Première faculté de génie canadienne à porter le nom d’une femme
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« Je crois que la société sera plus accueillante pour tout le monde lorsque l’accès à l’enseignement supérieur constituera un droit fondamental », affirme Gina (Parvaneh Baktash) Cody, M. Ing. 1981, Ph. D. 1989.
« Dans de nombreux pays, l’éducation est la seule voie de réussite pour les femmes ou les personnes démunies. Elle offre une évolution naturelle vers un monde meilleur et plus inclusif. »
Gina Cody en sait quelque chose. Après son arrivée d’Iran en 1979, elle devient la première femme à obtenir un doctorat en génie du bâtiment de l’Université Concordia. Elle mène ensuite une brillante carrière en génie, se démarquant au fil de trois décennies à titre de chef d’entreprise.
Le 24 septembre, animée par sa foi dans le pouvoir de l’éducation et sa gratitude envers son alma mater, Gina Cody consent un don historique de 15 millions de dollars à l’Université Concordia et à sa Faculté de génie et d’informatique.
Cet apport est le plus important enregistré à ce jour dans le cadre de la Campagne pour Concordia : Place à la nouvelle génération, qui a débuté en 2017.
En reconnaissance de la générosité de sa diplômée et de ses réalisations dans son domaine, l’Université a renommé cette faculté « École de génie et d’informatique Gina-Cody ». Celle-ci devient ainsi la première faculté universitaire de génie au Canada à porter le nom d’une femme.
« Le don de Gina Cody marque un moment décisif pour le génie et l’informatique au Canada », déclare le recteur de l’Université Concordia, Alan Shepard.
« La générosité de Gina Cody aura un profond impact sur notre établissement. Elle nous permet de financer trois chaires de recherche, de nouvelles bourses d’études ainsi que d’importantes initiatives pour favoriser l’intégration et l’équité. Gina Cody est un modèle pour nous tous. Son soutien profitera grandement à la prochaine génération et, en définitive, à toute la société. »
Gina Cody espère que son geste inspirera ses consœurs et confrères diplômés.
« Je souhaite que ce don encourage d’autres fiers diplômés de Concordia à se manifester, confie-t-elle. Je serais ravie si d’ici 10 ou 15 ans, il y avait tant d’exemples comme le mien que celui-ci tomberait dans l’oubli. J’espère qu’il y aura alors tant de femmes en sciences, en génie et en technologie qu’on n’en fera plus aucun cas – que cela deviendra la norme. »
Le don de Gina Cody servira à financer des bourses d’études aux trois cycles qui attireront des étudiants et des chercheurs de haut calibre et favoriseront l’intégration. Il stimulera également la recherche nouvelle génération sur les villes intelligentes. Enfin, il soutiendra trois nouvelles chaires de recherche sur l’analyse des données et l’intelligence artificielle, l’Internet des objets, ainsi que l’industrie 4.0 et la fabrication de pointe.
« L’apport de Gina Cody aura d’énormes répercussions », commente Amir Asif, doyen de l’École de génie et d’informatique Gina-Cody. « Nous aspirons à être l’université nouvelle génération, à accomplir des percées technologiques pour le bien de la société. Une partie importante du don consenti servira à ouvrir davantage de possibilités pour les minorités visibles et les femmes. »
« Mes études ont été des plus agréables »
L’engagement de Gina Cody trouve ses racines dans sa plus tendre enfance. Membre d’une famille comptant cinq enfants – trois frères, qui sont tous devenus ingénieurs, et une sœur, dentiste – elle garde un souvenir indélébile de l’insistance de sa mère sur la nécessité de faire des études supérieures.
« Ma mère s’est mariée jeune et n’a jamais terminé ses études secondaires. Pour elle, il était très important que ma sœur et moi prenions notre destinée en main, se souvient-elle. Ma mère disait : “L’éducation est la seule chose qui permette à une femme de survivre dans cette société”. »
Après avoir obtenu un baccalauréat en génie de l’Université de technologie d’Aryamehr (aujourd’hui l’Université de technologie Sharif), à Téhéran, Gina Cody quitte le pays au terme de la révolution iranienne. Elle arrive à Montréal en 1979 avec 2 000 $ en poche et le projet de faire une maîtrise.
