Vos guerres, no more!

17 déc 2015

Vos guerres, no more!

Tiré de Bulletin de la Table des groupes de femmes de Montréal (décembre 2015)

Samedi 14 novembre au matin, je prends des nouvelles des miens : ma jeune sœur de 22 ans, mon père, sa femme, mes tantes, mes cousin.e.s, mes ami.e.s de longue date, tout le monde est sain et sauf. Une de mes amies devait manger la veille dans le restaurant qui a explosé. Heureusement, elle n’y était pas. C’est passé proche!

Mais, attendez! Ai-je besoin de préciser où vivent les miens? Non, vous avez compris qu’ils habitent à Paris. Pourtant, des attentats, il y en a presque tous les jours en Syrie, en Irak, en Afghanistan, Mali, Libye, Somalie, et j’en passe. Mais on n’en entend pas autant parler. Parce qu’apparemment quand ça se passe à Paris, c’est une attaque contre la liberté, l’égalité, la fraternité. Parce que Paris c’est la ville des terrasses où il fait bon vivre. Il paraîtrait que c’est pour ça qu’on en parle plus.

Pourtant, Paris j’y vais régulièrement ; une fois tous les deux ans en moyenne. J’ai vu la pauvreté s’aggraver dans ses rues. Depuis l’ère du président Sarkozy (2007-2012), j’ai vu des itinérants qui se lèvent le matin, rangent leurs abris de carton et s’en vont travailler. À Paris, les travailleurs et travailleuses au salaire minimum n’ont plus les moyens de se payer un logement.

Et que dire des jeunes Français.e.s laissé.e.s pour compte dans les banlieues et les cités. Pauvreté, discrimination, désœuvrement, violence sont leur lot quotidien. Ils ne voient pas d’horizon. Ils n’ont pas d’avenir. Les quelques associations qui organisent pour eux des activités de loisir, de sport ou de réinsertion n’ont plus de financement. Les politiques françaises d’austérité sont antisociales et on se doit de les mettre en cause dans un moment comme celui-ci. Elles contribuent à nourrir un terreau et à le rendre fertile à l’endoctrinement et au désir de vengeance.

Le fanatisme musulman a la tâche facile en France. Il peut donner un sens à des vies et se présenter en sauveur. En effet, c’est son leitmotiv partout où il s’implante : nourrir des familles, encadrer la vie sociale, prétendre détenir la vérité, enrôler des jeunes dans des missions suicidaires. Pas juste en Europe, mais aussi en Algérie, en Égypte, au Niger et ailleurs encore.

Mais ce n’est pas le seul responsable. Si on veut éviter que ce type de situation ne se reproduise, il faut pousser la réflexion plus loin que ce discours sur les méchants fanatiques musulmans qui s’en prennent au pays de la liberté.

Que font les puissances occidentales face à des gouvernements dictatoriaux et misogynes comme l’Arabie Saoudite ou le Qatar? Que font-elles dans des pays instables comme la Syrie, l’Irak ou l’Algérie? Elles soutiennent des factions armées contre d’autres en vendant des armes... parfois aux deux côtés. Elles font du commerce et elles cherchent à avoir accès au pétrole. Certains analystes affirment que les bombardements et l’occupation de l’Irak ont contribué au développement de l’État Islamique.

Dans les années 80, on parlait de démilitarisation dans le cadre de concertations internationales. Aujourd’hui, on est dans l’escalade de réponses armées. La guerre nourrit la guerre. Cette guerrepour du pétrole qui pollue la planète et qu’on devrait remplacer par des énergies vertes et des matériaux biodégradables. Rappelons-nous qu’en France comme en Syrie ou au Liban : « la guerre est un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas » (Paul Valéry).

Au Québec, plusieurs groupes se mobilisent contre la guerre, contre la dépendance au pétrole, pour les énergies vertes et pour la paix. On peut se joindre à leurs actions ou les soutenir en contribuant à la diffusion des informations critiques et pertinentes qu’ils publient. Je pense ici à Échec à la guerre (http://echecalaguerre.org/), Tâche d’huile (http://www.tache-dhuile.info/) et au Camp ligne 9 dont les membres se sont physiquement interposés au passage d’oléoducs (https://campligne9.wordpress.com/).

Par ailleurs, comme l’appauvrissement et le racisme sont des facteurs aggravants des tensions sociales et de la détresse humaine en général, le changement social passe par des luttes sur différents fronts. De l’austérité à l’islamophobie les occasions de solidarité et de déconstruction des discours sont multiples. Tiens! Pourquoi ne pas profiter du temps des fêtes pour défaire quelques préjugés? Par exemple, ATD Quart monde a produit des capsules instructives et faciles d’accès sur les préjugés face aux personnes assistées sociales. (http://www.atdquartmonde.ca/category/idees-fausses/)

Nesrine Bessaïh

Références : Échec à la Guerre, « Attentats de Paris : la sempiternelle logique de guerre–lettre ouverte 26/11/2015 », article consulté le 30 novembre 2015, http://echecalaguerre.org/attentats-de-paris-la-sempiternelle-logique-de...

Julien Salingue, « Vos guerres nos morts », blogue La résistance à l’air du temps, article consulté le 30 novembre 2015, http://resisteralairdutemps.blogspot.ca/2015/11/vos-guerres-nos-morts.html