Lettre ouverte au gouvernement du Québec pour l’adoption du Principe de Joyce et la reconnaissance du racisme et de la discrimination systémique envers les femmes autochtones
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Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Ministre,
Je vous écris aujourd’hui dans le cadre de la journée en mémoire de Madame Joyce Echaquan. Il y a un an, Joyce Echaquan perdait la vie dans des conditions déplorables au Centre Hospitalier de Lanaudière. Cette lettre ouverte a pour objectif de vous faire part des demandes de Femmes Autochtones du Québec (ci-après FAQ) concernant le Principe de Joyce et la reconnaissance du racisme et de la discrimination systémique.
Ayant comme mission de promouvoir et défendre les droits des femmes autochtones, nous souhaitons lui rendre justice, à elle et sa famille, à sa communauté ainsi qu’à toutes les femmes autochtones qui n’ont pas accès à une prestation de services exempte de racisme et discrimination systémique.
Déjà une année est passée depuis le décès de Madame Echaquan et malgré les demandes répétitives des organisations autochtones, votre gouvernement refuse malheureusement d’entendre raison et d’adopter le Principe de Joyce. Visant à assurer un accès équitable, sans discrimination, à l’ensemble des services de santé et de services sociaux, le Principe de Joyce offrirait une garantie aux Autochtones, plus particulièrement aux femmes autochtones, qui vivent du racisme et de la discrimination systémique.
L’article 22 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (ci-après DNUDPA) garantit qu’une attention particulière sera portée envers les femmes autochtones dans l’application de l’entièreté de la Déclaration. Il assure également que les États prendront des mesures nécessaires, en collaborant avec les peuples autochtones, pour s’assurer que les femmes autochtones soient protégées contre toutes les formes de violence et de discrimination. Le 8 octobre 2019, l’Assemblée nationale adoptait à l’unanimité une motion reconnaissant les principes de la Déclaration et pourtant, il y a toujours un refus clair de votre part d’adopter le Principe de Joyce. La mise en oeuvre de la DNUDPA répond à l’appel à l’action 3 de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics et à l’appel à la justice 19 du Rapport complémentaire de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées au Québec (ci-après ENFFADA).
Tel qu’entendu lors des audiences publiques, FAQ a mentionné que la Charte québécoise des droits et libertés garantissant les droits fondamentaux à la vie, à la sécurité, au respect et à la dignité ont été violés lors de l’hospitalisation de Madame Echaquan. La Charte canadienne des droits et libertés ajoute une garantie constitutionnelle au droit à la non-discrimination et aux préjugés encrés par le colonialisme au Canada. De plus, l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques garantit une protection internationale des droits de la personne contre toutes discrimination. En ce sens, FAQ vous demande formellement d’adopter le Principe de Joyce sans délai et sans réserve.
Le racisme et la discrimination systémique envers les femmes autochtones sont aussi des problématiques que nous souhaitons apporter à votre attention. Votre gouvernement se dit poser des actions concrètes pour lutter contre le racisme au Québec, mais ne reconnait pas explicitement le racisme et la discrimination systémique dans ses services publics. Toutefois, le gouvernement du Canada reconnaît les discriminations et le racisme issus des institutions. FAQ souhaite, une fois de plus, dire qu’il est impossible de travailler sur cette problématique si la situation n’est pas adressée et pas reconnue au Québec.
Votre réticence à ne pas reconnaître le racisme et la discrimination systémique ne se justifie pas considérant que l’ENFFADA dénonce le génocide perpétré envers les femmes autochtones. Joyce Echaquan a perdu la vie et nombreuses sont les femmes autochtones qui refusent de se tourner vers les services publics par crainte de subir de mauvais traitements. Cela affecte directement leur qualité de vie et leur santé holistique.Vous croyez travailler main dans la main avec les communautés autochtones, dans une relation de nation à nation, mais il s’avère impossible de le faire tant que le racisme et la discrimination systémique ne seront pas reconnus.
Afin de dire haut et fort que le Québec se réconcilie avec les peuples autochtones et les femmes autochtones, le gouvernement se doit d’agir de bonne foi pour s’attaquer directement aux problèmes, qui sont d’adopter le Principe de Joyce et de reconnaitre l’existence du racisme et de la discrimination systémique envers les femmes autochtones au Québec.
Dans l’espoir de discuter prochainement, je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier ministre et Monsieur le Ministre, mes salutations les plus sincères.
Viviane Michel
Présidente de FAQ
c.c. Monsieur Christian Dubé, Ministre de la santé et des services sociaux