Selon une étude, la pression incitant les élèves à se conformer aux stéréotypes sexuels est plus forte dans les écoles pour filles

Selon une étude, la pression incitant les élèves à se conformer aux stéréotypes sexuels est plus forte dans les écoles pour filles

Partout dans le monde, les manchettes des journaux vantent les avantages des écoles non mixtes : « Les filles sont plus susceptibles de choisir les mathématiques dans une proportion de 75 % lorsqu’elles fréquentent une école privée non mixte »; « Les garçons apprennent-ils mieux en l’absence de filles? »; « Dans le cas des filles, un cadre d’éducation uniquement féminin est plus favorable à l’enseignement de matièrestraditionnellement associées aux garçons »…

Toutefois, selon une nouvelle recherche menée à l’Université Concordia, ce ne sont pas tous les élèves qui bénéficient de l’enseignement non mixte – surtout pas ceux et celles qui manquent de se conformer aux normes de genre. D’après cette étude, les filles qui fréquentent les écoles non mixtes ressentiraient plus de pression les incitant à se comporter comme des « filles typiques », en comparaison de leurs homologues des écoles mixtes.

Sous la direction de William Bukowski, professeur de psychologie et directeur du Centre de recherche en développement humain (CRDH) à l’Université Concordia, les chercheurs ont interviewé 469 écolières de quatrième, cinquième et sixième années dans des établissements scolaires mixtes et non mixtes. Ils ont demandé aux jeunes filles de commenter des énoncés du type « j’aime faire ce que la plupart des filles aiment faire », afin de cerner leurs sentiments au regard de l’identité sexuelle.

La recherche a été menée dans des quartiers de la classe moyenne inférieure, à Bogotá et à Barranquilla, en Colombie. En réalisant leurs travaux en Amérique latine, les chercheurs avaient accès à plus d’établissements d’enseignement non mixtes, en raison d’une plus forte proportion d’écoles pour filles. En outre, la tendance traditionnelle au machisme en Amérique latine permettait d’établir une différence plus marquée entre les sexes.

« Tandis que les préadolescentes des écoles non mixtes affichant des caractéristiques typiques à leur sexe risquent moins d’être victimisées par leurs pairs, il n’existe aucune corrélation de ce genre en ce qui concerne les filles des écoles mixtes », explique Kate Drury, candidate au doctorat à Concordia et auteure principale de l’étude.

« En même temps qu’elles se sentaient davantage comme des filles typiques, les élèves des établissements non mixtes ressentaient plus de pression les poussant à se conformer aux normes de genre (par exemple, “cela dérangerait les autres filles de ma classe si j’agissais comme un garçon”), ce qui porte à penser que l’écolière qui passe plus de temps avec des camarades du même sexe en vient à se sentir obligée de se comporter “comme une fille” », ajoute la doctorante, qui est également chercheuse au CRDH.

« Quoi qu’il en soit, si les enfants dans un milieu donné ressentent beaucoup de pression de leurs pairs pour se conformer aux normes de genre, il en découle que les individus atypiques auront des difficultés à évoluer dans cet environnement, qu’il y ait présence ou non de garçons », ajoute la chercheuse.

Or, quelles sont les conséquences de cette découverte sur le débat entourant la mixité et la non mixité scolaire? « Les répercussions négatives résultant d’une non-conformité aux stéréotypes sexuels sont plus importantes dans les écoles pour filles, confirme le Pr Bukowski. Les parents d’enfants qui ne répondent pas aux normes établies propres à leur genre devraient prendre ces facteurs en considération au moment de décider quel est le meilleur établissement scolaire dans leur cas. »

À propos de l’étude : Publié dans la revue scientifique Sex Roles, l’article intitulé « Victimization and Gender Identity in Single-Sex and Mixed-Sex Schools: Examining Contextual Variations in Pressure to Conform to Gender Norms » (victimisation et identité sexuelle dans les écoles mixtes et non mixtes : examen des variations contextuelles quant aux pressions imposées pour se conformer aux normes de genre) a été rédigé par Kate Drury et William Bukowski (Université Concordia), ainsi que par Ana M. Velásquez (Universidad de los Andes, Bogotá, Colombie) et Luz Stella Lopez (Universidad del Norte, Barranquilla, Colombie). Les travaux dans le cadre de cet article ont été réalisés grâce à des subventions du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture.