Éducation pour tous : la perspective enseignante

Éducation pour tous : la perspective enseignante

C’est à Delhi, en Inde, qu’a été organisée une réunion qui avait pour but de faciliter la tâche des organisations membres de l’IE, auxquelles il revenait d’évaluer dans quelle mesure le processus d’Education pour tous (EPT) était appliqué dans leurs pays respectifs. Il s’agissait de faire connaître les perspectives des enseignant(e)s en matière d’EPT après 25 années d’efforts menés au plan mondial afin de réaliser l’éducation « pour chaque citoyenne et citoyen dans chaque société ».

Cette réunion de l’EPT pour la Région Asie-Pacifique s’est tenue du 24 au 26 juillet et fait suite à la réunion des affiliés de l’IE de la Région Afrique, qui s’est tenue à Accra, au Ghana, en mai dernier.  A Delhi, les représentant(e)s syndicaux/ales provenant de 12 pays ont échangé des informations sur des questions essentielles au nombre desquelles figuraient le financement de l’éducation, la transparence et la responsabilité de la gouvernance en matière d’éducation, le relèvement du statut des enseignant(e)s et les points d’action du dialogue de politique du Cadre d’action de Dakar (2000).

Les responsables syndicaux/ales qui ont participé à ces réunions régionales deviendront les ambassadeurs/drices de ce processus dès leur retour dans leurs pays respectifs, où ils mettront en œuvre le processus d’évaluation afin de contribuer à informer et influencer d’autres actions.

L’éducation replacée dans son contexte

Le 24 juillet, les participant(e)s se sont informés de leurs pratiques de plaidoyer qu’ils ont appliquées avec succès, s’agissant des conditions de travail des enseignant(e)s ainsi que de la qualité de l’éducation dans leurs pays. Ils ont rendu compte des défis essentiels auxquels sont confrontés tant leur profession que le système éducatif, s’attachant également à exposer les priorités stratégiques locales, régionales et nationales dans le but de concrétiser l’objectif de mise à disposition d’une éducation de qualité pour tous.

Les participant(e)s ont également discuté la manière dont l’engagement politique des pays vis-à-vis du processus de l’EPT a été transposé dans la réalité, en soulignant spécifiquement la façon dont le financement de l’éducation a évolué depuis 2000.

La coordinatrice régionale de l’IE, Sashi Bala Singh, et le Secrétaire général adjoint de l’IE, David Edwards, ont présenté un tour d’horizon général des perspectives régionales et internationales à l’ordre du jour de l’éducation au plan mondial, en mettant particulièrement l’accent sur l’EPT et les Objectifs du Millénaire pour le développement.

Défis, réalisations et priorités

La déprofessionnalisation des enseignant(e)s et la privatisation, qui ont des répercussions pour le système d’éducation et en son sein, ont été identifiés comme des difficultés de premier plan. La première tendance trouve son expression dans le recrutement d’enseignant(e)s contractuel(le)s, d’enseignant(e)s non formé(e)s, ainsi que dans la détérioration des salaires des enseignant(e)s et de leurs conditions de travail  à l’échelle mondiale. Les tendances à la privatisation sont perceptibles dans l’augmentation soudaine du nombre d’écoles privées à faible coût ayant une finalité commerciale, dont la promotion est assurée par des entrepreneurs privés dans différents pays, notamment en Inde.

Au plan mondial, ont signalé les participant(e)s, on note une crise de l’apprentissage dans l’éducation, et l’apprentissage pour tous est le nouveau pivot sur lequel s’articulent les réformes de l’éducation dont la promotion est assurée par les agences multilatérales de développement. Par exemple, la Stratégie 2020 de la Banque mondiale pour le secteur de l’éducation est axée sur la mesure des résultats de l’apprentissage, et propose d’évaluer les enseignant(e)s en prenant pour critère les résultats atteints par les étudiant(e)s auxquels les enseignant(e)s ont donné une formation, sur la base des résultats de tests standard.

En outre, l’imposition de tests présentant des enjeux élevés applicables dans le monde entier constitue un avantage pour le secteur des tests, qui connaît une expansion excessive. Des établissements privés mettent à présent sur le marché des batteries de tests standardisés, afin de mesurer l’apprentissage tout autant que la mise en place d’écoles privées à finalité commerciale.

