Hypersexualisation des jeunes filles : un phénomène social toujours préoccupant?

Résumé: 

Dans le cadre de la Journée internationale des femmes, le 8 mars 2012, le Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDEACF) a choisi de vous présenter la problématique de l’hypersexualisation des jeunes filles.

Dans le cadre de la Journée internationale des femmes, le 8 mars 2012, le Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine (CDEACF) a choisi de vous présenter un dossier spécial sur l’hypersexualisation des jeunes filles. En effet, ce phénomène de société est une question préoccupante qui mérite une plus grande attention afin de trouver des solutions adéquates.

Qu’est-ce que l’hypersexualisation?

L’hypersexualisation a surtout été étudiée au Québec, mais on constate une pluralité des définitions données par les spécialistes de la question. Donc, jusqu’à présent cette notion n’a pas une définition unique qui fait l’unanimité.

Pour résumer les différentes interprétations : «l'hypersexualisation consiste à donner un caractère sexuel à un comportement ou à un produit qui n'en a pas en soi. C'est un phénomène de société selon lequel de jeunes adolescentes et adolescents adoptent des attitudes et des comportements sexuels jugés trop précoces. Elle se caractérise par un usage excessif de stratégies axées sur le corps dans le but de séduire et apparaît comme un modèle de sexualité réducteur, diffusé par les industries à travers les médias, qui s'inspire des stéréotypes véhiculés par la pornographie : homme dominateur, femme-objet séductrice et soumise.». (Centre de recherche et d'information des organisations de consommateurs, 2011)

Ce phénomène est d’autant plus inquiétant car il influe beaucoup sur les différentes composantes de notre société. Ainsi, « on parle d’hypersexualisation de la société lorsque la surenchère à la sexualité envahit tous les aspects de notre quotidien et que les références à la sexualité deviennent omniprésentes dans l’espace public : à la télévision, à la radio, sur Internet, dans les cours offerts, les objets achetés, les attitudes et comportements de nos pairs. » (Poirier. L; Garon. J, 2009)

Selon les plusieurs auteurs, «l’hypersexualisation est  fondamentalement sexiste; il utilise habituellement le corps des femmes et des jeunes filles, quelquefois celui des hommes et des jeunes garçons. Il peut avoir des conséquences importantes, notamment sur nos manières de penser et d’agir, sur notre sexualité et au niveau des relations hommes-femmes.» (Poirier. L; Garon. J, 2009).

Elle présente des conséquences importantes sur notre société surtout auprès des jeunes filles et des femmes. Ces conséquences touchent aussi de plus en plus, les jeunes garçons.

Quelles sont les conséquences sur la société?

Malgré l’importance des acquis en matière d’égalité femmes-hommes, l’hypersexualisation les remet en cause. En effet, elle conditionne beaucoup l’image véhiculée dans les médias sur les filles et les femmes et accentue les inégalités dans les rapports entre les femmes et les hommes.

D’après les résultats de recherche de plusieurs auteur-es, chercheur-es (Descarries. F, 2010,  Duquet. F et al 2010, Julien. M, 2010, Poirier. L; Garon. J, 2009) et organismes qui travaillent sur cette question, dont le Regroupement des CALACS, le Y des femmes, le Réseau québécois d'action pour la santé des femmes (RQASF), etc, les conséquences de l’hypersexualisation peuvent être résumées par les points suivants :

  • L'hypersexualisation est un phénomène préoccupant « qui contribue aux agressions sexuelles et à la violence faite aux femmes. En effet, un nombre grandissant de magazines, vidéos, calendriers, jouets, vedettes de la chanson, sites Internet pornographiques et publicités de toutes sortes accentuent quotidiennement le message que le corps des filles et des femmes peut être utilisé, exploité, vendu, agressé. » (Poirier. L; Garon.J, 2009, RCALACS).
  • Les impacts de la mode sexualisée : « Aucune génération ne semble épargnée par les diktats de la mode sexy, pas même les bébés! Depuis quelques années, on trouve des vêtements pour bambins portant des inscriptions qui font référence au sexe. La forte pression médiatique exercée sur les jeunes filles par les images qui réduisent une personne à son attrait sexuel. Et les conséquences se répercutent sur l’ensemble de la société : « En adoptant cette mode, les adolescentes ont “rajeuni” la norme. Ça influence les femmes de tous âges. » Toutes sont fragilisées par la mode sexy qui dévoile et moule leur anatomie. » (Julien. M ; Maher. I, 2010 – Gazette des femmes)
  • La sexualisation précoce « est lorsque des enfants développent des attitudes et des comportements sexués ne correspondant pas à leur stade de développement psychologique et sexuel. Cette sexualisation précoce est l’une des conséquences de l’hypersexualisation de la société. Puisque les enfants apprennent du monde des adultes, ceux-ci sont particulièrement vulnérables face aux compagnies de marketing qui les visent spécifiquement. Or les modèles et les produits qu’on leur propose sont très sexualisés, tels poupées, vêtements, jeux, dessins animés et télé-réalités diffusées aux heures de grande écoute.» (Poirier. L; Garon. J, 2009, RCALACS).
  • « Les jeunes filles ainsi que les adolescentes subissent quotidiennement les pressions des médias et de leur entourage. Le message qui leur est transmis est clair : elles doivent être belles, sexy et disponibles sexuellement. Plusieurs sont ainsi amenées à croire que leur seul pouvoir réside dans leur apparence, et elles feront des efforts quotidiens pour accéder à ce modèle de femme physiquement parfaite et sexy. En misant sur le paraître, les jeunes filles deviennent dépendantes de l’appréciation des autres et, par le fait même, fort vulnérables avec des conséquences néfastes sur leur santé mentale. » (Poirier. L; Garon. J, 2009, RCALACS).
  • « Cette survalorisation de l’apparence et de la séduction comme mode de rapport à l’autre comporte aussi des risques pour la santé physique des jeunes filles dont les troubles alimentaires, l’utilisation récurrente de régimes amaigrissants dès le plus jeune âge, la consommation de drogue et d’alcool, le tabagisme, le recours aux chirurgies esthétiques, les relations sexuelles.Selon des études, même si les filles sont meilleures dans plusieurs domaines, leur estime de soi serait plus faible que celle des garçons.» (Poirier. L; Garon. J, 2009, RCALACS).

