La Déclaration de Windhoek+30 appelle à affirmer que l'information est un bien public

17 mai 2021

La Déclaration de Windhoek+30 appelle à affirmer que l'information est un bien public

Les participants de la Conférence de la Journée mondiale de la liberté de la presse 2021 ont adopté la « Déclaration Windhoek+30 », trente ans après la réunion historique qui a donné naissance à la Déclaration de Windhoek de 1991 sur la liberté, l’indépendance et le pluralisme de la presse, à l'origine de la proclamation du 3 mai comme Journée mondiale de la liberté de la presse. La conférence s'est déroulée du 29 avril au 3 mai, aux mêmes dates que le séminaire de 1991, et dans un format hybride.

La Déclaration de Windhoek+30 reprend l'esprit de la Déclaration de Windhoek de 1991, mais fait référence aux défis persistants et nouveaux relatifs à la liberté des médias, tels que le risque d'extinction des médias dans un contexte de « crise économique grave » et de bouleversement des modèles économiques des médias traditionnels ; de « prolifération, d'amplification et de promotion croissantes de la [...] désinformation et des discours de haine » ; ainsi que « de menaces persistantes et nouvelles pesant sur la sécurité des journalistes et le libre exercice du journalisme, notamment les assassinats, le harcèlement des femmes, les attaques hors ligne et en ligne ».

La déclaration contient également des recommandations visant à prendre des mesures efficaces pour favoriser une diversité de médias publics, privés et communautaires viables, tout en préservant leur indépendance. Elle appelle en outre à généraliser l'éducation aux médias et à l'information, ainsi qu'à œuvrer pour garantir la transparence des entreprises technologiques.

Le thème général de la Journée mondiale de la liberté de la presse, « L'information comme bien public » (.pdf), a été discuté lors d'un talk-show le 2 mai, après l'inauguration officielle par la Directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, et la Première ministre de la République de Namibie, Saara Nadjila Kuugongelwa-Amadhila. La session a donné lieu à une intervention exclusive de Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel de la paix, ainsi que d'autres orateurs de premier plan. Les maîtres de cérémonie et les champions de la conférence, Gwen Lister, fondatrice du journal « The Namibian » et coprésidente du séminaire de Windhoek en 1991, et Toivo Ndjebela, rédacteur en chef du Namibian Sun, ont guidé les participants et les spectateurs tout au long des cinq jours d’événement.

Les contributions à la préparation de la conférence mondiale et de ses résultats ont été recueillies dans le cadre d'un processus consultatif, impliquant des consultations régionales ainsi que des consultations thématiques avec des représentants de médias, de syndicats, d’ONG spécialisées, de groupes de réflexion et de réseaux pertinents tels que la Coalition d'OSC sur la sécurité des journalistes, la Coalition sur la liberté de la presse, la Coalition sur la sécurité en ligne et la Coalition dynamique sur la viabilité du journalisme et des médias d’information.

Le 2 mai, le prix UNESCO/Guillermo Cano 2021 a été remis à Maria Ressa, journaliste philippine et PDG de Rappler. Mme Ressa a été victime d'attaques en ligne et de campagnes ciblées et accusée de cybercriminalité en raison de ses reportages d'investigation. Lors de la cérémonie de remise du prix à Windhoek, les journalistes Marilu Mastrogiovanni et David Dembele, membres du jury indépendant l’ayant récompensée, ont salué le « combat infaillible de Mme Ressa pour la liberté d'expression » et le fait qu'elle soit « un exemple pour de nombreux journalistes aux Philippines et dans le monde ».

Maria Ressa a également participé à une table ronde de lancement du document de discussion novateur « The Chilling : Tendances mondiales de la violence en ligne contre les femmes journalistes » le 30 avril. L'étude de l'UNESCO, réalisée par le Centre international pour les journalistes (ICFJ), présente un ensemble de données d'une ampleur sans précédent et révèle que les réseaux sociaux sont de plus en plus instrumentalisés pour utiliser la violence en ligne à caractère sexiste dans le but de freiner les reportages critiques et de réduire la confiance du public dans le journalisme. Maria Ressa a évoqué la nécessité d’imposer aux plateformes en ligne de rendre des comptes : « L'impunité doit cesser. Si ce n'est pas le cas, les faits ne pourront pas être mis au jour. Les plateformes diffusant les informations ont des préjugés contre les faits et contre les journalistes. Elles rendent les femmes journalistes bien plus vulnérables qu’elles ne l'ont jamais été. »

Au cours de la conférence, l'UNESCO a publié un nouveau document intitulé Letting the Sun Shine In: Transparency and Accountability in the Digital Age, sur la transparence et la responsabilisation à l'ère numérique, qui rassemble une sélection de principes de haut niveau visant à améliorer la transparence des plateformes Internet. Ce document présente le renforcement de la transparence comme une troisième voie entre la surréglementation des contenus par les États, qui a entraîné des restrictions disproportionnées des droits de l'homme ainsi qu’une approche de laissez-faire qui n'a pas réussi à traiter efficacement les contenus problématiques tels que les discours de haine et la désinformation.

La session plénière sur la viabilité des médias a également permis de débattre de la question centrale d'un soutien supplémentaire pour renforcer leur viabilité, notamment par le biais de la fiscalité directe pour financer les entreprises de médias, de mécanismes de partage des revenus pour s'assurer que les médias sont correctement rémunérés pour l'utilisation de leur contenu par des tiers, de l'augmentation de l'aide au développement des médias, de la collaboration entre les médias et du soutien aux médias à but non lucratif. À ce sujet, l'UNESCO réalise également une étude sur la viabilité des médias, en partenariat avec la WAN-IFRA, ainsi qu'une note d'orientation dans le cadre du prochain rapport de l'UNESCO sur les tendances mondiales en matière de liberté d'expression et de développement des médias.

Des initiatives concrètes et innovantes pour soutenir la renaissance des médias ont été évoquées, entre autres, lors de différentes sessions telles que : le développement de recommandations concrètes pour la viabilité du journalisme, organisé par le Forum sur l'information et la démocratie ; la discussion sur le Fonds international pour les médias d'intérêt public lors de l'événement organisé par UN Verified sur le thème « Comment empêcher la pandémie de devenir un facteur d'extinction des médias » ; ainsi que le lancement du document de travail de BBC Media Action/PRIMED sur les subventions publiques aux médias.

La Conférence a également accueilli 6 Forums régionaux qui ont mis en lumière les suites des déclarations et mouvements inspirés par la Déclaration de Windhoek de 1991. Toutes les sessions de la Conférence, les messages vidéo et les expositions sont accessibles sur la plateforme de la Conférence jusqu'à fin mai 2021. Les sessions de la conférence seront également disponibles sur la chaîne YouTube de l'UNESCO.

Plus de cinquante événements ont eu lieu à travers le monde dans plus de trente pays pour célébrer la Journée mondiale de la liberté de la presse. L'UNESCO a lancé la campagne mondiale #QuestionsThatMatter, pour reconnaître la fiabilité et la précision des informations fournies par les journalistes.