Alphabétiser 30.000 femmes d'ici à 2005 pour combattre leur exploitation
CONAKRY, 11 sept (IPS) - Les autorites de la Guinee promettent
d'accelerer l'education du monde feminin pour combattre l'excision, la
prostitution et l'exploitation des femmes qui representent 52 pour cent
de la population dans ce pays d'Afrique de l'ouest.
La Journee nationale de la femme guineenne, organisee le 27 aout de
chaque annee, a ete une occasion pour les autorites de lancer un plan
d'alphabetisation sur trois ans. Ce plan doit permettre a plus 30.000
Guineennes d'avoir acces au savoir. Un Programme cadre genre et
developpement (PCGED) a ete mis sur pied.
Le cout du programme n'a pas ete precise, mais ils sera conjointement
finance par le gouvernement et le Programme des Nations Unies pour le
developpement (PNUD). Quelque 2.000 volontaires ont ete mobilises pour
ce travail.
Selon la ministre de la Promotion feminine, des Affaires sociales et de
l'Enfance, Hadja Mariama Aribot, qui l'a explique a la presse locale,
''l'une des composantes du PCGED concerne la promotion culturelle, la
promotion de l'alphabetisation et la promotion professionnelle des
femmes''.
Plusieurs femmes font en effet l'objet de discrimination en Guinee. La
plupart d'entre elles ignorent totalement leurs droits elementaires,
tout simplement parce qu'elles ne savent ni lire ni ecrire. ''C'est pour
pouvoir donner un coup de pouce a cette promotion culturelle que cette
annee, nous avons choisi comme theme 'la lutte contre la pauvrete a
travers l'alphabetisation des femmes''', a declare Aribot.
Mais Aissatou Diallo, employee dans une societe de transit, estime que
''c'est bien beau de faire des plans et autres projets, mais le plus
important est leur realisation effective et leur suivi sur le terrain.
Combien de programmes ont echoue ici a cause du laxisme et de la
mauvaise gestion de nos dirigeants?''
Pour Kadiatou Bobo Diallo Bah, teinturiere, alphabetisee, ''il est
necessaire pour une femme de savoir au moins lire et ecrire. Autrement,
comme dans mon metier, on sent une nette difference au niveau des
contacts
et des relations. Nous ne devons pas rester le a ne rien faire parce
qu'il n'y a pas de sot metier''.
Sano Mmah Keita, evoluant dans le secteur du textile, egalement
alphabetisee, partage l'avis de Bah. Toutes les deux ont beneficie du
programme d'initiation a l'Internet qui a reuni au total une soixantaine
de
femmes ayant un niveau minimum en francais.
Pour Oumar Diop, administrateur de musee et implique dans le programme,
''soixante autres femmes ont ete choisies pour etre alphabetisees en
Sosso, Malinke, Peulh, et dans des dialectes de la Guinee forestiere.
Tout comme celles qui ont suivi les cours d'initiation a l'Internet,
elles doivent recevoir leurs attestations...''.
Selon Diop, ''Certaines d'entre elles avaient les adresses e-mail de
leurs enfants ou leurs proches a l'exterieur sans savoir comment les
utiliser''.
Mais Bah, une des stagiaires, affirme : ''La formation d'Internet nous a
ete tres benefique dans la mesure ou elle nous a permis de renouer le
contact avec nos proches qui sont a l'exterieur. Sans compter qu'au
niveau
des contacts, elle nous a ouvert beaucoup de portes et de debouches'',
notamment pour les femmes qui sont dans l'artisanat et le textile.
Sur une population de 8 millions d'habitants, la Guinee compte plus de
62 pour cent d'analphabetes dont les femmes constituent pres de 80 pour
cent. Ces chiffres globaux masquent des disparites au niveau des quatre
regions naturelles de la Guinee.
Si le taux d'analphabetisme feminin le plus faible (76 pour cent) est
enregistre dans l'ensemble de la Basse Guinee - a Conakry, il est de 73
pour cent -, il atteint 87 pour cent en Haute Guinee, region consideree
comme la plus pauvre du pays, malgre ses enormes ressources en or et
diamants.
Dans la Guinee forestiere, consideree comme la ''plus riche'' avant les
attaques rebelles de 2000 qui ont ravage de grandes villes commerciales
comme Gueckedou, le taux d'analphabetisme des femmes est de 78 pour
cent, contre 86 pour cent en Moyenne Guinee.
''Les difficultes de ce pays proviennent essentiellement de l'epoque du
president Sekou Toure qui a devalue l'enseignement (en francais) en
imposant des dialectes locaux. Ainsi, en Moyenne Guinee, on etudiait le
Peulh; en Haute Guinee, le Malinke; en Basse Guinee, le Sosso; et en
Guinee forestiere, on avait le choix entre le Kissi et plusieurs autres
dialectes. Ce systeme a rabaisse le niveau general et rendu la situation
plus difficile a redresser'', a affirme a IPS Adamson Camara,
veterinaire.
En 1958, Sekou Toure avait revendique l'independance immediate en
rompant tous les liens avec l'ancienne puissance coloniale, la France
qui, en represailles, avait retire a la Guinee tous ses enseignants et
la
cooperation technique.
Depuis l'avenement d'un nouveau regime, l'Etat guineen a investi, en 19
ans, d'importantes sommes pour ramener le taux d'analphabetisme a un
niveau acceptable. Ainsi, le taux de scolarisation des jeunes filles,
qui etait de 28 pour cent en 1989, a atteint 47 pour cent en 2000, selon
les dernieres statistiques officielles.
Cependant, plusieurs ecoles construites a grands frais attendent
toujours leurs maitres, et plusieurs professeurs de francais sont
soupconnes de ne pas avoir le niveau pour enseigner cette langue.
Recemment, la Direction nationale de l'education a organise un atelier
de remise a niveau a leur intention.
L'analphabetisme chez les femmes est, selon la ministre de la Promotion
feminine, a la base de la persistance de certaines coutumes nefastes
comme l'excision. Aribot a declare egalement que ''l'exploitation des
femmes et la prostitution sont souvent dues a l'ignorance''.
''Malheureusement, les traditions ont la vie dure. Certaines personnes
continuent d'exciser leurs filles. Par le biais d'une longue
sensibilisation, nous continuons de lutter contre cette pratique
ancestrale qui est d'ailleurs anterieure a l'islam'', explique-t-elle,
ajoutant que ''nous n'abandonnerons pas le combat''.
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