Droit d'auteur (bulletin nº4 du CMEC) : Modification pédagogique

Droit d'auteur (bulletin nº4 du CMEC) : Modification pédagogique

Bulletin nº4 sur le droit d'auteur,
19 mars 2008,

À propos de l’utilisation pédagogique d’Internet :
une modification pédagogique ne restreint pas l’utilisation équitable


Les organisations du secteur de l’éducation demandent au gouvernement fédéral de changer l’actuelle loi sur le droit d’auteur en y ajoutant une nouvelle modification pédagogique pour préciser que l’utilisation à des fins éducatives du matériel Internet publiquement accessible ne porte aucunement atteinte au droit d’auteur. La loi canadienne sur le droit d’auteur en vigueur ne dit pas clairement dans quelle mesure le personnel enseignant, la population étudiante et les autres utilisatrices et utilisateurs du secteur de l’éducation peuvent s’adonner en toute légalité à des activités routinières en classe, telle l’utilisation de textes, d’images ou de vidéos accessibles gratuitement sur Internet.

Pour clarifier la loi, le milieu de l’éducation canadien a proposé une modification pédagogique. L’Association des collèges communautaires du Canada (ACCC), l’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC), l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC), la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE), l’Association canadienne des conseils / commissions scolaires (ACCCS), la Fédération canadienne des associations foyer-école et le Consortium du droit d’auteur du Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) [CMEC], qui réunit les ministres de l’Éducation de l’ensemble des provinces et territoires, à l’exception du Québec, en font la promotion.

Certains ont soulevé la question de savoir si, dans le cas de la promulgation de la modification pédagogique, cette dernière impliquerait que quiconque ne faisant pas partie du milieu éducatif aurait à payer des droits pour l’utilisation de ressources publiques sur Internet. L’argument étant que si le gouvernement donne explicitement un droit à un groupe mais pas à un autre, ceci signifie que le deuxième groupe ne satisfait pas aux critères donnant accès à ce droit.

La Cour suprême du Canada nous a fourni quelques indications sur ce point en 2004, dans un arrêt-clé concernant le droit d’auteur que l’on appelle « décision CCH ». Cette décision suggère que quiconque, appartenant ou n’appartenant pas au milieu de l’éducation, bénéficie d’une disposition de la Loi sur le droit d’auteur appelée « utilisation équitable ». L’utilisation équitable fait référence au droit que les utilisatrices et utilisateurs peuvent parfois exercer pour certaines utilisations des ressources Internet publiquement disponibles.

La Cour suprême du Canada a établi, dans le contexte de la décision CCH, la démarche à suivre pour évaluer si une activité porte atteinte au droit d’auteur. Elle a clairement déclaré que l’utilisation équitable est toujours disponible. La Cour suprême n’a même pas envisagé la question de savoir si une exception législative spécifique pouvait s’appliquer à l’utilisation des oeuvres protégées par le droit d’auteur avant que l’utilisation équitable n’ait été analysée. Si l’activité tombe sous le coup de l’utilisation équitable, l’affaire est close. Sinon, l’étape suivante consiste à déterminer si une exception permettant l’activité existe.

Il importe d’insister sur le point suivant : promulguer une exception législative spécifique comme celle concernant la modification pédagogique ne limiterait pas l’utilisation équitable pour les personnes ne faisant pas partie du milieu éducatif. Pourquoi? Par ce que l’analyse appliquée par la Cour suprême dans le contexte de la décision CCH nous indique qu’un tribunal effectuerait en premier lieu une analyse de l’utilisation équitable; si l’utilisation équitable ne pouvait s’appliquer à l’emploi prévu, et uniquement dans ce cas-là, le tribunal se pencherait alors sur la possibilité d’une exception législative telle la modification pédagogique.

Il est également important de noter que la démarche permettant de définir une infraction au droit d’auteur, mise en lumière par la Cour suprême dans la décision CCH, explique pourquoi une modification pour l’utilisation de ressources publiques sur Internet à des fins pédagogiques est nécessaire. Étant donné qu’il n’est pas certain que l’utilisation équitable puisse s’appliquer à certains emplois pédagogiques de routine des oeuvres sur Internet, une exception spécifique – la modification pédagogique – est nécessaire afin de clarifier que tous les emplois pédagogiques des ressources Internet publiquement disponibles sont permis sans qu’il ne soit question d’infraction des droits d’auteur.

Les exceptions spécifiques, telle la modification pédagogique, devraient être insérées dans la Loi sur le droit d’auteur afin d’éclaircir certaines incertitudes législatives en vue d’éviter des différends onéreux devant les tribunaux. Des exceptions telles que celle proposée pour l’éducation peuvent compléter l’utilisation équitable sans en réduire la portée. La présence de l’une ne signifie pas l’absence du besoin ou de la légitimité de l’autre.

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