Une loi sur l’avortement? Merci, mais non merci, Madame la Ministre
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Madame la Ministre responsable de la Condition féminine, nous n’avons pas toutes eu l’occasion de vous rencontrer, mais à la suite d’un article publié dans Le Devoir dans lequel vous affirmez avoir l’appui de « plusieurs groupes » dans votre démarche visant à légiférer pour protéger le droit à l’avortement au Québec, nous, les représentantes des groupes nationaux féministes et membres du Groupe des treize (G13), souhaitons vous faire part de notre position sur cette question.
Depuis 35 ans, le G13 est en première ligne pour mettre en oeuvre l’objectif que vous cherchez à atteindre, soit de « [protéger] les droits des femmes et le droit de choisir des femmes ». Nous sommes un espace de concertation et de mobilisation réunissant plus de vingt organismes et regroupements nationaux qui oeuvrent pour la défense des droits des femmes, des filles et des personnes de la communauté 2SLGBTQIA + à travers la province.
Si vous n’aviez pas annulé notre rencontre prévue avec vous cette semaine, vous sauriez que les nombreux groupes féministes qui composent le G13 s’opposent fermement à tout projet de loi sur l’avortement.
Nous joignons aujourd’hui nos voix à celles de l’écrasante majorité des groupes de femmes et des experts qui se sont prononcés récemment sur la question. Votre projet d’inscrire dans la loi une mention explicite de l’avortement témoigne d’une réelle déconnexion avec les revendications portées par les principaux groupes de femmes au Québec depuis des décennies.
Depuis deux mois, les groupes de défense de droits en santé sexuelle et reproductive vous font parvenir des documents, des avis d’experts et des lettres expliquant qu’une mention législative du droit à l’avortement serait contre-productive. En raison du partage des compétences entre le provincial et le fédéral, une telle intervention ne serait d’aucune utilité pour protéger les Québécoises et les Québécois contre une éventuelle attaque au droit à l’avortement.
Au contraire, elle ne pourrait qu’empirer la situation en fournissant aux groupes anti-choix une occasion de se mobiliser et en ouvrant la porte à d’éventuelles restrictions législatives. Il n’existe, au Canada, aucune restriction légale au droit à l’avortement. C’est une situation que nous célébrons et que les groupes féministes et les groupes de femmes veulent conserver.
Malgré ces explications, vous déclarez être « exactement à la même place que quand [vous avez] commencé ». Comment pouvez-vous protéger les droits des femmes si vous ne les écoutez pas ?
Nous espérons sincèrement que vous cherchez toujours « d’autres chemins plus forts qu’une loi » pour garantir le droit à l’avortement. Si vous souhaitez réellement garantir les droits des femmes sur cette question, nous vous enjoignons de vous pencher sur les problématiques d’accessibilité dans la province.
En effet, plusieurs obstacles empêchent toujours certaines femmes et personnes désirant mettre fin à une grossesse d’y avoir concrètement accès. Les régions de l’Outaouais, de la Capitale-Nationale, de Chaudière-Appalaches et le Nunavik ne détiennent qu’une seule ressource pour desservir leur population. Certaines cliniques requièrent quatre à six déplacements pour un avortement. Trop de cliniques ont des délais d’attente de trois à cinq semaines. Pour les personnes sans accès à la RAMQ, les soins en santé sexuelle et reproductive, tels que les avortements, mais aussi les dépistages des ITSS, les trousses médico-légales ainsi que les suivis de grossesse, sont inaccessibles, car les frais exorbitants limitent leur libre choix et leur autonomie corporelle.
Parmi des pistes d’actions concrètes que nous défendons : lutter contre la désinformation au sujet de l’avortement et garantir un financement adéquat et pérenne des groupes d’intervention pro-choix comme les S.O.S. Grossesse et Grossesse-Secours sont autant d’autres solutions que nous avons à vous proposer.
Le Québec dispose d’un mouvement féministe riche en expertise. Nous répondrons à l’appel lorsque vous serez prête à nous entendre.
*Le Groupe des 13 est formé des organisations suivantes :
Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale
Association féministe d’éducation et d’action sociale
Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine
Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail
Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec
Fédération des femmes du Québec
Fédération des maisons d’hébergement pour femmes
Fédération du Québec pour le planning des naissances
Femmes autochtones du Québec
L’R des centres de femmes du Québec
Mouvement pour l’autonomie dans l’enfantement
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale
Regroupement Naissances respectées
Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel
Relais-femmes
Réseau action des femmes handicapées du Canada
Réseau d’action pour l’égalité des femmes immigrées et racisées du Québec
Réseau des lesbiennes du Québec / Femmes de la diversité sexuelle
Réseau des Tables régionales de groupes de femmes du Québec
Réseau québécois d’action pour la santé des femmes
Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes