Des mots et des faits : bilan des action gouvernementales vingt ans après la Conférence de Pékin
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Introduction
En 1995, lors de l’historique quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur la condition de la femme, 189 gouvernements ont convenu d’une feuille de route détaillée — le Programme d’action de Beijing — qui a pour but de faire avancer les droits des femmes et de réaliser l’égalité des sexes. Dans le cadre du Programme, les gouvernements ont déclaré que les lois discriminatoires envers les femmes portent atteinte à l’égalité et ils se sont engagés à « abroger toutes les lois encore en vigueur qui introduisent une discrimination fondée sur le sexe. » Pourtant, l’inégalité, même sous ses formes les plus manifestes, n’a pas été éradiquée. En 2000, l’assemblée générale de l’ONU a évalué le Programme d’action et fié une date butoir de 2005 pour révoquer toutes les lois discriminatoires. Cet objectif est loin d’être atteint.
L’année 2015 marque à la fois le 20e anniversaire de l’adoption du Programme d’action de Beijing, ainsi que celui de l’adoption d’un nouveau cadre de développement pour l’après-2015 qui a pour but d’éradiquer la pauvreté et de promouvoir l’égalité au niveau global. Les gouvernements doivent traduire les paroles en actes et enfin abroger ou amender toutes les lois discriminatoires en fonction du sexe de sorte que les femmes et les filles de la prochaine génération puissent jouir de leurs droits et participer à la société sur un pied d’égalité. Sans de solides législations, les femmes et les filles ne disposent pas de recours offiiel pour protéger et promouvoir leurs droits, et ne peuvent pas être en mesure de participer pleinement à la société. Pour une plus grande intégration et prospérité pour tous, l’égalité devant la loi est également essentielle afin de réaliser des objectifs de développement agréés à une échelle internationale.
Dans nos rapports, Des mots et des faits : bilan des actions gouvernementales après la Conférence de Pékin, publiés en 1999, 2004, 2010 et 2015, Egalité Maintenant met en évidence un échantillon de lois explicitement discriminatoires en matière de statut matrimonial (mariage, divorce, polygamie, obéissance de la femme), statut personnel (citoyenneté, poids accordé au témoignage devant les tribunaux, circulation, prostitution), statut économique (héritage, propriété, emploi) et violences envers les femmes (viol, violences conjugales, crimes « d’honneur »). De telles législations prouvent que les gouvernements ne respectent pas le droit fondamental des femmes et des filles à l’égalité et considèrent celles-ci comme des êtres inférieurs.
Egalité Maintenant est heureux d’annoncer que plus de la moitié des lois soulignées dans nos précédents rapports ont été entièrement ou partiellement abrogées ou modifies (voir l’annexe). Parmi les pays qui ont effectué des réformes, citons l’Algérie, l’Argentine, l’Australie, les Bahamas, le Bangladesh, la Bolivie, la Colombie, le Costa Rica, l’Éthiopie, la France, le Guatemala, Haïti, l’Inde, l’Irak, la Jordanie, le Kenya, le Koweït, le Lesotho, la Lettonie, le Maroc, la Malaisie, le Mexique, Monaco, le Népal, le Pakistan, la Papouasie Nouvelle-Guinée, le Pérou, la Pologne, la République de Corée, la Roumanie, la Serbie-et-Monténégro, la Suisse, le Swaziland, les Tonga, la Turquie, l’Uruguay et le Venezuela.
Cependant, de nombreuses législations précédemment mises en évidence demeurent en vigueur. De nouvelles lois discriminatoires continuent également à être adoptées, par exemple, dans le cas du Kenya la Loi sur le mariage numéro 4 de 2014. D’autres pays ont eu l’occasion de tenir leurs engagements en amendant récemment leurs législations, mais toutes les dispositions discriminatoires n’ont pas été supprimées (par exemple au Royaume-Uni, au Mali, et en Iran). De tels exemples sont inclus dans ce rapport.
Egalité Maintenant a examiné en profondeur un certain type de loi sur le statut personnel dans notre rapport de 2013, Eliminer la discrimination fondée sur le sexe dans les lois relatives à la nationalité et à la citoyenneté. Le rapport souligne les pays qui n’autorisent pas les femmes à transmettre leur nationalité à leurs enfants ou conjoint sur la même base que les hommes, les conséquences néfastes de ces lois discriminatoires, et il appelle les gouvernements à modifir ces lois. Depuis sa publication, plusieurs pays ont amendé leurs législations, y compris l’Autriche, le Sénégal et le Suriname, tandis que d’autres sont en voie de faire de même. Il existe maintenant une initiative globale pour mettre fin à la discrimination fondée sur le sexe dans les lois sur la nationalité, qui vise à donner l’impulsion nécessaire pour que les gouvernements amendent de telles législations en conformité avec le Programme d’action de Beijing et d’autres obligations internationales. Avec de réels engagements gouvernementaux, la révocation des lois discriminatoires en fonction du sexe constitue un objectif facilement réalisable. En 2014, nous avons également publié Protéger les filles – Employer le droit pour éradiquer les mariage précoces, les mariages forcés et autres violations des droits humains comparables. Dans ce rapport, nous appelons les gouvernements à adopter une approche globale pour mettre fin au mariage précoce, une pratique qui touche près de 15 millions de filles chaque année, notamment en relevant l’âge minimum du mariage pour les femmes et en le fiant à 18 ans. Dans une résolution des Nations Unies de 2014, la communauté internationale a fait de l’éradication du mariage précoce une priorité et un élément essentiel pour promouvoir l’égalité et réduire la pauvreté mondiale dans le cadre de développement durable pour l’après 2015. Nous devons désormais faire en sorte d’apporter le changement.
Tous les gouvernements doivent examiner et modifir leur législation de toute urgence afin de protéger les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels garantis en vertu du Programme d’action de Beijing et autres obligations internationales.