Les TIC au service de l'action politique

Femmes et PoliTIC : Faits saillants au Québec
 
En février 2002, nous avons rencontré des femmes de 8 régions du Québec sur le thème de l'usage d'Internet dans les groupes. Ces femmes venaient des tables régionales et des regroupements provinciaux, femmes de milieux urbains et ruraux pour échanger sur l'accès à Internet, les usages qu'elles font d'Internet dans leurs groupes et auprès des membres de ceux-ci, et pour chercher ensemble des stratégies pour mieux exploiter le potentiel d'Internet comme outil au service de l'action politique.
 
Ce rapport donne les faits saillants de cette rencontre.
 
Groupe de discussion sur les usages d'Internet dans les groupes de femmes: Faits saillants, par Florence Millerand, Février 2002.
Atelier Femmes et PoliTIC, CDEACF

Table des matières

Présentation
Note méthodologique
1. L'accès

2. Les usages en place

3. L'usage politique d'Internet

Présentation

Ce document présente les faits saillants des échanges qui ont eu lieu au sein du groupe de discussion qui s’est tenu le 8 février 2002 sur le thème des usages d’Internet dans les groupes de femmes.

Cette rencontre organisée par le CDEACF dans le cadre de la journée "Femmes et PoliTIC" a réuni 19 personnes au total : 14 participantes provenant de 8 régions différentes, une animatrice et 4 observatrices.

Cette rencontre avait pour objectif la mise en commun des expériences des groupes de femmes en matière d’usages d'Internet – en particulier en ce qui concerne les usages “ politiques ” d’Internet, par le biais de l’échange et de la discussion autour de témoignages et de points de vue.

Trois thèmes principaux ont été abordés :

  • L’accès : Où en sommes-nous ?
  • Les usages en place : Comment Internet est-il utilisé dans les groupes ?
  • L’usage politique d’Internet : Comment faire un usage politique d’Internet ?

En plus de fournir des informations sur les usages effectifs d’Internet au sein des groupes, les discussions ont permis l’échange d’information pertinente en ce qui concerne les problèmes et les obstacles rencontrés ainsi que des pistes de solution à mettre en œuvre pour favoriser le développement de l’utilisation du courrier électronique, des listes de discussion, du site Web, etc., au sein des groupes.

Note méthodologique :

L’objectif de ce groupe de discussion sur les usages d’Internet dans les groupes de femmes était de réunir des participantes avec des profils différents afin d’obtenir le plus large éventail possible de témoignages et de points de vue. En ce sens, le groupe de participantes n’est pas représentatif proportionnellement de l’ensemble des groupes de femmes au pays, et les informations recueillies dans le cadre de cette discussion ne sont pas généralisables.

1. L’accès à Internet dans les groupes de femmes

  1. Où en sommes-nous ?

Il reste du travail à faire…

  • Sur les 14 groupes représentés par les participantes, tous sont connectés à Internet. Cependant, la situation est loin d’être la même à l’échelle provinciale où seulement 54 % des groupes de femmes sont connectés à Internet selon l’enquête de l’organisme Communautique effectuée en 2001.
  • La moitié des groupes représentés dispose d’un site Web et un quart d’entre eux de listes de discussion. Nous n’avons pas de données statistiques à l’échelle provinciale, mais il est certain que ces proportions sont nettement supérieures à celles de la situation provinciale.

Les non-branchés réussiront-ils à rattraper les super-branchés ?

  • Le risque d’une fracture numérique apparu dès les premières années du développement d’Internet entre les “ branchés ” et les “ non-branchés ” semble toucher précisément les groupes de femmes. En effet, si les groupes de femmes sont parmi les moins nombreux à être connectés à Internet au sein de l’ensemble des groupes communautaires (54 % contre 63 % tous secteurs confondus), les groupes de femmes branchés sont en revanche dans le peloton de tête parmi les groupes qui ont développé un site Web.

