Mobilité et formation de la main-d'oeuvre - Les chômeurs pandémiques, véritable solution aux enjeux de main-d'œuvre?

20 mai 2021

Mobilité et formation de la main-d'oeuvre - Les chômeurs pandémiques, véritable solution aux enjeux de main-d'œuvre?

MONTRÉAL, le 19 mai 2021 /CNW Telbec/ - La crise sanitaire a non seulement créé de nouveaux bassins de chômeurs et poussé de nombreuses personnes vers l'inactivité, mais elle a aussi exacerbé les besoins de main-d'œuvre dans certaines industries. « À première vue, l'idée de replacer rapidement et massivement les chômeurs pandémiques peut sembler la solution parfaite à tous ces maux, toutefois, la réalité s'avère beaucoup plus complexe, soutient Mia Homsy, présidente-directrice générale de l'Institut du Québec (IDQ). Les barrières à la mobilité sont multiples, les silos entre les différentes instances décisionnelles demeurent encore bien présents et la formation tout au long de la vie ne fait toujours pas partie intégrante de la réalité des employeurs et des travailleurs. »

L'état d'urgence infligé par la pandémie s'avère donc une occasion en or pour repenser les politiques de main-d'œuvre qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas reçu la priorité qu'elles méritent, notamment par les acteurs qui conçoivent les politiques économiques : les enjeux de développement de la main-d'œuvre ne faisant toujours pas partie intégrante de la réflexion sur le développement économique.

Point positif, la crise a favorisé l'émergence de nouvelles initiatives en ce sens. Au Québec, des programmes de requalification et de rehaussement des compétences ont été déployés par les deux paliers de gouvernement au cours de la crise : formation accélérée de milliers de préposés aux bénéficiaires, formations ciblées sur les métiers et professions en déficits de main-d'œuvre, soutien temporaire à la formation en entreprise, financement des analyses de besoins de main-d'œuvre pour les entreprises, etc. Mais ces actions demeurent insuffisantes pour transformer notre économie, pis encore, elles pourraient disparaitre au terme de la crise actuelle. « Dans un contexte de resserrement du marché du travail, de vieillissement de la population, d'accélération des transformations technologiques et de mobilisation pour lutter contre les changements climatiques, il est impératif de passer de l'obsession de la création d'emploi à l'obsession de la création de talents, déclare Mia Homsy. Ainsi, la formation doit devenir une priorité collective pour tous les acteurs de l'économie : travailleurs, employeurs, institutions d'enseignement et gouvernements. »

Abattre les barrières à la mobilité de la main-d'œuvre

Les points de friction du marché du travail sont nombreux, il ne faut donc pas espérer que des solutions magiques régleront tout et permettront à l'ensemble des chômeurs pandémiques de se replacer rapidement. Changer de métier, de carrière, de profession, de région sont des décisions importantes et une compréhension plus fine doit guider ces changements.

Voici les principales barrières à la mobilité de la main-d'œuvre :

  • Les conditions de travail (salaires, exigences, etc.);
  • Les freins à la mobilité interrégionale; 
  • Les rigidités institutionnelles (reconnaissances des qualifications et des compétences, réglementation excessive, etc.);
  • Les préférences personnelles (exacerbées par l'incertitude face à la levée des contraintes sanitaires dans plusieurs secteurs);
  • Difficultés d'accès à certaines formations (durée, horaire, coûts, etc.);
  • Compétences insuffisantes ou inadéquates (les chômeurs pandémiques ne sont généralement pas dans les secteurs ou dans les professions en rareté).

La formation, un puissant levier de développement économique

« La formation des travailleurs s'avère une des solutions les plus porteuses pour répondre aux enjeux de main-d'œuvre puisqu'elle permet à la fois d'accroître la mobilité sociale et de stimuler la croissance économique, affirme Emna Braham, économiste principale à l'IDQ. Les gouvernements du Québec et du Canada s'accordent d'ailleurs sur la question en déclarant leur intention de faire de la formation un outil de soutien et de relance économique. Cet élan est prometteur, mais il faut aller encore plus loin. »

L'Institut du Québec propose sept recommandations pour assurer la livraison de services essentiels et accroître la productivité et l'innovation. Ces recommandations découlent tant d'une importante analyse des grandes tendances du marché de l'emploi et des barrières à la mobilité des travailleurs que d'une revue des pratiques inspirantes - locales et internationales - de formation des travailleurs.

Recommandations de l'IDQ

  1. Mettre en place une politique de développement économique axée sur la main-d'œuvre : tout nouvel investissement ou programme public majeur devrait faire l'objet d'une analyse de l'impact sur la main-d'œuvre et d'une stratégie pour s'assurer de sa disponibilité;
  2. Briser les silos entre les réflexions sur le développement économique et celles sur la disponibilité et les compétences de la main-d'œuvre. Il faut accroître et favoriser la collaboration entre les ministères, mais aussi entre les entreprises et les établissements d'enseignement;
  3. Mieux coordonner les mesures de soutien au revenu et de soutien à la formation des gouvernements fédéral et provincial pour inciter les chômeurs à regagner le marché du travail;
  4. Développer des mécanismes particuliers de financement et de promotion de la formation pour soutenir les chômeurs les plus vulnérables;
  5. Miser sur des mécanismes audacieux de qualification et de reconnaissance des acquis notamment pour les métiers et professions réglementés;
  6. Promouvoir et soutenir la formation tout au long de la vie;
  7. Évaluer systématiquement les politiques et les programmes de promotion de la formation.