Consensus de Shanghai « Transformer l'enseignement et la formation techniques et professionnels : construire des compétences pour le travail et la vie »

Consensus de Shanghai « Transformer l'enseignement et la formation techniques et professionnels : construire des compétences pour le travail et la vie »

CONSENSUS DE SHANGHAI
Recommandations du troisième Congrès international
sur l’enseignement et la formation techniques et professionnels

« Transformer l’EFTP : Construire des compétences pour le travail et la vie »
Shanghai, République populaire de Chine

 

PRÉAMBULE

Nous, participants au troisième Congrès international sur l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP), réunis à Shanghai (République populaire de Chine) du 14 au 16 mai 2012, avons passé en revue les principales tendances et innovations dans les politiques intervenues dans le domaine de l’EFTP depuis le deuxième Congrès tenu à Séoul (République de Corée) en 1999. Nous avons examiné les défis auxquels les systèmes d’EFTP sont confrontés et exploré les réponses appropriées afin de parvenir à une meilleure compréhension de la contribution de l’EFTP au développement durable, et de définir des orientations stratégiques pour la coopération entre les pays et avec la communauté internationale en faveur de l’EFTP pour tous, dans le cadre de l’ensemble des efforts visant à favoriser l’accès, l’inclusion et l’équité, l’éducation en vue du développement durable et une culture de la paix. Nous exprimons notre sincère gratitude au Gouvernement de la République populaire de Chine qui accueille le Congrès et le remercions de son accueil chaleureux et de sa généreuse hospitalité, 

RAPPELANT les recommandations du Congrès international sur le développement et l’amélioration de l’enseignement technique et professionnel (Berlin, 1987), la Convention sur l’enseignement technique et professionnel (1989), les recommandations du deuxième Congrès international sur l’enseignement technique et professionnel (Séoul, 1999), la Recommandation révisée concernant l’enseignement technique et professionnel (2001), la Déclaration de Bonn – Apprendre pour travailler, citoyenneté et durabilité (2004), la Déclaration de Bonn sur l’éducation pour le développement durable (2009), le Plan d’action du G-20 sur le développement (Séoul, 2010), la Déclaration adoptée à la réunion ministérielle des pays les moins avancés (PMA) à l’occasion de la treizième session de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Doha, avril 2012), les résultats des deux consultations régionales organisées en vue du Congrès de Shanghai (Déclaration d’Oman et Déclaration de Montego Bay) ainsi que les résultats de la triennale de 2012 de l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA),

SOULIGNANT que l’EFTP est censé contribuer activement à la réalisation des objectifs de l’Éducation pour tous (EPT) et des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) alors que la date cible de 2015 approche, et que son importance est de plus en plus reconnue à la veille de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio + 20, 20-22 juin 2012) et dans les discussions internationales sur les agendas internationaux de l’éducation et du développement post-2015,

NOTANT les progrès significatifs accomplis dans le développement des politiques nationales d’EFTP et l’amélioration de la coordination depuis le deuxième Congrès international sur l’enseignement et la formation techniques et professionnels, en particulier s’agissant de l’articulation entre éducation et formation et du rôle de l’EFTP dans l’apprentissage tout au long de la vie, 

NOTANT ÉGALEMENT le débat conceptuel en cours sur la définition de l’EFTP, y compris l’usage d’autres termes tels que « développement des compétences techniques et professionnelles » (DCTP),

RECONNAISSANT les nouveaux défis sociétaux et de développement liés à l’émergence de sociétés du savoir, à la diffusion rapide des technologies de l’information et de la communication, aux effets de la crise financière mondiale, aux conséquences du changement climatique et des évolutions démographiques, ainsi qu’à l’apparition de compétences techniques et professionnelles nouvelles et souvent d’un niveau plus élevé,

RECONNAISSANT ÉGALEMENT que l’EFTP peut contribuer activement à résoudre des problèmes liés au contexte, tels que des conditions socioéconomiques défavorables, y compris le sous-emploi et le chômage – en particulier des jeunes et des femmes –, la pauvreté et la privation, les disparités urbaines-rurales, l’insécurité alimentaire, l’accès limité aux services de santé, les défis spécifiques auxquels sont confrontés les PMA, les petits États insulaires en développement (PEID) ainsi que les pays touchés par des conflits et des catastrophes,

AYANT À L’ESPRIT le rôle de l’EFTP dans la promotion de la diversité culturelle et la transmission d’une génération à l’autre des compétences et savoirs locaux, ce qui favorise le développement centré sur l’être humain, ainsi que la nécessité d’appréhender l’EFTP en tenant compte du contexte spécifique de chaque pays tout en reconnaissant sa dimension universelle, 

RECOMMANDONS que les gouvernements et autres parties prenantes de l’EFTP dans les États membres de l’UNESCO envisagent de prendre les mesures suivantes en vue de relever les défis identifiés durant le Congrès :