Quelles sont  les actions à mener pour lutter contre l’hypersexualisation ?

Les impacts de l’hypersexualisation sur le comportement et la vie affective des jeunes filles et des femmes, doivent inciter notre société à trouver des solutions pour mieux lutter contre ce phénomène. Plusieurs spécialistes, chercheur-es, intervenant-es, organismes qui s’intéressent à la question de l’hypersexualisation, ont proposé des actions ou des solutions pour prévenir et lutter contre ce phénomène :

  • Faire de la sensibilisation auprès de la société et surtout des jeunes sur les impacts de l’hypersexualisation. En effet, le Y des femmes a produit plusieurs outils qui peuvent servir à cette sensibilisation (http://www.ydesfemmesmtl.org/Fr/Jeunes_et_sexualisation.html). D’autres outils didactiques développés par plusieurs organismes et chercheurs, par exemple ceux du projet Outiller les jeunes face à l’hypersexualisation : Osez…être soi-même (F. Duquet et Al, 2010), peuvent servir dans cette sensibilisation.
  • Utilisation des vidéos en ligne et des médias sociaux, qui analysent le phénomène et préconisent des solutions. Ces vidéos peuvent servir grandement la sensibilisation et attirer davantage l’attention de notre société sur les conséquences néfastes du phénomène auprès des jeunes filles et des femmes. Les médias sociaux sont actuellement un des principaux outils de communication des jeunes, donc un excellent moyen pour les rejoindre.

Exemples de vidéos :
Sexy inc. Nos enfants sous influence - Bissonette. S, ONF

Publicité contre l'hypersexualisation -2007

  • « Discuter avec notre entourage de la question de l’hypersexualisation, les sensibiliser aux messages communiqués dans les vidéos, la musique, les magazines, la publicité, les télé-réalités, les concours des plus belles filles, etc. Éviter les produits sexistes ou faisant la promotion de l’hypersexualisation. Éviter aussi les produits publicisés par ce type de moyen .» (Poirier. L; Garon. J, 2009)
  • Le Conseil du statut de la femme recommande au gouvernement « d’intensifier la lutte aux stéréotypes sexuels et sexistes. Les mesures du plan d’action et de la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes visant la promotion de modèles et de comportements égalitaires au regard de la sexualité et des rapports sexuels doivent être renforcées. Le Conseil recommande à la ministre de la Condition féminine d’organiser des rencontres annuelles pour sensibiliser le milieu de la publicité au Québec aux effets des stéréotypes sexuels.» (Plamondon.G et al, Conseil du statut de la femme, 2008). Ces recommandations peuvent servir aussi dans le reste du Canada pour lutter contre l’hypersexualisation.
  • Développer un esprit critique face aux messages et publicités diffusés par les médias : « il faut aider femmes et hommes, jeunes et moins jeunes à développer un esprit critique face aux messages transmis afin de leur permettre de résister et de saisir l’impact de ces représentations réductrices sur leurs propres imaginaires et comportements. À défaut d’une loi et au-delà des indispensables actions concertées et collectives, la résistance au quotidien de chacun et de chacune est plus que nécessaire. Pour reprendre le slogan proposé par  l’association  étudiante française Les Sciences Potiches se rebellent nous savons ce qui nous reste à faire. [Sensibiliser notre entourage], boycotter, manifester, refuser! » (Descarries. F, 2009, Y des femmes, 2009).

Conclusion

L’hypersexualisation demeure un enjeu de société préoccupant et contribue fortement aux inégalités dans les rapports sociaux de genre. Ces impacts influencent beaucoup le comportement des jeunes filles mais aussi des jeunes garçons dans notre société. Elles conduisent souvent à des dérives incontrôlables (pornographie juvénile, manque d’estime de soi auprès des jeunes filles, harcèlement et violence sexuelle, affectation de la santé mentale et physique, etc). Donc, il est nécessaire d’attirer l’attention des différentes composantes de notre société sur les conséquences néfastes de ce phénomène et sur les moyens et actions à mettre en œuvre pour y remédier.

La Journée internationale des femmes (8 mars), nous paraissait être une bonne occasion pour sensibiliser l’opinion publique sur l’hypersexualisation des jeunes filles.

Références bibliographiques

Liens utiles