Défaillance du système : la santé cardiaque et cérébrale des femmes est à risque
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Des lacunes en matière de sensibilisation, de recherche, de diagnostic et de soins menacent la santé cardiaque et cérébrale des femmes, selon un nouveau rapport de Cœur + AVC intitulé Défaillance du système : en raison des inégalités en matière de soins de santé, la santé cardiaque et cérébrale des femmes continue d’être négligée. De nombreuses femmes présentent un risque accru en raison de facteurs qui se croisent et se chevauchent, comme la race, l’origine ethnique, l’appartenance à un peuple autochtone, le statut socio-économique, l’orientation sexuelle, la situation géographique, la masse corporelle et les capacités.
Le corps des femmes est différent de celui des hommes, tout comme leur vie. En raison des différences biologiques, les femmes font face à des facteurs de risque distincts. En outre, elles sont plus susceptibles de souffrir de certaines maladies cardiaques et cérébrales, et les différences sociales influent sur leur santé. Des progrès ont été réalisés, mais ils sont insuffisants et les conséquences sont lourdes. En 2019, les maladies du cœur et l’AVC ont fauché la vie de 32 271 femmes au pays. C’est 1 femme toutes les 16 minutes.
Il existe des lacunes persistantes dans la sensibilisation et la compréhension en lien avec la santé cardiaque et cérébrale des femmes. Les deux tiers des participants aux essais cliniques sur les maladies cardiaques et l’AVC étaient des hommes et lorsqu’il y avait des femmes parmi les participants, il n’y avait pas toujours d’analyse fondée sur le sexe et le genre. Chez la moitié des femmes qui subissent une crise cardiaque, les symptômes passent inaperçus. De plus, les femmes sont moins susceptibles que les hommes de recevoir les traitements et les médicaments dont elles ont besoin, ou de les recevoir en temps opportun.
Pendant des mois, Michelle Logeot a ressenti de la faiblesse et de la fatigue, en plus de transpirer beaucoup, mais ses symptômes ont été ignorés. « J’ai reçu tellement de diagnostics erronés : on m’a dit que c’était de l’anxiété, une dépression, la ménopause, un rhume, une grippe, une pneumonie, un prolapsus vaginal, des calculs rénaux. Ils ne m’ont pas écoutée, jusqu’à ce que mon cœur cesse de battre ». Les tests ont révélé qu’elle avait de nombreux blocages dans ses artères coronaires et elle a dû subir une intervention consistant à ouvrir trois de ses artères à l’aide d’endoprothèses. Michelle donne le conseil suivant aux femmes qui ont des problèmes cardiaques : « Vous devez défendre vos intérêts. Si un médecin ignore vos symptômes, vous devez en trouver un autre qui vous aidera. »
Selon les données du dernier sondage national de Cœur + AVC, près de 40 % de la population du pays ne sait pas que les maladies du cœur et l’AVC sont les principales causes de décès prématuré chez les femmes. Pourtant, 75 % des répondants pensent que nous devrions nous préoccuper davantage de la santé cardiaque et cérébrale des femmes.
Les femmes font face à des facteurs de risque distincts pour les maladies du cœur et l’AVC, et ce, à différents moments de leur vie, notamment pendant la grossesse et la ménopause. La grossesse peut entraîner de l’hypertension et du diabète gestationnel, qui augmentent tous deux le risque de développer une maladie du cœur et de subir un AVC au cours de la vie. De plus, en vieillissant, les femmes présentent des facteurs de risque cardiovasculaires plus rapidement que les hommes. « En améliorant le dépistage, l’éducation et le suivi pendant et après la grossesse, nous pourrions aider de nombreuses femmes à réduire leur risque futur de maladies du cœur », affirme Padma Kaul, chercheuse de l’Université de l’Alberta subventionnée par Cœur + AVC.
Certains types de maladies du cœur sont plus fréquents chez les femmes, et celles-ci peuvent être touchées différemment par les maladies du cœur et l’AVC. L’infarctus du myocarde avec artères coronaires non obstruées est un type de crise cardiaque qui est au moins deux fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. La dissection spontanée de l’artère coronaire (DSAC) est une cause fréquente de crise cardiaque chez les jeunes femmes, ainsi que pendant la grossesse ou l’accouchement. Les femmes qui subissent un infarctus du myocarde avec élévation du segment ST ou sans élévation du segment ST, deux des trois principaux types de crises cardiaques, sont plus susceptibles que les hommes de mourir ou de présenter une insuffisance cardiaque. Les femmes qui subissent un AVC sont plus susceptibles que les hommes d’en mourir; lorsqu’elles y survivent, leurs séquelles sont plus graves.
« Nous ne savons tout simplement pas comment traiter les formes de maladies du cœur qui sont plus fréquentes chez les femmes », déclare le Dr Husam Abdel-Qadir, titulaire de la chaire sur la santé cardiaque et cérébrale des femmes du Women’s College Hospital de Toronto.