1.2 Quels sont les obstacles à l’accès ?

Un seul ordinateur connecté par groupe, ça ne suffit pas !

  • Le manque d’ordinateurs – performants ET en nombre suffisant – reste l’obstacle numéro 1 pour les groupes.

Une question d’attitude individuelle ?

  • Les attitudes personnelles vis-à-vis d’Internet ou de l’informatique en général peuvent jouer un rôle important au sein des groupes, premièrement sur le plan de la motivation à se brancher et deuxièmement pour développer des usages.

Investir dans Internet, oui, mais pour quelles retombées ?

  • L’achat d’équipement, les coûts de branchement, le temps nécessaire à la formation, etc., représentent des investissements importants que tous les groupes ne sont pas prêts à fournir. De plus, si les bénéfices escomptés sont évidents pour certains groupes, ils semblent plus difficiles à cerner pour d’autres.

Le manque d’information

  • Certains groupes se sentent démunis, mal informés en regard d’Internet, souvent par manque de soutien ou de conseils. Lorsqu’ils pensent à se connecter, ils ont le sentiment d’être déjà en retard. Comment rattraper les autres ?

1.3 Quelles sont les pistes de solution ?

Des achats groupés ?

  • Des achats groupés permettraient de négocier des tarifs intéressants. Reste la question du service après vente : un groupe en Gaspésie devra-t-il faire affaire avec un technicien de Toronto en cas de problème ?

Pour un autre programme «Volnet»

  • Il reste des groupes à brancher. Une solution pourrait être de faire pression pour la création d’un autre programme Volnet.

Un contenu “ incitatif ”

  • “ Internet reste un outil, pas une fin en soi ! ” La mise à la disposition de contenus intéressants et pertinents pour les groupes constitue un facteur d’attraction essentiel.

L’expérience des autres

  • Pouvoir bénéficier de l’expérience et du conseil d’autres groupes “ qui sont déjà passés par là ” et de personnes “ qui s’y connaissent ” permettrait d’éviter bien des embûches.

Aller chercher les ressources

  • “ À tenter de vouloir tout connaître, on perd beaucoup de temps. Mieux vaut prendre du temps pour aller chercher les bonnes ressources ! ”. Mais ces ressources ne sont pas toujours à proximité, ni disponibles gratuitement…

2. Les usages en place

2.1 Comment Internet est-il utilisé dans les groupes ?

Le courriel : l’usage n°1

  • Le courrier électronique est la première utilisation d’Internet en importance dans les groupes (qui naviguent peu sur le Web en comparaison).
  • Selon les participantes, l’usage du courrier électronique constitue un progrès essentiel pour les groupes de femmes grâce à sa rapidité, son côté pratique et son faible coût – notamment pour les groupes en région qui ont vu diminuer la fréquence de leurs appels conférence.
  • Cependant, l’usage du courriel est plus ou moins développé selon les groupes. Chez certains, les communications avec les groupes (ou avec les membres) se font systématiquement par courriel (par listes d’envoi), de même que la coordination des activités, la promotion d’événements, etc. Pour d’autres, le fait que tous ne soient pas branchés limite d’emblée les possibilités d’usage.

Le site Web

  • Les groupes ne sont pas tous au même stade de développement : certains songent à la création d’un site tandis que d’autres cherchent à rendre le leur (créé depuis plusieurs années) plus dynamique.

2.2 Quels sont les obstacles à l’usage ?

Le manque de ressources financières et humaines

  • Une fois l’accès à Internet, reste à en développer des usages. Dans certains groupes, le manque de ressources financières ne permet pas d’aller au-delà du branchement. Les intentions et les projets pour mieux exploiter les possibilités des TIC sont là (exemples : développer l’utilisation du courriel, créer un site Web, etc.), mais les ressources matérielles et humaines font défaut.

