Nouvelle étude de l'Institut du Québec - Étudier, est-ce encore si payant?
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MONTRÉAL, le 29 août 2024 /CNW/ - Que l'on parle des difficultés des employeurs à recruter du personnel ou encore de la facilité pour les travailleurs à se trouver un emploi, les principales répercussions des pénuries de main-d'œuvre qui ont sévi au Québec entre 2017 et 2023 sont bien connues. Un autre contrecoup semble toutefois être passé plus inaperçu : leur possible impact sur la poursuite d'études postsecondaires. C'est ce que révèle une étude publiée aujourd'hui par l'Institut du Québec (IDQ).
Depuis toujours, il existe un avantage salarial à poursuivre des études : obtenir un diplôme - qu'il soit professionnel, collégial ou universitaire - assure généralement un salaire plus élevé. Cet avantage s'est cependant effrité au cours des années de pénuries. Ainsi, alors qu'en 2017, un diplômé universitaire âgé entre 40 et 49 ans gagnait au Québec 81 % de plus qu'un travailleur détenant un diplôme d'études secondaires ou moins, cet avantage ne s'élevait plus qu'à 60 % en 2023. Précisons ici que les quarantenaires constituent le parfait groupe de référence puisque leur carrière est déjà bien entamée.
Le salaire des emplois exigeant peu de scolarité a bondi
C'est surtout la hausse rapide des salaires pour les emplois exigeant peu ou pas d'études qui explique l'effritement de cet avantage salarial. Entre 2017 et 2023, le salaire ajusté pour l'inflation des travailleurs détenant un diplôme d'études secondaires ou moins s'est accru de 10 %, alors que celui des diplômés collégiaux ou professionnels (+4 %) et des diplômés universitaires (-3 %) a stagné, voire carrément diminué. La compétition s'est ainsi faite plus féroce : la demande pour des postes ne requérant aucune scolarité a bondi de 7 % au moment où le bassin de ces travailleurs diminuait de 3 %.
« Cette dynamique a eu du bon en valorisant des emplois moins scolarisés et en réduisant les inégalités salariales au Québec, soutient Emna Braham, PDG de l'IDQ et coautrice de l'étude. Elle pose toutefois un risque majeur : celui de décourager certains jeunes à compléter ou poursuivre leurs études alors que le Québec jongle déjà avec d'importants enjeux de décrochage. »
Plus inquiétant encore, la baisse de l'avantage salarial observée entre 2017 et 2023 chez les diplômés universitaires de 40-49 ans est plus marquée chez les hommes, passant de 81 % à 55 %, alors qu'ils sont déjà plus à risque de décrocher dès le secondaire. Cette diminution est en partie attribuable à l'augmentation de la demande dans certains secteurs requérant peu de scolarité, mais bien rémunérés, comme celui de la construction, où les hommes sont surreprésentés.
Gains immédiats mais risques à plus long terme
« Écourter sa scolarité pour intégrer le marché du travail comporte cependant des risques dont ceux de voir ses chances d'avancement et son salaire stagner beaucoup plus rapidement, précise Anthony Migneault, économiste principal à l'IDQ et coauteur de l'étude. Si l'avantage salarial entre les diplômés universitaires et les diplômés d'études secondaires ou moins ne s'élevait qu'à 25 % chez les 20-24 ans en 2023, il grimpait à 71 % chez les 45-49 ans. »
Autre facteur à prendre en considération : les fluctuations du marché de l'emploi. Déjà le vent a tourné au Québec : depuis 2023, la demande pour des travailleurs peu ou pas scolarisés a fléchi de 5 % avec le ralentissement économique et leur offre s'est accrue de 3 % avec l'arrivée massive de travailleurs temporaires, notamment dans les secteurs de l'hébergement, de la restauration et du manufacturier.
Pas de surplus de diplômés universitaires au Québec
Le nombre de travailleurs détenant un diplôme universitaire a fait un gain de 22 % au Québec entre 2017 et 2023. En parallèle, la demande pour de tels profils s'est accrue encore plus rapidement (24 %). Mieux encore, cette demande n'a pas diminué lors du ralentissement économique. C'est dire à quel point étudier vaut toujours le coup.
« Les bénéfices tant individuels que collectifs que procure l'éducation appellent donc à redoubler d'efforts pour réduire le décrochage scolaire, accroître le niveau de scolarisation et offrir des occasions de développement des compétences tout au long de la vie active », conclut Emna Braham.
PISTES DE RÉFLEXION :
Lutter contre le décrochage au secondaire, et ce… dès la petite enfance
Des mesures d'accompagnement dès la petite enfance permettent de stimuler les enfants venant de milieux moins favorisés, d'atténuer les difficultés scolaires qu'ils peuvent rencontrer et, de réduire ainsi les inégalités de parcours scolaires.
Encourager la poursuite d'études au-delà du secondaire
Bien que des incitatifs à l'emploi tels que les primes salariales puissent s'avérer efficaces pour pallier les pénuries de main-d'œuvre, le Québec doit éviter de compromettre son avenir en minant ses chances d'accroître la scolarité de sa population. Il faut donc continuer à prioriser l'accessibilité à l'éducation, renforcer les compétences essentielles dans les formations courtes pour favoriser l'employabilité durable, et miser sur une orientation professionnelle qui privilégie l'atteinte du plein potentiel des jeunes.
Éviter le décrochage lors des études postsecondaires
Attirés par des offres d'emploi attrayantes, bon nombre de jeunes pourraient abandonner leurs études postsecondaires, ce qui nuirait à leur carrière et aux retombées de l'investissement public. L'accompagnement des étudiants dès les premiers trimestres de leurs études postsecondaires semble une approche à adopter pour les garder motivés.
Permettre à davantage de Québécois de se former tout au long de leur vie active
Le Québec a un écosystème riche en développement des compétences, mais manque de soutien pour les travailleurs qui souhaitent suivre une formation continue autre que celles offertes par leur employeur. Un dispositif de soutien à la formation individuelle pourrait y remédier.