Progression lente des femmes en politique, un obstacle au développement
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L'édition 2015 de la Carte des femmes en politique dont l'Union interparlementaire (UIP) et ONU Femmes ont assuré le lancement aujourd'hui fait apparaître que si le nombre de femmes dans les gouvernements et les parlements continue à augmenter, la lenteur de la progression freinera néanmoins considérablement les programmes mondiaux de développement qui doivent être adoptés cette année.
L'émancipation politique des femmes et leur participation aux décisions politiques au même titre que les hommes sont à la base des objectifs mondiaux de développement depuis 1995 et il est probable qu'elles figureront dans le nouveau programme de développement durable qui doit succéder cette année aux Objectifs du Millénaire pour le développement. Pour que ces objectifs portent leurs fruits dans leur globalité, il va donc être capital de remédier à la lenteur des progrès en ce qui concerne l'égalité des sexes et la place des femmes dans la vie publique et politique.
La Carte, qui fournit les données les plus récentes qui soient sur la représentation des femmes dans la vie politique, ainsi qu'un classement mondial en la matière, fait apparaître un bilan mitigé en ce qui concerne la parité dans les pouvoirs exécutif et législatif, aux niveaux tant régional que national.
Si le nombre de femmes ministres est passé de 670 à 715 au cours des 12 mois qui se sont écoulés depuis le 1er janvier 2014, les femmes ne représentent néanmoins toujours que 17,7 pour cent des ministres à travers le monde, une proportion qui n'a augmenté que de 3,5 points depuis 2005.
"Tous les progrès sont les bienvenus, mais les chiffres sont sans équivoque. On est encore loin des niveaux que l'on aurait dû atteindre en ce qui concerne l'égalité des sexes et la participation des femmes à la vie politique", selon le Président de l'UIP, Saber Chowdhury, qui précise : "Ces chiffres doivent nous servir de signal d'alarme et nous pousser à faire naître la volonté politique nécessaire pour faire évoluer les mentalités, et à prendre des mesures de nature à forcer le progrès dans ce domaine."
A ce jour, trente pays comptent au moins 30 pour cent de femmes ministres, la Finlande, Cabo Verde, la Suède, la France et le Liechtenstein occupant les cinq premières places au classement mondial de l'UIP. Si ce chiffre est en recul par rapport à 2014 où l'on dénombrait 36 pays dans ce cas, il y a de bonnes nouvelles à l'autre bout du classement, puisqu'il n'y a désormais plus que huit gouvernements entièrement composés d'hommes (ceux de l'Arabie saoudite, de la Bosnie-Herzégovine, du Brunéi Darussalam, de la Hongrie, du Pakistan, de la Slovaquie, des Tonga et du Vanuatu).
Les pays qui ont accusé les plus grands reculs entre 2014 et 2015 sont le Pérou, le Malawi, le Danemark, la Belgique et le Paraguay, dont les gouvernements ont perdu respectivement entre deux et six femmes.
Au plan régional, les Amériques continuent à afficher la plus forte proportion, avec 22,4 pour cent de femmes dans leurs gouvernements, l'Europe et l'Afrique occupant les deuxième et troisième places. Toutefois, et les Amériques, et l'Afrique ont perdu du terrain au cours de l'année dernière, à hauteur de 0,6 et 0,5 points respectivement. Avec 19,80 pour cent de femmes dans les gouvernements, l'Afrique est maintenant à peine au-dessus du niveau qu'elle avait atteint en 2010. Après des années de progrès suivis de stagnation, le nombre de ministres et de parlementaires femmes est effectivement en baisse, ce qui suscite des de préoccupations.
Inversement, les pays arabes, l'Asie, l'Europe et le Pacifique ont atteint des chiffres record en ce qui concerne le nombre de femmes au gouvernement, ce qui est encourageant. Ainsi, alors qu'elle arrive en dernière place en ce qui concerne le nombre de femmes parlementaires, la région du Pacifique est quatrième au classement mondial (avec 13 pour cent de femmes parmi les ministres), suivie de l'Asie avec 10,60 pour cent et du monde arabe avec 9,50 pour cent.
La Carte des femmes en politique que l'UIP et ONU Femmes produisent avec le concours financier de l'agence irlandaise d'aide au développement Irish Aid met aussi en lumière l'évolution des portefeuilles ministériels qui sont confiés aux femmes. On notera ainsi que les femmes continuent à être affectées d'abord aux affaires sociales, à l'éducation, à la famille et aux affaires féminines, que le nombre de femmes chargées de questions plus importantes telles que la défense, l'environnement et les affaires étrangères a légèrement progressé, mais qu'elles sont moins nombreuses que l'année précédente aux ministères des finances, du budget ou de l'intérieur.
La Carte met aussi en exergue les progrès et reculs que les femmes ont enregistrés au Parlement. Les données de l'UIP montrent qu'un nombre de pays que jamais auparavant, quarante-huit, comptent au moins 30 pour cent de femmes dans une chambre parlementaire sinon les deux pour les parlements bicaméraux, contre 46 en 2014 et 42 en 2013. La moyenne mondiale des parlementaires femmes a également atteint son plus haut niveau, dépassant les 22 pour cent. Cependant, cette progression est décevante en ce sens qu'elle n'est que de 0,3 point, après une hausse record de 1,5 point en 2013, ce qui donne à penser que l'effet des quotas pourrait être en train de s'estomper.
Aux fonctions de direction politique, les progrès sont plus encourageants. On compte de nouveau 19 femmes parmi les chefs d'Etat ou de gouvernement, chiffre maximum enregistré à ce jour. Les femmes comptent aussi pour 15,8 pour cent des Présidents de parlement, une augmentation d'un point de pourcentage en 2014, soit deux fois plus que l'augmentation du nombre de femmes parlementaires enregistrée l'année précédente, mais ce chiffre reste néanmoins largement en retrait par rapport à la proportion de femmes parmi les parlementaires et loin de la parité.
La Directrice exécutive d'ONU Femmes, Phumzile Mlambo-Ngcuka, appelle à de nouveaux engagements et à de nouveaux investissements au regard de l'objectif de parité inscrit dans le Programme d'action de Beijing désormais vieux de 20 ans. "Si les dirigeants d'aujourd'hui mettent l'accent sur l'égalité des sexes, dit-elle,s'ils commencent maintenant à honorer les promesses qu'ils ont faites il y a 20 ans, l'égalité entre hommes et femmes pourrait être une réalité au plus tard à l'horizon 2030."
Données régionales
Les femmes au Gouvernement
- L'Europe est le seul continent à inverser la tendance et à afficher une augmentation du nombre de femmes chefs d'Etat ou de gouvernement, qui sont à présent au nombre de neuf. La situation demeure inchangée dans la région des Amériques, qui compte toujours six femmes à la tête de l'Exécutif, et dans les pays arabes et le Pacifique, où la fonction suprême reste l'apanage des hommes.
- Enfin, en Afrique et en Asie, on est revenu de trois femmes à deux à la tête de l'Exécutif.
- C'est dans la sous-région des pays nordiques que la baisse de la proportion de femmes ministres a été la plus importante. De 48,9 pour cent en 2014, elles sont passées à 46,4 pour cent en 2015.
- Le pays qui a enregistré la plus forte baisse en points de pourcentage est la Belgique qui est passée de 41,7 à 23,1 pour cent de femmes au gouvernement.
- La région arabe a continué à aller de l'avant, puisqu'elle compte désormais 9,5 pour cent de femmes ministres, soit pratiquement une femme pour 10 ministres.
- L'Algérie a enregistré un mieux de 7,9 points, pour un total de six femmes ministres contre quatre auparavant. Inversement, le Bahreïn qui a perdu trois de ses femmes ministres l'année dernière, est passé de 14,8 à 4,5 pour cent, la plus forte baisse observée dans le monde arabe.
- L'Asie a quant à elle repris le dessus après la baisse importante du nombre de femmes ministres enregistrée entre 2012 et 2014 pour établir son nouveau record à 10,6 pour cent, mais reste malgré tout avant dernière au classement mondial.
- Le Japon s'approche désormais un peu plus des 30 pour cent de femmes promises par son Premier ministre, Shinzo Abe, à l'horizon 2020, avec quatre femmes sur 18 ministres, contre deux en 2014.
- Les Etats-Unis ont une proportion de femmes bien plus importante au Gouvernement qu'au Parlement, arrivant 29ème au classement de l'UIP concernant la proportion de ministres femmes et 73ème au classement des femmes parlementaires.
- En Afrique, l'Afrique du Sud, Cabo Verde et le Rwanda continuent à figurer sur la liste des pays où les femmes détiennent plus de 30 pour cent des portefeuilles ministériels. En termes absolus, l'Afrique du Sud est celle qui compte le plus grand nombre de femmes ministres, 15 au total, soit 41,7 pour cent.
- Enfin, dans le Pacifique, les Iles Salomon ont accueilli leur première femme ministre des dix dernières années, tandis que les Tonga et le Vanuatu enregistrent un score nul au Gouvernement comme au Parlement.
Les femmes au Parlement
- Les Amériques se maintiennent en tête des régions, avec la plus forte moyenne de femmes parmi les parlementaires, à 26,4 pour cent. La Bolivie est le pays le plus haut placé de la région en deuxième position dans le classement mondial de l'UIP, avec 53,1 pour cent de femmes au Parlement.
- Si l'Afrique conserve son troisième rang au classement mondial, elle a perdu du terrain en ce qui concerne la proportion de femmes parmi les parlementaires (et les ministres).
- Début 2015, deux pays arabes comptent plus de 30 pour cent de femmes au Parlement, à savoir l'Algérie et la Tunisie.
- L'augmentation de 1,6 point du nombre de femmes parlementaires au Japon est la plus forte qu'ait connue l'Asie l'année dernière, ce qui rappelle que la progression est toujours peu élevée dans la région la plus peuplée de la planète.
- L'Europe affiche la deuxième moyenne régionale, la sous-région des Balkans ayant enregistré la plus forte progression du continent en 2014.
- Enfin, le Pacifique demeure la région où la moyenne des femmes au Parlement est la plus faible. La Nouvelle-Zélande est le seul pays de la région à compter plus de 30 pour cent de femmes parmi les parlementaires, tandis que les Fidji ont enregistré de très bons résultats l'année dernière, puisque les femmes y ont obtenu 16 pour cent des sièges aux élections législatives.