court terme, d’autres se réaliseront par étapes et certaines recommandations exigeront la transformation de cultures organisationnelles entières. Le Protecteur du citoyen suivra activement l’évolution de la situation générale au cours des prochaines années et interviendra, dans tous les cas qui seront portés à son attention, afin d’assurer le respect des droits et la qualité des services offerts aux personnes présentant un TED et à leurs proches. »

-> Consultez le rapport (PDF)