Coordonné par David Laloy (GIRSEF)

L'objectif de ce dossier thématique de la revue Les Politiques Sociales est de faire le point sur un champ particulier de l'action publique: celui de l'alphabétisation des adultes. L'entrée proposée est celle de la construction sociale de l'alphabétisation et de ses enjeux. Dans un certain nombre de pays et, également, au niveau international, on a assisté, depuis quelques dizaines d'années, à la constitution progressive d'un secteur ou d'un espace social autour de l'alphabétisation des adultes, c'est-à-dire d'un système d'interdépendance entre des dispositifs et des acteurs, qui a d'abord fait l'objet d'initiatives éparses et multiples pour progressivement être soumis au même type de régulation de l'espace public. La prise en charge de l'alphabétisation s'est cependant développée selon des modalités variables dans les différents pays ou régions, de sorte que le terme même d'alphabétisation recouvre des acceptions différentes selon les contextes. Dès lors, on a vu apparaître des définitions concurrentes ou complémentaires de l'alphabétisation et de ses enjeux, des variations à travers le temps et l'espace, notamment des termes désignant la problématique elle-même: illettrisme, analphabétisme fonctionnel, littératie... A ces différentes conceptions s'associent différents objectifs, différentes manières d'opérationnaliser l'action d'alphabétisation ainsi que différentes définitions des publics cibles. Partant de l'idée que l'apparition et l'évolution du domaine de l'alphabétisation est le résultat de la transaction et de la confrontation de différents acteurs parmi lesquels on trouve également les publics concernés, l'objectif du dossier est de mettre en lumière les différentes conceptions, de repérer les acteurs qui sont porteurs de ces diverses représentations et de comprendre le processus de transaction entre ces acteurs ainsi que les enjeux actuels de l'alphabétisation et, cela, dans une perspective internationale et comparative.

Dans un contexte de fortes évolutions dans ce domaine, ce numéro souhaite prendre du recul en posant notamment les questions suivantes: Pourquoi parle-t-on d'alphabétisation? Comment parle-t-on de l'alphabétisation? Quels acteurs entrent en transaction dans la définition de ce qu'est l'alphabétisation et des mesures à mettre en place pour la favoriser? De quels enjeux ces différents acteurs sont-ils porteurs? Quelles formes prend l'action d'alphabétisation sur le terrain? Quels impacts ces pratiques ont-elles sur la vie des personnes en difficulté avec la lecture et l'écriture? Quelle évaluation peut-on faire des politiques d'alphabétisation ainsi que des actions sur le terrain?

Pour comprendre la construction sociale de l'alphabétisation, on peut adopter deux points de vue: soit une entrée « par le haut », par les politiques mises en oeuvre tant au niveau national qu'international pour prendre en charge le problème en question et qui participent, par ailleurs, à construire les représentations de l'alphabétisation. Soit une entrée « par le bas », par les personnes qui ont des difficultés avec la lecture et l'écriture et qui ont des besoins spécifiques. Les deux niveaux doivent être pris en compte car l'alphabétisation se trouve dans cette double nécessité d'un cadrage institutionnel permettant la mise en oeuvre des actions à grande échelle et d'une prise en considération des contextes et situations spécifiques des publics. Enfin, on peut également mettre en lumière des niveaux intermédiaires qui permettent la rencontre entre le niveau institutionnel et le niveau du public.

Les contributions attendues pour ce numéro de la revue devraient donc se situer à l'un de ces niveaux ou les articuler:

Le premier niveau est celui de la construction institutionnelle de l'alphabétisation dans lequel on trouvera une analyse des politiques sociales, des dispositifs réglementaires et des référentiels de sens qui les gouvernent. L'objectif est donc d'examiner la dimension construite de l'alphabétisation par une comparaison internationale et/ou une analyse socio-historique de la prise en charge de l'alphabétisation dans des pays ou régions spécifiques. Il s'agit également de mettre en lumière la manière dont la politique d'alphabétisation est structurée, configurée et segmentée dans différents pays ou régions et quelles logiques président à ces configurations.

Le deuxième niveau est celui du public, de ses besoins et stratégies. Loin d'être des usagers passifs des dispositifs institutionnels, les bénéficiaires participent tout autant à la construction de l'alphabétisation. Dès lors, il est important de s'interroger sur les aspects suivants: Comment comprendre les situations d'illettrisme des individus? Quelles sont les tactiques et stratégies mises en oeuvre par les personnes ayant des difficultés avec la lecture et l'écriture? Comment vivent-elles l'insertion dans les dispositifs d'alphabétisation? Quel est l'impact de la formation sur leur vie quotidienne?

Le troisième niveau est celui de l'action sur le terrain par les acteurs intermédiaires tels que les opérateurs mettant en oeuvre des dispositifs d'alphabétisation et participant également à la construction du secteur. L'objectif est d'explorer les différentes formes que peuvent prendre les actions d'alphabétisation. Un autre objectif est de comprendre l'action et les stratégies de ces opérateurs qui doivent se frayer un chemin entre les injonctions politiques et les attentes des bénéficiaires. Leur position d'intermédiaire leur donne une vision particulière importante à interroger, notamment pour évaluer l'adaptation du cadrage institutionnel aux réalités de terrain.

Toute autre proposition peut bien entendu être soumise et fera l'objet d'une évaluation par le comité de rédaction de la revue. Si vous souhaitez apporter une contribution à ce dossier, ou si vous souhaitez de plus amples informations, contactez le coordinateur du numéro, David Laloy, à l'adresse davidlaloy@hotmail.com. Les consignes aux auteurs ainsi que les échéances importantes vous seront communiquées par la suite.