« L’importance excessive accordée à la performance des enseignantes et enseignants comme élément central de a qualité et de la redevabilité, de même que l’hypothèse selon laquelle tout enseignant peut être efficace indépendamment des conditions de travail et de l’environnement éducatif minent la qualité de nos systèmes d’enseignement public, à l’échelle planétaire », a déclaré le Secrétaire général adjoint de l’IE, David Edwards.

« Tout étudiant doit recevoir un enseignement donné par un enseignant qualifié bénéficiant d’un soutien valable et il doit apprendre dans des établissements d’éducation offrant la sécurité, avec l’infrastructure, les installations et les ressources adéquates. Et c’est sur ce point que les gouvernements et les organisations internationales doivent orienter leurs efforts », a-t-il encore ajouté.

Vision des enseignants quant au processus EPT

La deuxième journée de l’atelier a été axée sur le rôle que sont appelés à jouer les syndicats d’enseignants dans le débat au-delà de 2015, et sur la manière dont ils agissent afin que l’éducation soit intégrée dans l’agenda du développement durable au plan mondial.

Il s’agissait d’évaluer si les gouvernements agissent réellement selon leur engagement prévoyant que « les enseignants devraient être en mesure de participer, au plan local comme au plan national, à la prise de décisions concernant leur vie professionnelle et leurs environnements d’enseignement », ainsi qu’il en est fait état dans le Cadre d’action de Dakar.

En vue de réaliser cet objectif, les participant(e)s ont examiné l’évolution du dialogue social depuis 2000 et se sont attachés à voir de quelle manière ces conditions se sont améliorées ou détériorées, ou n’ont pas évolué. Ils ont également discuté des politiques, programmes et actions sur le plan de l’éducation dans leurs différents pays, et la manière dont ces éléments se sont répercutés sur la progression en vue de la réalisation de chaque objectif de l’EPT.

Les débats ont permis de mettre en lumière l’environnement général politique et législatif, ainsi que la capacité des syndicats a élaboré une politique d’éducation.

Les représentant(e)s syndicaux/ales ont également évalué dans quelle mesure les enseignant(e)s et les étudiant(e)s ont bénéficié du mouvement de l’EPT. Ils ont également examiné les éléments essentiels des stratégies de Dakar qui ont un lien direct avec la réalité en classe, s’agissant notamment de l’environnement éducatif et du relèvement du statut, du moral et du professionnalisme des enseignant(e)s.

Recommandations adressées aux protagonistes

L’évaluation de l’EPT s’est conclue par des recommandations concrètes adressées aux gouvernements, aux syndicats et à l’IE, et prenant appui sur les discussions et les résultats des sessions précédentes.

Parmi les recommandations adressées aux gouvernements figurent notamment la mise à disposition d’une formation en cours de service pour les enseignant(e)s, le renforcement du programme des cours, le rétablissement des consultations avec les syndicats d’enseignants, la mise en application de l’éducation gratuite universelle de l’éducation de la petite enfance, la régularisation des enseignant(e)s contractuel(le)s au travail dans les établissements privés et dans les écoles publiques, l’amélioration de la répartition des enseignant(e)s dans les zones reculées et l’élargissement des compétences des enseignant(e)s.

Au nombre des recommandations adressées aux syndicats et à l’IE figurent l’élaboration de programmes de renforcement des capacités, la mise en application de nouvelles stratégies de lobbying, l’amélioration de la coopération et de l’échange d’informations entre affiliés de l’IE dans les régions et dans les pays et le rassemblement des forces dans la perspective d’une mobilisation au plan international.

L’initiative de l’IE « Mobiliser pour une éducation de qualité » et l’année d’action qui démarrera à l’occasion de la Journée mondiale des enseignant(e)s le 5 octobre 2023, ont été désignées comme des occasions essentielles de nature à favoriser la mise en place d’un mouvement syndical international puissant et la diffusion des messages des enseignant(e)s. Il faudra absolument que l’éducation gratuite universelle et de qualité figure au centre de toute stratégie de développement mondial au-delà de 2015.