Le manque de soutien technique

  • Avec les premières utilisations, viennent les premiers problèmes et les premières pannes. Pour les groupes qui ne bénéficient pas d’un soutien technique de “ première ligne ”, ces problèmes de départ peuvent constituer un élément de découragement et de frustration important.

Des usages dédoublés

  • Dans les groupes dont les correspondants ne sont pas tous branchés, le passage au courriel peut apporter une surcharge de travail dans la mesure où un envoi par courriel doit être nécessairement doublé d’un envoi par télécopieur ou par la poste. Dans d’autres cas, la peur des virus, les problèmes de compatibilité pour d’échange des documents en pièce jointe, ou encore le fait que les messages ne soient pas lus régulièrement empêchent un usage plus systématique du courrier électronique.

Le manque de temps

  • Se former à l’utilisation du courrier électronique, choisir de se former au HTML pour être capable de mettre à jour le site Web, mettre en place de nouvelles façons de travailler (gérer les messages électroniques, animer le site Web, etc.), tout cela requiert du temps – surtout quand l’apprentissage se fait “ sur le tas ”. Or d’une part, on a tendance à largement sous-estimer le temps nécessaire à ces activités et d’autre part, ces activités sont souvent rajoutées à celles déjà en place.

La crainte d’être débordé

  • Les réticences de certains groupes par rapport au fait de se doter d’un site Web ou de développer l’usage du courriel prviennent souvent de la peur d’être débordé face à un afflux de demandes ou d’informations à gérer. Comment gérer de nouvelles demandes quand on a du mal à faire face à celles existantes ?

Le manque d’information, de formation ou de planification

  • “ En voulant économiser, on y va morceaux par morceaux et on fait des erreurs. Résultat, on se retrouve avec de gros problèmes et… beaucoup de frustration… ”. Certains groupes ont le sentiment de “ naviguer à vue ”, par manque d’information, de formation ou de planification. Par conséquent, les choix effectués ne sont pas toujours les meilleurs et le temps économisé s’avère au bout du compte une perte.

Les attitudes : “ techno ” versus “ non-techno ”

  • Selon les groupes, voire au sein même des groupes, le clivage entre les personnes plus enclines à utiliser les TIC et les autres apparaît. “ Attention à ne pas oublier les non-techno lors de la mise en place de nouvelles façons de fonctionner ! ”.

2.2 Quelles sont les pistes de solutions ?

Financer la création d’un site Web et réduire les coûts d’hébergement

  • Dans le cas où la formation d’une travailleuse à l’interne pour créer un site Web est irréalisable, il est possible de faire appel à des ressources ponctuelles, grâce à des programmes gouvernementaux comme Placement carrière été qui permet d’engager une personne pendant une courte durée.
  • Se doter d’un site Web implique des coûts pour le créer et le mettre à jour mais aussi pour l’héberger sur un serveur. Une façon de réduire ces coûts d’hébergement consiste à héberger plusieurs groupes sous un même nom.

La formation, l’auto-formation

  • Penser à des stratégies de formation au sein des groupes par les personnes plus compétentes, réserver le temps nécessaire à ces formations, et ne pas espérer tout connaître en un jour, voici quelques directives que certains groupes ont appliquées et qui semblent fonctionner.

Le partage des connaissances

  • Une façon de contribuer au partage des connaissances entre les groupes consisterait à faire circuler les documents produits par les groupes (notes d’information sur les virus, fiches de formation, fiches techniques, etc.). Ainsi, l’expérience de celles qui sont déjà passées par la création de listes de discussion par exemple pourrait servir aux autres. Concrètement, on pourrait déposer ces documents sur un site Web pour les mettre à disposition de tous ou les faire circuler via une liste de discussion.

