Le manque de formation des dirigeants nuit à la productivité du Québec
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Diagnostiqué depuis plus de 20 ans, le problème de productivité qui entrave la croissance économique du Québec ne semble pas en voie de se résorber alors que son origine a pourtant été clairement identifiée : les entreprises québécoises investissent peu, innovent moins, et plusieurs préfèrent se rabattre sur la faiblesse relative du dollar canadien pour assurer leur compétitivité. Or, une étude dévoilée aujourd’hui par le Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter J. Somers (CPP) pourrait bien renverser cette tendance en identifiant la formation des dirigeants des PME comme une des causes probables de ce manque de réactivité. Une réalité à considérer sérieusement dans un contexte où le gouvernement du Québec mise sur ces entreprises pour assurer la relance.
« Deux facteurs sous-tendent notre démarche, explique Robert Gagné, directeur du CPP. D’une part, les PME forment la base du tissu économique de la province en générant plus de 85 % des emplois du secteur privé. Par extension, elles sont donc au cœur du problème de productivité. D’autre part, la prise de décision dans les PME repose généralement sur un nombre restreint de personnes – une seule dans bien des cas. En conséquence, nous nous sommes demandé si les dirigeants de PME québécoises n’avaient pas un certain rôle à jouer dans la mauvaise performance du Québec en matière de productivité? »
En analysant les données de l’Enquête sur le financement et la croissance des PME réalisée par Statistique Canada, les chercheurs ont constaté que ce pourrait bien être le cas. « Plusieurs études montrent l’existence d’un lien indéniable entre la performance des entreprises et la valeur du capital humain de leurs dirigeants, nous avons donc exploré de ce côté, précise Robert Gagné. Les résultats ont été particulièrement concluants. »
Entre autres constats, l’analyse révèle que les PME dirigées par un diplômé universitaire seraient plus susceptibles d’adopter une technologie de pointe, auraient une plus grande propension à innover et à exporter, et seraient plus propices à détenir une propriété intellectuelle. « Or, comme les dirigeants québécois sont, toutes proportions gardées, moins nombreux que leurs homologues canadiens à détenir un diplôme universitaire, notre analyse pourrait non seulement expliquer, en partie, le retard de productivité que la province accuse depuis des années mais permettre aussi d’explorer de nouvelles pistes pour le contrer », soutient Jonathan Deslauriers, directeur exécutif au CPP.
Quelques faits saillants
Lorsque comparées aux PME dirigées par un titulaire de diplôme d’études secondaires, les PME sous la gouverne d’un diplômé universitaire seraient :
- 87 % plus nombreuses à avoir adopté une technologie de pointe au cours des trois dernières années (30 % lorsqu’il s’agit d’un dirigeant ayant un diplôme d’études collégiales, techniques ou professionnelles);
- 44 % plus nombreuses à avoir généré au moins une innovation au cours des trois dernières années (16 % lorsqu’il s’agit d’un dirigeant ayant un diplôme d’études collégiales, techniques ou professionnelles;
- Deux fois plus nombreuses à détenir une propriété intellectuelle (60 % lorsqu’il s’agit d’un dirigeant ayant un diplôme d’études collégiales, techniques ou professionnelles).
- Les PME dirigées par un diplômé universitaire exporteraient deux fois plus que celles menées par un diplômé de niveau inférieur ;
- Toutes proportions gardées, l’Ontario compterait 40 % plus de PME dirigées par un titulaire de diplôme universitaire que le Québec et 2,5 fois plus de PME menées par un immigrant (35,6 % contre 14,0 %).
« Ces deux derniers résultats sont particulièrement révélateurs quant à la nature du retard de productivité du Québec, soutient Robert Gagné. La littérature révèle non seulement l’existence d’un lien fort entre la formation du dirigeant et la performance des entreprises, mais un nombre grandissant d’études tend aussi à démontrer que l’immigration agirait comme un vecteur d’innovation dans les économies occidentales. En misant sur ces leviers, le Québec pourrait donc enfin parvenir renverser cette tendance lourde. »
Quelques recommandations
À la lumière de ces constats, une réflexion de fond s’impose pour assurer une refonte efficace des mesures privilégiées par le gouvernement pour stimuler la productivité. « Avant d’élargir l’éventail de solutions fiscales et de programmes visant à inciter les PME à investir et à innover, le gouvernement devrait d’abord s’assurer que ces activités sont à leur portée, soutient Robert Gagné, notamment en multipliant l’accès à la formation et au perfectionnement, mais également en ciblant les secteurs d’activité où la formation universitaire est moins fréquente. En outre, une importante réflexion devrait s’amorcer pour favoriser la diversité de l’entrepreneuriat au Québec, l’immigration étant vraisemblablement appelée à agir comme catalyseur à l’innovation et à la productivité de la province. »