Prostitution - Lettre ouverte en soutien au modèle nordique au Canada

Prostitution - Lettre ouverte en soutien au modèle nordique au Canada

Le très honorable Stephen Harper, premier ministre, leader du Parti conservateur du Canada,
M. Thomas Mulcair, député, leader de l’opposition officielle, Nouveau Parti démocratique du Canada,
M. Justin Trudeau, député, leader du Parti libéral du Canada,
M. Jean-François Fortin, député, leader intérimaire du Bloc Québécois,
Mme Elizabeth May, députée, leader du Parti vert du Canada

Le 31 mars 2014

Madame et Messieurs,

Nous, soussignées, sommes des femmes qui travaillons ensemble à divers titres pour mettre fin à la violence envers les femmes, protéger leurs droits à l’égalité et les faire progresser. La prostitution est une pratique qui repose entièrement sur la subordination à répétition des femmes aux hommes. Nous vous écrivons aujourd’hui pour vous demander d’adopter au Canada une législation régissant la prostitution qui soit conforme à l’«approche nordique», parce que cette approche inclut des lois, des soutiens sociaux intensifs et des stratégies d’éducation populaire qui sont toutes conçues pour réduire et éliminer la prostitution.

Nous avons lu la lettre ouverte que vous a fait parvenir le 27 mars la Gender and Sexual Health Initiative (GHSI) de l’Université de Colombie-Britannique, qui appelle à la décriminalisation de tous les aspects de la prostitution, y compris les acheteurs et les profiteurs, au motif que c’est la seule option politique «fondée sur des données probantes».

L’utilisation de l’expression « fondée sur des données probantes» est devenue une attaque utilisée par les gens qui appuient l’industrie du sexe. Elle suggère que la position des personnes qui s’opposent à la prostitution au nom de l’égalité des sexes n’est basée que sur des anecdotes et des opinions. La présentation des signataires de cette lettre sous-entend qu’il faut absolument détenir un diplôme officiel pour effectuer des recherches ou interpréter des données probantes. Nous rejetons ces deux prémisses. Les données probantes établissant les torts causés par la prostitution sont amassées par des chercheur-e-s universitaires, des survivantes de la prostitution et des organismes engagés sur le terrain. Ces données probantes démontrent que la prostitution est une violence envers les femmes.

Le présent litige ne porte pas sur des données probantes comme telles, mais bien plutôt sur des buts et des principes. En tant que décisionnaires, vous devrez faire des choix éclairés quant aux principes à appuyer et aux objectifs à viser pour les femmes du Canada. Les données probantes mentionnées dans les mêmes études et rapports gouvernementaux que cite la lettre de la GHSI alimentent également dans le monde entier des efforts intensifs visant à réduire et éliminer la prostitution.

Tous les rapports et toutes les études sur la prostitution confirment que, comme l’a énoncé la Cour d’appel de l’Ontario dans la cause Bedford, «la prostitution est dangereuse en soi dans presque toutes les circonstances»1. Se borner à tenter de réduire les dangers accessoires à la prostitution est une stratégie inadéquate et à notre avis, discriminatoire.

Les signataires de la lettre de la GHSI croient que la prostitution, ou le ‘travail du sexe’, équivaut à du sexe entre adultes consentants; qu’une frontière précise peut être tracée entre ‘travail du sexe’, traite des personnes et prostitution d’enfants; et qu’une stratégie de réduction des méfaits suffira à modérer les pires répercussions de l’industrie commerciale du sexe. Nous croyons que la prostitution constitue une violence à l’égard des femmes parce qu’il s’agit dans les faits d’une pratique de subordination et d’exploitation qui est sexiste, raciste et classiste. Nous croyons, comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans Bedford, que de nombreuses prostituées n’ont pas vraiment d’autre solution que la prostitution,2 et par conséquent, considérant le vécu des femmes, que toute frontière tracée entre la prostitution, la traite des personnes et la prostitution d’enfants est plus artificielle que réelle. Nous croyons donc au caractère essentiel d’une stratégie qui affirme l’égalité et la dignité humaine des femmes et des filles. C’est la seule approche cohérente avec les principes d’égalité propres au Canada.

[...]

-> Lire la suite