Les Nations Unies adoptent une résolution historique sur la protection des femmes défenseures des droits humains

Les Nations Unies adoptent une résolution historique sur la protection des femmes défenseures des droits humains

L’adoption de la toute première résolution sur les femmes défenseures des droits humains par la Troisième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies marque un pas de plus vers la protection des personnes qui sont confrontées à des risques et à des agressions en raison de leur travail en faveur des droits humains, y compris les droits des femmes. 

C’est ce que déclaraient aujourd’hui Amnesty International (AI), l’Association pour les droits de la femme et le développement (AWID), le Service international pour les droits de l’homme (SIDH) et JASS (Just Associates).

Cependant, il est extrêmement regrettable que ce consensus de dernière minute soit survenu aux dépens d’un paragraphe essentiel, appelant les États à condamner toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des défenseures des droits humains et à éviter d’invoquer toutes coutumes, traditions ou considérations religieuses pour se soustraire à leurs obligations relatives à l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Pourtant, cette formulation avait été adoptée dans la Résolution 67/144 de l’Assemblée générale sur l’Intensification de l’action menée pour éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Il est ironique que ce genre de libellé ait été omis pendant la semaine même où on souligne la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre.

« La protection des femmes défenseures des droits humains est essentielle à la paix, à la sécurité, au développement et au respect de tous nos droits humains », affirme Eleanor Openshaw, du Programme des défenseurs des droits humains du SIDH. 

Mme Openshaw poursuit en affirmant que « Les femmes défenseures des droits humains contestent l’inégalité des genres et les stéréotypes, font la promotion des droits sexuels et reproductifs, en plus de travailler en faveur de l’autonomisation et de la participation des femmes. Elles mettent souvent au défi les interprétations religieuses ou culturelles qui subordonnent, stigmatisent ou contraignent les femmes. »

« La résolution menée par la Norvège reconnait qu’en raison de qui elles sont et de la nature de leur travail, les femmes défenseures des droits humains de toutes les régions du monde doivent composer avec de nombreux abus et violations, allant de campagnes de dénigrement jusqu’à la violence sexuelle fondée sur le genre », souligne Nicole Bjerler, du bureau d’Amnesty International auprès de l’ONU à New York.

« La résolution enjoint aux États de mettre en place des lois et des politiques intégrant la dimensions de genre, et visant la protection des défenseures des droits humains, en plus de veiller à ce que ces femmes participent à la conception et à la mise en œuvre de telles mesures », insiste Mme Bjerler, en ajoutant que « Les États doivent absolument mettre en application telles mesures de sorte à permettre aux défenseures des droits humains de poursuivre leur travail important et légitime. »

La résolution demande également aux États de protéger les femmes défenseures des droits humains de toutes représailles découlant de leur coopération avec l’ONU et d’assurer leur droit de s’adresser sans restriction aux organes et mécanismes internationaux des droits humains et à communiquer librement avec ces organes.

Plusieurs éléments de la résolution ont fait l’objet de vifs débats pendant les négociations. En effet, les États africains et plusieurs États asiatiques arguaient que le texte devrait mettre plus d’accent sur les devoirs et responsabilités de ceux et celles qui défendent les droits humains et ne devraient pas créer de droits spéciaux ou de privilèges pour certains groupes de défenseur-e-s.

S’opposant à ces affirmations, Marisa Viana, du Programme d’activisme des jeunes féministes de l’AWID s’exprime en ces termes : « La protection des défenseur-e-s des droits humains n’a rien à voir avec la création de nouveaux droits. Il est plutôt question des engagements des États à permettre aux défenseur-e-s de réaliser leur travail légitime et crucial dans nos communautés, sans crainte de représailles ou d’agressions. »

Par ailleurs, certains aspects de la première ébauche ont soulevé la controverse puisqu’on y reconnaissait les risques encourus par les personnes qui travaillent sur les questions entourant la santé reproductive et sexuelle, les droits reproductifs et les enjeux relatifs la sexualité. Ces références ont été supprimées des ébauches subséquentes à la suite de l’opposition exprimée par bon nombre d’États de l’Afrique et de l’Asie, à laquelle s’ajoutait celle du Saint-Siège. Il est regrettable et extrêmement décevant que les principaux auteurs et d’autres protagonistes ne soient pas arrivés à ce que le texte final de la résolution maintienne une formulation spécifique relative aux femmes défenseures des droits humains qui travaillent à ces questions essentielles.

« Les défenseures des droits humains qui s’attardent aux droits sexuels et reproductifs et aux questions relatives à la sexualité sont fréquemment la cible d’agressions en raison de la discrimination légalisée qui persiste dans plusieurs pays du monde », soutient Cristina Hardaga, de JASS.

« Malheureusement, l’absence d’une reconnaissance spécifique de la lutte que doivent mener les défenseures des droits humains ne rend pas justice à leur travail important, courageux et dangereux », poursuit Mme Hardaga. « Les États doivent reconnaitre toute la diversité des défenseures des droits humains. Elles travaillent dans différents contextes à travers le monde et font face à de terribles risques. C’est particulièrement le cas de celles qui travaillent en faveur des droits des femmes ou sur des questions de genre, et de celles qui contestent les stéréotypes fondés sur le genre et les perceptions sur le statut des femmes dans la société. Cette résolution constitue une étape importante vers cette reconnaissance. »

Les négociations laborieuses ont suscité un déluge d’appui au sein de la société civile du monde entier, qui s’est mobilisée pour exhorter les représentant-e-s des États à soutenir la résolution. Plus de 70 organisations de la société civile et de défenseur-e-s des droits humains des quatre coins de l’Afrique ont signé une lettre ouverte s’adressant à leurs représentant-e-s étatiques et leur demandant de parrainer la résolution. Par surcroit, d’éminentes personnalités, y compris des lauréates du Prix Nobel de la paix et des membres des Elders ont engagé les États de toutes les parties du monde à soutenir une résolution au libellé vigoureux.

« La mobilisation de la société civile de toutes les régions fait foi de la gravité des violations subies par les défenseures des droits humains du monde entier et de la nécessité pour les États d’adopter des mesures beaucoup plus incisives pour protéger et soutenir leur travail », insiste Mme Marisa Viana de l’AWID.

Bien que la résolution telle qu’adoptée n’aborde pas entièrement les risques et les besoins de protection des femmes défenseures des droits humains, elle demeure historique et déterminante. Les États se sont engagés à prendre des mesures concrètes pour protéger les défenseures des droits humains. AI, l’AWID, le SIDH et JASS enjoignent à tous les États de veiller à ce que les mesures énoncées dans la résolution soient dorénavant mises en œuvre à l’échelle nationale. Le 29 novembre marque la Journée internationale des femmes défenseures des droits humains. Il s’agit d’une excellente occasion de mettre en application les engagements que contient cette résolution pour faire en sorte que les défenseures des droits humain du monde entier soient en mesure de travailler efficacement et en toute sécurité, à l’abri de l’intimidation et des représailles.