Les rôles liés au genre et les attentes sociales peuvent créer des obstacles supplémentaires aux soins et au soutien des femmes puisqu’elles ont tendance à faire passer les besoins de santé des membres de leur famille avant les leurs. De plus, elles assument davantage de responsabilités liées aux soins et ont plus de difficultés à défendre leurs propres intérêts.
Des inégalités considérables
Toutes les femmes font face à des inégalités, mais certaines en rencontrent de plus importantes que d’autres. Chaque femme est unique et il existe des facteurs culturels et sociaux ainsi que des dynamiques de pouvoir qui s’entrecroisent et qui font que la santé cardiaque et cérébrale de certaines femmes est plus à risque que celle d’autres femmes.
- Les femmes qui ont un statut socio-économique précaire sont plus à risque de développer des maladies du cœur ou de subir un AVC que celles dont les revenus sont plus élevés, et les femmes gagnent moins que les hommes en moyenne. Les faibles revenus affectent également l’accès à l’éducation, à un logement adéquat, à une garderie, à une alimentation saine et aux soins de santé. « Le stress lié au fait de vivre sous le seuil de pauvreté, ou tout près de celui-ci, a une incidence énorme sur la santé des femmes », explique la Dre Inderveer Mahal, médecin de famille travaillant auprès de femmes dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver.
- L’origine ethnique peut influer sur les prédispositions génétiques à certaines maladies et à certains facteurs de risque. Les recherches montrent que les femmes d’origine sud-asiatique, afrocaribéenne, hispanique et chinoise d’Amérique du Nord présentent des facteurs de risque plus importants de maladies cardiovasculaires. Les barrières linguistiques et culturelles ainsi que le racisme institutionnel représentent aussi d’importants obstacles pour les personnes issues des communautés racisées qui veulent obtenir les soins auxquels elles ont droit.
- Les populations autochtones du pays sont plus susceptibles que la population générale de développer ou d’avoir une maladie cardiaque, ou encore de subir un AVC ou de vivre avec ses séquelles. Le taux de mortalité lié aux maladies du cœur et à l’AVC est également plus élevé chez certains groupes autochtones, en particulier chez les femmes et les jeunes. Le risque de diabète au cours de la vie et la prévalence de ce dernier sont plus élevés chez les Autochtones que chez la population générale du pays, surtout chez les femmes. Les Autochtones peuvent subir beaucoup de discrimination au sein du système de santé et sont donc moins enclins à chercher à se faire soigner. Le traumatisme intergénérationnel causé par le système de pensionnats du Canada continue d’affecter profondément la santé des populations autochtones.
- Les personnes vivant dans les régions nordiques, rurales et éloignées sont plus à risque de développer des maladies du cœur ou de subir un AVC, et elles sont plus susceptibles d’en mourir. Les défis en matière de soins comprennent l’accès limité aux ambulances et aux soins d’urgence, la prévention et le dépistage ainsi que le soutien au rétablissement. Les personnes doivent souvent parcourir de longues distances pour recevoir des soins, ce qui exige du temps et coûte cher.
- Les données probantes montrent de plus en plus clairement que les personnes de la communauté 2SLGBTQ+ font face en tant que groupe à davantage d’inégalités en matière de santé que les personnes cisgenres et hétérosexuelles, probablement en raison de divers facteurs. Jacqueline Gahagan, qui occupe un poste de vice-présidence de la recherche à l’Université Mount Saint Vincent, explique comment le « stress des minorités » a un effet négatif sur la santé cardiovasculaire des personnes des communautés 2SLGBTQ+. « Ce n’est pas que le cœur a une forme “gaie” et qu’il pompe le sang différemment. Il s’agit de la notion générale selon laquelle les personnes 2SLGBTQ+ vivent de la discrimination et du harcèlement, et reçoivent des menaces de violence de manière beaucoup plus fréquente que les personnes cisgenres et hétérosexuelles. »
- Les femmes handicapées présentent un risque plus élevé d’épisodes cardiaques indésirables, les patients âgés sont souvent exclus des essais cliniques et les personnes ayant un indice de masse corporelle élevé sont nettement plus susceptibles de déclarer vivre de la discrimination en matière de soins de santé.
« Pour améliorer la santé cardiaque et cérébrale des femmes, il faudra changer les politiques, les systèmes, les attitudes et les comportements. Un effort de collaboration considérable sera nécessaire pour éliminer les obstacles qui créent les inégalités, affirme Doug Roth, chef de la direction de Cœur + AVC. Cœur + AVC s’engage à travailler avec ses partenaires pour s’assurer que toutes les femmes au pays reçoivent les soins et le soutien dont elles ont besoin. »