L’Institut du Québec demande une relance économique « juste et inclusive »
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L’année 2020 a abruptement mis un terme à une séquence de cinq années de croissance ininterrompue du nombre et de la qualité de l’emploi et de vigueur du marché du travail au Québec.
Alors que la pandémie de la COVID-19 frappait la province et qu’une grande partie de l’économie était mise sur pause, les pertes d’emplois colossales survenues en avril ont fait craindre le pire. Heureusement, l’assouplissement des contraintes sanitaires entre mai et septembre et des restrictions de santé publique moins strictes d’octobre à décembre 2020 auront favorisé une importante récupération des emplois perdus. Si bien que le nombre d’emplois au Québec en décembre 2020 avait atteint 97 % du niveau observé en décembre 2019, soit avant la pandémie.
Malgré la destruction de près de 125 000 emplois, la hausse de 67 000 chômeurs et le départ de 56 300 personnes de la population active depuis un an au Québec, quand on met en perspective les principaux indicateurs du marché du travail, la situation en décembre 2020 était loin d’être catastrophique.
Malgré ces signes de résilience, comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises au cours de la dernière année, au-delà des indicateurs généraux, la crise et la reprise ont frappé de façon très inégale les secteurs d’activité et groupes populationnels. Ainsi, cette pandémie a créé une économie à deux vitesses, faisant quelques gagnants et beaucoup de perdants.
Les sources d’inquiétude
Une analyse détaillée des caractéristiques des travailleurs les plus affectés par cette crise sanitaire montre que ceux qui ont terminé l’année dans les situations les plus précaires sont :
- Les jeunes hommes de 15 à 24 ans, il s’agit du groupe le plus durement touché avec un taux de chômage qui atteint presque 16 %;
- Les travailleuses de 55 ans et plus ont aussi été frappées plus durement que les hommes du même âge ;
- Les chômeurs de long terme, dont le nombre progresse au fur et à mesure que la pandémie perdure. Il faudra éviter que ces personnes soient démobilisées dans les mois prochains;
- C’est chez les travailleurs plus faiblement salariés que se concentre l’entièreté des pertes d’emplois. En effet, 16 % des emplois ont disparu chez les travailleurs qui gagnaient entre 12 et 19,99 $ de l’heure en 2020. Heureusement, une partie de ces pertes a été compensée par la création d’emplois mieux rémunérés;
- Les travailleurs les moins scolarisés ont également assumé l’ensemble des pertes d’emplois alors que les emplois qui requièrent des études universitaires se sont accrus;
- Les centaines de milliers de travailleurs qui n’ont pas recouvré le nombre d’heures qu’ils travaillaient avant la crise.
Autre source d’inquiétude, le retour en force des pénuries de main-d’œuvre, qui ralentiront indéniablement la reprise, malgré une hausse du chômage de long terme et une baisse du taux d’activité. Notons que de toutes les provinces canadiennes, c’est au Québec que le nombre de chômeurs par poste vacant s’avère le plus faible.
Les indicateurs encourageants
L’année 2020 a montré plusieurs signaux de grande résilience du marché du travail, en voici quelques-uns :
- À 6,8 %, le taux de chômage était retourné à la moyenne enregistrée au cours de la dernière décennie et demeurait inférieur à la moyenne canadienne (8,8 %)
- Après avoir écopé plus durement en avril dernier, la situation des femmes (-64 800 emplois entre décembre 2019 et décembre 2020) est maintenant plus similaire à celle observée chez les hommes (- 59 100 emplois)
- Malgré qu’il se soit creusé pendant la crise, l’écart entre le taux de chômage des immigrants et celui des personnes nées au Canada semble être revenu à son niveau d’avant la pandémie.
- Le groupe des 25-54 ans s’est sorti relativement indemne de la crise.
- Après avoir atteint un plancher en avril 2020, les indices de l’IDQ permettant d’établir la vigueur du marché du travail et la qualité de l’emploi étaient retournés à leurs niveaux observés en 2016 en décembre dernier.
Les risques pour 2021
Tout indique qu’en 2021 le marché de l’emploi fera face à des vents contraires: d’un côté, le retour en force des pénuries de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs et professions, de l’autre, le danger – économique, mais aussi social – de voir perdurer la marginalisation de deux groupes : les chômeurs pandémiques et les découragés.
Pour éviter qu’ils deviennent les oubliés de la reprise, il faudra donc surveiller avec grande attention l’évolution du travail chez ces groupes spécifiques. Ils devraient constituer la priorité d’une politique de relance juste et inclusive. Avec la pression déjà palpable du manque de main-d’œuvre dans certaines industries et certaines régions, – qui pourrait s’avérer le principal frein de la reprise et des investissements des entreprises –, le Québec n’a pas les moyens de se priver de ces travailleurs. Il a même le devoir de les inscrire au cœur de sa relance.
Les opportunités seront nombreuses, mais les risques aussi.