Résumé:
Ce dossier spécial présente un aperçu des enjeux liés à l’accessibilité et la compréhension des informations en santé mentale, principalement auprès des personnes ayant un faible niveau de littératie.
Dans notre précédent dossier sur la littératie en santé, nous avions appris que « plus de deux tiers des Québécois et des Québécoises n’ont pas un niveau suffisant de compétences en littératie en santé pour pouvoir bien gérer leur santé ». Mais qu’en est-il du côté de la santé mentale, dont la prise en charge semble encore moins accessible que celle de la santé physique?
Éléments de définition
- Littératie : la littératie désigne la « capacité d'une personne à lire et à comprendre un texte, lui permettant de maîtriser suffisamment l'information écrite pour être fonctionnelle en société » (OQLF 2018)
- Alpha de la Matanie rappelle que la littératie se décompose en six niveaux : (0) Lire et comprendre les mots simples et familiers (1) Lire et comprendre des phrases simples (2) Lire et comprendre des textes simples, clairs, correspondant à des tâches peu complexes (3) Capacité de comprendre et d’interpréter des textes denses ou longs (4 & 5) À ces niveaux, une personne peut traiter de l’information complexe et exigeante.
- Littératie en santé mentale : la littératie en santé mentale désigne le fait de « (1) comprendre comment obtenir et maintenir la santé mentale positive (2) comprendre les troubles psychiques et leurs traitements (3) diminuer la stigmatisation concernant les troubles psychiques et (4) savoir quand et où trouver de l’aide et développer des compétences conçues pour améliorer ses soins de santé mentale et ses capacités d’auto-assistance » (Kutcher et collègues 2002)
- Santé mentale : la santé mentale renvoie à « la façon de se sentir, de penser, d’agir et d’interagir avec le monde environnant » et « vise la réalisation de notre potentiel, la résolution des tensions normales de la vie et la contribution à notre communauté » (Association canadienne pour la santé mentale)
Les compétences en littératie au Québec
Selon le Rapport québécois du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes, la majorité de la population québécoise se situait en 2012 en dessous du niveau 3. Le score moyen en littératie au Québec était de 268,6 sur une échelle de 0 à 500, il était donc inférieur à celui du Canada, mais également à la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Comme nous le mentionnions dans notre dossier sur la littératie en santé : « l’enquête sur la littératie en santé de l’EIACA montrait qu’au Québec, "près de deux tiers des personnes de 16 ans et plus (66%) présentent des niveaux de compétences inférieurs au niveau 3 […]. En outre, la quasi-totalité des personnes de 66 ans et plus (95%) n’atteignent pas le [niveau 3]" (Zoom Santé n°35, 2012). » Il nous semble alors raisonnable d’estimer que la situation est similaire, si ce n’est plus alarmante, concernant la santé mentale. Ceci étant, Fortin et ses collègues soulignent qu’un « manque de données est rapporté au Québec, sur la capacité des personnes présentant des troubles mentaux à accéder, à comprendre et à utiliser l’information relative à la santé ». Autrement dit, on ignore si les personnes en ayant le plus besoin peuvent accéder à l’information pertinente.
La santé mentale au Canada et au Québec
Statistique Canada nous apprend qu’en 2022, plus de 5 millions de personnes au Canada présentaient un trouble de santé mentale. La prévalence des troubles de l'humeur et des troubles d'anxiété a fortement augmenté, principalement chez les jeunes femmes – la prévalence d’un épisode dépressif majeur a doublé chez les jeunes femmes et celle des troubles d’anxiété généralisée a triplé. Si la pandémie de COVID-19 a joué un rôle majeur dans la détérioration de la santé mentale, celle-ci avait tout de même commencé avant.
Il est important de noter que la prévalence des troubles de santé mentale est moins élevée chez les personnes racisées. Statistique Canada émet l’hypothèse selon laquelle les variations seraient « liées aux différences socioculturelles quant à la volonté de signaler les symptômes d'une maladie mentale, ou pourraient être en lien avec la stigmatisation associée à la maladie mentale ». En revanche, les personnes de la diversité sexuelle et de la pluralité des genres présentent un risque plus élevé d’avoir une santé mentale plus fragile.
Les impacts du niveau de littératie sur la santé mentale
Selon l'organisme Littératie Ensemble, différentes études estiment que « les compétences en littératie contribuent de façon importante au maintien d’une meilleure santé mentale chez les individus et les communautés ». Cela s’expliquerait par une pluralité de facteurs.
D’abord, les compétences en littératie permettent le développement de meilleures aptitudes sociales, facilitant à leur tour la capacité d’adaptation et l’épanouissement des individus. Ensuite, de faibles compétences en littératie impliquent de la difficulté à comprendre l’information médicale relative à la santé mentale, ce qui complexifie le recours aux soins mais également le suivi médical lui-même. Enfin, on peut faire l’hypothèse que les personnes ayant un faible niveau de littératie sont plus susceptibles de vivre du stress économique lié à la précarité ainsi que d’éprouver un sentiment d’isolement.
L’intrication de la littératie et de la santé mentale a toutefois un impact différencié en fonction des groupes sociaux. Les jeunes, les personnes vivant en régions plus éloignées, les personnes neurodivergentes, les nouveaux et nouvelles arrivantes non francophones, les personnes réfugiées (et notamment les femmes réfugiées) vont être encore plus rudement affectées.
Des exemples de projets menés ici et ailleurs
Il existe aujourd’hui plusieurs programmes pour développer la littératie en santé mentale auprès des enfants et des jeunes. Par exemple, le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique propose une grande diversité de ressources éducatives pour enseigner la littératie en santé mentale aux très jeunes enfants et aux enfants de 7 à 12 ans. De même, Alberta Health Services offre des formations au personnel en milieu scolaire. Au Québec, la Fondation Jeunes en tête propose une trousse d’outils et d’exercices pour les jeunes, une trousse pour les familles des jeunes et une trousse pour les écoles. Cette même fondation propose également des “ateliers solidaires pour la santé mentale”.
En revanche, il existe assez peu de ressources pour les adultes. Un véritable effort politique doit être fait en ce sens. Voici cependant quelques initiatives notables :
« L’objectif du projet est de promouvoir et de favoriser la littératie en santé mentale en renforçant la sensibilisation à la santé mentale, en réduisant la stigmatisation associée à la santé mentale, en favorisant des cultures sécuritaires et solidaires ainsi qu’en responsabilisant et en soutenant les populations des [communautés de langue officielle en situation minoritaire] au Québec. »
« En 2023, avec l’appui de la chercheure Isabelle Jacques, le comité Pratiques du Regroupement a développé ce jeu questionnaire visant à réfléchir et partager autour de la place qu’a le diagnostic en santé mentale dans nos vies. »
« Pour mieux composer avec l’anxiété.
Pour mieux comprendre ce que l’on vit.
Des stratégies tirées de l’approche cognitive comportementale à utiliser selon vos besoins.
Des ressources qui peuvent vous procurer du soutien. »
« Pour développer ma vision critique, j’ai besoin d’informations. C’est à ce moment-là que ma démarche commence : elle va me permettre de me forger un avis sur les médicaments en santé mentale en ne tenant rien pour acquis. Je vais peser le pour et le contre, me renseigner, garder l’esprit ouvert et décider. »
« Une personne que vous aimez vit des défis liés à sa santé mentale? Rejoignez notre plateforme en ligne gratuite pour accéder à des formations animées par des professionnelles de la santé et enrichies de multiples savoirs, dont ceux des familles elles-mêmes. Participez à nos Tables rondes et connectez avec d'autres personnes partageant des défis similaires. »