Dossier de la revue Éducation des adultes et développement « Communautés »

11 nov 2014

Dossier de la revue Éducation des adultes et développement « Communautés »

Éditorial de Johanni Larjanko, rédacteur en chef

Récemment, j’ai assisté à une conférence intéressante. Le paléoanthropologue Chris Stringer parlait de l’origine de l’homme et expliquait comment nous venons tous d’Afrique et pourquoi nous sommes les seuls humains à avoir survécu. Alors qu’il s’interrogeait sur les raisons pour lesquels l’homo sapiens a survécu et pourquoi l’homme de Neandertal, l’homo erectus, l’homo heidelbergensis et l’homo floriensis ont disparu, il a fait une déclaration inattendue : l’une des raisons de notre survie pourrait résider dans nos compétences sociales. Pour autant que l’on puisse en juger, l’homo sapiens a toujours été une créature très sociale, ce qui nous a procuré des avantages étant donné que le groupe est plus fort et plus résistant que l’individu. Génial, me suis-je dit. C’est peut-être quand la  communauté s’est arrangée pour partager des expériences qu’elle a survécu. Ce qui était vrai alors l’est encore aujourd’hui. C’est peut-être même passé dans nos gènes entre-temps. Chris Stringer a recueilli tout son enchaînement d’idées sur la question dans l’ouvrage intitulé Survivants : Pourquoi nous sommes les seuls humains sur terre.

Si nous faisons essentiellement partie d’un groupe, quels en sont les effets sur notre façon d’apprendre, le lieu où nous apprenons et la raison pour laquelle nous nous instruisons ? Apprenons-nous pour améliorer nos conditions de vie ou pour accroître le pouvoir collectif de la communauté dont nous faisons partie ?

Dans ce numéro, nous nous penchons sur différentes communautés apprenantes dans le monde. L’apprentissage communautaire constitue la base d’une bonne partie de l’éducation des adultes. Comme l’indique Alfonso Torres à la page 4, les éducateurs d’adultes usent parfois du mot « communauté » comme d’un slogan – un peu comme le concept de l’apprentissage tout au long de la vie a commencé à perdre de sa signification pour avoir tant été galvaudé. Nous avons voulu approfondir la question en allant au-delà des expressions passe-partout. Très vite, une question s’est posée. De quelles communautés est-il question ? Nous avons trouvé beaucoup de communautés se consacrant à l’éducation des adultes, entre autres des communautés indigènes, migrantes, rurales, urbaines, en ligne, de réfugiés, sexuelles, professionnelles et engagées par l’action au profit de différentes causes. Plus nous en avons cherché et plus nous en avons trouvé. Aussi avons-nous fait un tri pour vous donner une idée des nombreuses saveurs de l’apprentissage communautaire dans le monde.

Les limites qui séparent ces communautés sont floues sans aucun doute du fait que nous appartenons tous d’ordinaire à plusieurs groupes à la fois. Identifier ce qui les sépare et ce qui les fait se ressembler est une des expériences majeures que nous avons retirées de la réalisation de ce numéro. Ce tour du monde en quête de concepts d’apprentissage a été un voyage passionnant. La faculté de l’être  humain à s’adapter et son insatiable soif d’apprendre ont constitué le fil rouge de tous nos articles. En tant qu’humains, non seulement nous sommes des créatures sociales, mais aussi des êtres débordant de curiosité.

Avant, je pensais que nous étions tous fondamentalement seuls – même au sein de groupes. À présent, je vois les choses différemment : être vu par les autres, accepté par eux, ressentir un moment partagé, c’est peut-être ce qui caractérise profondément l’être humain.

C’est vrai qu’au Groenland, il n’y a pas de prisons. Il y existe bien pire punition : lorsqu’un membre de la communauté inuite traditionnelle commet un crime, il est tout simplement banni. La nature fait le reste.