« À l’époque, les droits de scolarité au Canada étaient de 4 000 $, relate Gina Cody. Je ne sais pas où je pensais pouvoir me procurer l’argent. Mais j’étais déterminée à poursuivre des études supérieures. »
Elle est acceptée dans une autre université. Mais son frère, Mahmoud Bigtashi, B. Ing. 1979, vient d’obtenir son baccalauréat à Concordia. Il la convainc de rencontrer l’un de ses mentors en génie, Cedric Marsh.
« J’ai fait connaissance avec le professeur Marsh deux jours après mon arrivée au Canada, se souvient-elle. Nous avons parlé pendant une heure, et à la fin, il m’a dit : “J’aimerais vraiment que tu t’inscrives à Concordia. Pourquoi irais-tu ailleurs?” Il m’a immédiatement offert un soutien financier, et je ne sais pas ce que j’aurais fait autrement. Il a changé ma vie, tout comme Concordia. »
Gina Cody travaille également comme assistante d’enseignement durant sa maîtrise, et enseigne à la faculté pendant son doctorat. « Concordia a facilité mon arrivée au Canada, et mes études y ont été des plus agréables, se réjouit-elle. Je ne crois pas que j’aurais pu vivre une telle expérience ailleurs. Cette université m’a permis d’acquérir les compétences voulues pour lancer ma carrière, de même que l’expérience et la confiance dont j’avais besoin pour réussir. »
L’attachement si profond de Gina Cody pour Concordia tient aussi à une autre raison : c’est là qu’elle a connu son mari, Thomas Cody, MBA 1983.
« Il y avait une salle commune au deuxième étage que le programme de MBA partageait avec le Centre d’études sur le bâtiment », explique Thomas Cody, vice-président directeur à la retraite de la Bank of America, à Toronto.
« Je savais que Gina avait un téléphone dans son bureau d’étudiante. Je prétextais que le téléphone du salon était occupé pour aller là-bas et faire semblant de passer un coup de fil, question de lui faire la conversation. J’ai dû ne pas m’y prendre trop mal, puisque notre relation s’est développée à partir de là. »
Le couple s’est marié en 1981 et a donné naissance à deux filles : Roya, qui termine son doctorat en génie à l’Université de Waterloo, et Tina, qui étudie en droit à l’Université de Toronto.
« Tout le monde me connaissait par mon nom »
Sortir du lot devient une habitude pour Gina Cody. Étudiante, elle est souvent la seule femme dans ses cours. Et tout au long de ses trente ans de carrière en génie, lors d’événements professionnels, elle est souvent la seule femme parmi des centaines de participants.
« J’allais à des colloques où je me retrouvais seule en compagnie de 700 hommes, se remémore-t-elle. J’étais accueillie avec respect, car je connaissais bien mon domaine d’exercice. »
Dès son plus jeune âge, son père l’encourage à cultiver sa confiance en soi.
« Mon père jugeait que je devais savoir prendre ma place dans un “monde d’hommes”, souligne Gina Cody. Il me faisait faire des discours en public et donner des cours à l’école pour garçons qu’il possédait. Il est ainsi devenu tout naturel pour moi de m’affirmer dans une salle de classe ou un milieu à dominance masculine. »
Bien que ces expériences lui plaisent, Gina Cody découvre également que le droit à l’erreur est plus mince pour les femmes. Elle doit veiller à fournir en toutes circonstances un travail absolument impeccable. « J’étais très compétitive – je voulais toujours être la meilleure, note-t-elle. J’étais perfectionniste, et si je n’avais pas 100 pour cent dans mes examens, j’en restais éveillée la nuit à me dire : “la prochaine fois, étudie plus fort, travaille plus fort”. »
Dans le milieu professionnel, les gens qui l’entouraient ont tout de suite reconnu la rigueur et l’acharnement au travail de Gina Cody. Elle s’est vite distinguée d’abord comme ingénieure, puis comme présidente et actionnaire principale de CCI Group, une firme d’experts-conseils en génie de Toronto.
En 2010, sous sa direction, CCI a été nommée par la revue Profit comme l’une des entreprises canadiennes détenues par une femme les plus rentables. Gina Cody a aussi été nommée parmi les dix femmes entrepreneures les plus importantes au Canada. Elle a pris sa retraite après avoir vendu son entreprise en 2016.