Accepter de perdre du temps pour en gagner

  • Accepter que se former à Internet prend du temps ; accepter que développer un site Web – et l’entretenir – prend du temps aussi. Utiliser Internet, c’est aussi accepter d’être en formation constante et que tout ne peut pas se faire en un jour. Et forcément, ça brise de temps en temps…

Attribuer les ressources humaines nécessaires

  • La répartition des tâches au niveau des ressources humaines peut poser problème : vaut-il mieux répartir ces tâches entre plusieurs personnes ou au contraire les concerntrer dans un seul poste au risque de se trouver en difficulté si la personne est absente ?

Informer pour faire changer les attitudes

  • “ Tu as peur des virus, mais fonctionnerais-tu en maison d’hébergement sans assurance ? Les anti-virus, c’est comme les assurances, et c’est moins cher ! ”. Une meilleure information permettrait de contrer les idées fausses ou les craintes, par rapport aux virus notamment, qui ralentissent le développement des usages.
  • Pour certaines participantes, un usage efficace de ces nouveaux outils de communication implique un changement dans nos façons de penser, il faut s’attendre à ce que les pratiques actuelles se transforment et il faut réfléchir à de nouvelles méthodes de travail.

3. L’usage politique d’Internet 

3.1 Quels sont les usages politiques d’Internet dans les groupes ?

Des usages en définition

  • Tous les groupes ne sont pas au même stade : pour certains il s’agit d’aider leurs groupes affiliés à se brancher, pour d’autres il s’agit de créer un site Web, pour d’autres encore il s’agit de créer des forums interactifs !
  • Concernant les usages “ politiques ” d’Internet, qui consistent à utiliser Internet dans une optique de sensibilisation ou de mobilisation, ils sont encore en définition dans la plupart des groupes de femmes, même si quelques groupes sont déjà très actifs en la matière. Ceux-ci ont développé des stratégies efficaces qui permettent de faire d’Internet un outil politique à part entière.

3.2 Comment faire d’Internet un outil politique ?

Se doter d’un site Web dynamique… tout en le gardant accessible techniquement

  • Changer – idéalement toutes les semaines – la “ une ” du site. Un site statique n’incite pas les visiteurs à venir le consulter de nouveau. Il n’est pas nécessaire de produire constamment de nouveaux textes. L’objectif est de réutiliser ce qui est produit par ailleurs, on peut reprendre le premier texte du bulletin de liaison par exemple.
  • Attention à maintenir le site accessible, même par une connexion lente. Faire un site Web qui ne sera accessible que par ceux et celles qui sont équipés d’ordinateurs récents ne permettra pas de rejoindre tout le monde.
  • Utiliser le site comme support promotionnel pour annoncer systématiquement les événements pertinents, et faire des liens avec d’autres sites pertinents.
  • Développer des outils d’action en ligne, par exemple la possibilité de signer une pétition en ligne.

Exploiter le potentiel de “ réseautage ” du courrier électronique

  • En plus de faciliter la coordination des activités au sein des groupes, le courrier électronique constitue un moyen efficace de “ réseautage ”, en particulier grâce aux listes de distribution (ou listes d’envoi) et aux listes de discussion.
  • Les listes de distribution permettent de réaliser facilement et surtout très rapidement des envois massifs d’information. Elles sont très utiles pour faire circuler rapidement de l’information (par exemple entre les groupes affiliés) ou pour lancer des appels qui requièrent une action urgente.
  • En plus d’assurer les mêmes fonctions que les listes de distribution, les listes de discussion permettent la discussion sur des sujets ou des débats communs aux abonnées. Elles peuvent constituer une source d’information essentielle pour certains groupes. Toutefois, leur réussite n’est pas garantie et il arrive que les discussions ne se développent pas.
  • Plus simplement, le courrier électronique peut permettre de maintenir un réseau actif, par exemple en émettant régulièrement un bulletin de nouvelles auprès de ses groupes (ou membres) – du moins ceux qui sont branchés. Par ailleurs, l’utilisation efficace de la signature peut aider à la promotion d’un événement ponctuel. Il suffit simplement de personnaliser sa signature pour l’occasion.