1. Améliorer la pertinence de l’EFTP

  • Actualiser et développer les mécanismes et les outils permettant d’identifier les compétences nécessaires aujourd’hui et demain, afin de garantir la pertinence des programmes d’EFTP par rapport à des marchés du travail, des économies et des sociétés qui changent rapidement 
  • Inclure l’éducation pour des économies et des sociétés vertes dans les qualifications et les programmes de l’EFTP, et orienter l’agenda de « l’EFTP vert » vers une croissance et un développement à faible émission de carbone et résistant au changement climatique
  • Promouvoir l’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’EFTP afin de prendre en compte les transformations en cours sur le lieu de travail et dans la société tout entière
  • Accorder une attention particulière aux professions souffrant d’un déficit de personnels formés
  • Prendre davantage en considération les besoins et les demandes au niveau local
  • Développer des cadres et des mécanismes incitatifs afin de promouvoir la participation active des parties prenantes concernées à la planification, à la gouvernance, à l’élaboration et l’évaluation des programmes et des qualifications, ainsi que la coopération école/entreprise et la formation en milieu professionnel

2. Élargir l’accès et améliorer la qualité et l’équité

  • Développer des politiques efficaces en vue d’améliorer les processus d’enseignement et d’apprentissage. Élaborer plus particulièrement des politiques et des cadres d’action en vue de professionnaliser le personnel de l’EFTP. Développer et renforcer les normes d’enseignement à tous les niveaux
  • S’efforcer d’améliorer la qualité dans toutes les modalités d’EFTP et les multiples environnements où il est dispensé, y compris en définissant des normes et références de qualité
  • Promouvoir des compétences transversales telles que la résolution de problèmes et la pensée critique, les compétences entrepreneuriales et la capacité d’adaptation comportementale afin de doter les apprenants des aptitudes nécessaires pour acquérir des moyens d’existence et de subsistance durables
  • Prendre des mesures innovantes pour faire bénéficier d’un EFTP inclusif et de qualité les groupes défavorisés, dont les apprenants handicapés, les populations marginalisées et rurales, les migrants et les personnes touchées par des conflits et des catastrophes
  • Améliorer l’égalité entre les sexes en favorisant l’égal accès des femmes et des hommes aux programmes de l’EFTP, notamment dans les domaines où il y a une forte demande du marché du travail, et en veillant à ce que les programmes et matériels de l’EFTP évitent les stéréotypes sexistes

3. Adapter les qualifications et développer des parcours de formation

  • Promouvoir des parcours flexibles et l’accumulation, la reconnaissance et le transfert des formations individuelles à l’aide de systèmes de qualification transparents, bien articulés et axés sur les résultats ; définir des mesures fiables pour l’évaluation, la reconnaissance et la validation des compétences, y compris au niveau international ; échanger des informations et développer la confiance ; et nouer des partenariats entre toutes les parties prenantes. Intégrer des mécanismes d’assurance qualité dans toutes les composantes des systèmes de qualification
  • Relier l’EFTP à l’enseignement général afin de proposer des passerelles flexibles à tous les niveaux, et faciliter la progression des apprenants de l’EFTP vers des niveaux d’enseignement plus élevés dans le cadre de stratégies d’apprentissage tout au long de la vie. Faire en sorte que tous les parcours permettent aux jeunes d’acquérir des compétences utiles pour le marché du travail ainsi qu’une bonne maîtrise de la lecture, du calcul et des compétences, valeurs et attitudes transmissibles
  • Mettre en place des systèmes d’orientation professionnelle pour aider les apprenants à choisir des parcours appropriés, y compris en fournissant des informations actualisées sur le marché du travail, et des instruments d’auto-évaluation pour identifier les aptitudes et les centres d’intérêt, et promouvoir l’acquisition de compétences en matière de gestion de carrière

4. Améliorer les données disponibles

  • Renforcer les cadres et instruments permettant d’améliorer la collecte des données qualitatives et quantitatives pertinentes pour la formulation de l’agenda national, y compris les données sur les enseignants et les formateurs, ainsi que pour son suivi et son évaluation, ce qui devrait inclure l’élaboration d’outils permettant de mesurer l’efficience et l’efficacité des politiques
  • Développer à l’échelon national les capacités d’utilisation efficace des données dans le cycle des politiques, y compris la capacité des partenaires sociaux et de la société civile de participer à ce processus
  • Renforcer la recherche dans le domaine de l’EFTP afin de développer la base d’informations et de promouvoir l’élaboration de politiques davantage fondées sur des données factuelles
  • Assurer la cohérence entre les collectes de données au niveau national et les normes et initiatives internationales

5. Renforcer la gouvernance et développer les partenariats

  • Créer, le cas échéant, des approches et des cadres permettant d’associer des représentants des entreprises, des travailleurs, des apprenants et de la société civile, y compris les jeunes
  • Développer des partenariats pour l’EFTP dans le cadre des initiatives et des espaces de coopération régionale