Au fil de sa carrière, Gina Cody a été récompensée à maintes reprises, ayant reçu l’Ordre du mérite de l’Association canadienne de normalisation, la Distinction de l’Ontario pour services bénévoles ainsi que le titre d’Officer of the Order of Honour (« officière de l’ordre honorifique ») de Professional Engineers of Ontario. De plus, elle a été nommée diplômée de l’année par l’Association des diplômés de l’Université Concordia en 2011 et personne d’exception de l’Université en 2014.
Son succès n’a guère étonné les gens qui la connaissent bien.
« Gina Cody est un modèle pour tous les gens qui l’entourent, en particulier les jeunes femmes », observe Rudy Ruttimann, directrice générale de Sketch, l’organisme communautaire où elle fait du bénévolat.
« Elle agit comme mentor et enseigne aux jeunes à se concentrer sur leurs passions, à bâtir ce qu’ils ont envie de bâtir et à devenir la personne qu’ils veulent être dans le monde. Puis, quand ils réussissent, à donner en retour à leur communauté. Son parcours est un formidable exemple. »
« Gina est honnête et travaillante, possède de vastes connaissances et sait résoudre les problèmes, » raconte Adam Salehi, président d’Atlas Constructors inc., un collègue et ami de longue date de Gina Cody.
« Tout le monde l’apprécie. Je n’ai connu personne en 25 ans qui avait le moindre reproche à lui faire. J’ai beaucoup appris avec elle. »
« Je fais ce don pour la prochaine génération »
Pour Gina Cody, aider les autres a toujours été une priorité.
« Quand je fréquentais l’université en Iran, j’allais visiter des hôpitaux pour enfants pauvres, relate-t-elle. Après, je n’arrivais pas à fermer l’œil la nuit, mais je me disais qu’il fallait faire quelque chose. »
« Gina Cody est une superhéroïne discrète, affirme Johnny Zuccon, registraire par intérim à Professional Engineers of Ontario, où Gina Cody a travaillé bénévolement pendant presque 20 ans. Sa rigueur au travail est sans égale. On ne peut pas s’empêcher de l’admirer. »
Quand son entreprise a pris de l’expansion, Gina Cody a tenu à continuer d’être là pour sa famille. Sa fille Tina se souvient : « Elle préparait le souper, puis me consacrait trois ou quatre heures de tutorat en physique. Nous restions parfois éveillées jusqu’à minuit, et le lendemain elle se levait à 5 heures pour aller travailler. »
Sa fille Roya ajoute : « Elle rentrait à la maison tous les soirs, même quand elle travaillait hors de la ville. Elle s’était fixé comme règle de revenir avant mon réveil le lendemain matin. Alors elle disait “OK, je vais au chantier aujourd’hui, mais je prends le vol de nuit pour être de retour avant que tu ouvres l’œil demain matin”. »
Gina Cody est actuellement membre du conseil d’administration de l’Université Concordia et vice-présidente de la Campagne pour Concordia pour la région de Toronto. Elle a aussi donné de son temps à l’Association canadienne de normalisation; à l’Institut canadien des condominiums; à Professional Engineers of Ontario; ainsi qu’à Sketch, un organisme d’arts communautaires qui offre du soutien à des jeunes aux prises avec la pauvreté ou l’itinérance.
Pour la nièce de Gina Cody, Christine Anahita Bigtashi, qui étudie le génie aux cycles supérieurs à Concordia, sa tante est une source d’inspiration. « Gina m’a toujours dit de m’assurer de faire quelque chose qui me plaît, indique-t-elle. Elle a toujours aimé ce qu’elle faisait, et cela l’a aidée à poursuivre ses objectifs. Si elle en est capable, eh bien moi aussi. »
Nul doute, cette philosophie anime également l’alma mater de Gina Cody.
« Concordia est un établissement extraordinaire, et le niveau de l’enseignement y est exceptionnel, soutient Gina Cody. Je fais ce don pour la prochaine génération, pour que davantage de gens puissent réussir comme je l’ai fait. Et avec un peu de chance, dans plusieurs années, nous verrons un autre don semblable au mien. Ensemble, nous pouvons faire de Concordia une université encore plus formidable pour la prochaine génération. »