6. Accroître l’investissement dans l’EFTP et diversifier les financements

  • Reconnaître l’EFTP comme un investissement dans le capital humain qui produit un fort rendement au bénéfice d’acteurs très divers, y compris des particuliers, des entreprises et l’État, et lui accorder une priorité élevée
  • Diversifier les sources de financement en associant toutes les parties prenantes et, en particulier, en recourant à des mécanismes d’incitation appropriés
  • Promouvoir des dispositifs de financement ciblés afin de faciliter l’accès des groupes défavorisés à l’EFTP et aux emplois, y compris les emplois « verts »

7. Plaider en faveur de l’EFTP

  • Souligner le rôle essentiel que joue l’EFTP dans la promotion de la prospérité économique et de la cohésion sociale
  • Rehausser l’image et l’attractivité de l’EFTP auprès des apprenants, des familles et de toutes les autres parties prenantes, y compris au travers des médias, et les informer des possibilités de progression, d’emploi et de développement personnel que l’EFTP peut offrir

RECONNAISSONS que la participation active de la communauté internationale, y compris les acteurs multilatéraux et bilatéraux ainsi que les institutions privées et la société civile, est d’une importance vitale pour relever les défis liés aux politiques en matière d’EFTP ; et 

RECOMMANDONS que la communauté internationale :

  • reconnaisse le rôle essentiel joué par l’EFTP dans la lutte contre le chômage et le sous-emploi des jeunes
  • assure une plus grande visibilité et un appui renforcé à l’EFTP en tant que partie intégrante des agendas internationaux de l’éducation et du développement durable post-2015
  • accorde une priorité particulière au développement de la recherche et de l’analyse pour donner une base fiable, solide et factuelle à l’élaboration des politiques, et assurer une allocation et une orientation efficaces et justes des ressources
  • mette en adéquation la coopération internationale avec les besoins nationaux en matière d’EFTP et les stratégies intersectorielles pour assurer une meilleure prise en charge des programmes de développement et encourager des appuis supplémentaires dans ce domaine
  • accorde une priorité particulière aux PMA, aux PEID et aux pays touchés par des conflits et des catastrophes
  • attire l’attention de façon concertée sur les pays à revenu intermédiaire étant donné les défis particuliers auxquels ils sont confrontés 
  • offre des plates-formes appropriées pour les échanges internationaux sur les politiques, les instruments et les approches, en soutenant ainsi la coopération Sud-Sud et Nord-Sud-Sud et en en tirant des avantages ;

INVITONS la Directrice générale de l’UNESCO à s’efforcer de mettre en œuvre les mesures suivantes :

  • Faciliter le débat sur la place de l’EFTP et des compétences pour le monde du travail dans les agendas internationaux sur l’éducation et sur le développement post-2015, en tirant les enseignements de la mise en œuvre de la stratégie de l’UNESCO pour l’EFTP (2010-2015)
  • Renforcer le rôle de l’EFTP dans le développement humain holistique et inclusif
  • Collecter et diffuser des données d’observation démontrant les multiples et diverses approches des politiques visant à transformer et élargir l’EFTP, en utilisant le réseau UNESCO-UNEVOC et les chaires UNESCO actives dans ce domaine
  • Étendre et renforcer les capacités du réseau UNEVOC afin qu’il joue un rôle clé dans le développement des capacités des décideurs et des praticiens, et faciliter la participation de toutes les parties prenantes
  • Prendre en compte la pertinence et la validité de la Convention sur l’enseignement technique et professionnel (1989) et de la Recommandation révisée concernant l’enseignement technique et professionnel (2001), en vue de l’éventuelle élaboration d’instruments normatifs nouveaux ou révisés qui soient adaptés à un monde en mutation
  • En consultation avec les États membres et d’autres organisations intéressées, étudier la possibilité de créer une équipe spéciale internationale chargée d’élaborer des principes directeurs internationaux sur l’assurance qualité pour la reconnaissance des qualifications, sur la base des résultats d’apprentissage, et identifier un ensemble de niveaux de référence mondiaux, pour faciliter la comparaison et la reconnaissance internationales des qualifications de l’EFTP
  • Compte tenu du travail déjà accompli par le Groupe de travail interinstitutions sur l’EFTP, en particulier le groupe de travail sur les indicateurs, et à partir des initiatives du pilier développement des ressources humaines du Plan d’action pluriannuel du G-20 en faveur du développement, jeter les bases qui permettront d’élaborer, avec le soutien technique de l’Institut de statistique de l’UNESCO, des plates-formes de données et des cadres statistiques internationaux pour assurer un suivi régional et mondial
  • Développer encore la coopération entre l’UNESCO et ses partenaires des Nations Unies et multilatéraux ainsi qu’avec les banques et organisations régionales de développement, y compris en renforçant la participation de l’Organisation au Groupe de travail interinstitutions sur l’EFTP et à ses groupes de travail
  • Entreprendre des actions de suivi appropriées aux niveaux régional et international. En coopération avec les partenaires du développement actifs dans ce domaine, prendre pour base le Consensus de Shanghai et en étendre la portée.