Des citoyens inégaux devant les bibliothèques
Tous les Québécois ne sont pas égaux quant à l'accès aux bibliothèques. Si les citoyens de la région de Montréal jouissent d'une bibliothèque de quartier et du joyau que représente la Grande Bibliothèque, le plaisir de bouquiner au hasard de rayons bien garnis peut être onéreux pour les lecteurs des petits villages.
Nicole Richer habite dans un rang de campagne à Chesterville, à seulement un kilomètre de la ligne de démarcation de Victoriaville, dans les Bois-Francs. Dans son village, une minuscule bibliothèque est ouverte quelques heures par semaine et offre une collection qui tient presque sur un pan de mur.
À quelques minutes de là, c'est l'abondance dans les deux bibliothèques publiques de Victoriaville. Mais cette manne reste inaccessible: il lui faudrait débourser 178 $ par année pour s'abonner et 158 $ pour chacun de ses enfants. «À ce prix-là, je préfère acheter mes livres. Mais c'est choquant d'avoir deux belles grosses bibliothèques juste à côté. Je pourrais commander des livres à partir de la bibliothèque de Chesterville. Mais quand on va à la bibliothèque, c'est pour faire des découvertes en feuilletant à gauche et à droite», explique cette lectrice insatiable.
Les tarifs pour les non-résidants des villes de taille moyenne varient considérablement d'un endroit à l'autre. Certaines demandent une contribution presque symbolique: 8 $ à Saguenay, 12 $ à Alma ou encore 32 $ à Thetford Mines. Le tarif pour les non-résidants est plus élevé, sans être prohibitif, dans les villes de Trois-Rivières (50 $) ou de Rivière-du-Loup (80 $).
À l'autre bout du spectre, Drummondville demande 200 $ pour un abonnement individuel aux non-résidants (et 20 $ aux résidants), Joliette exige 175 $, Rimouski, 124 $ et Sherbrooke, 110 $. D'autres municipalités, comme Granby, ont des ententes avec les villages voisins afin d'offrir le service gratuitement non seulement aux résidants de la ville centre, mais aussi à ceux des villages environnants.
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Le Québec traîne la patte
Cette tarification parfois salée n'étonne pas le professeur de bibliothéconomie Réjean Savard, de l'Université de Montréal. «On peut comprendre les villes, elles offrent les services d'abord à leurs citoyens. Dans plusieurs pays, comme aux États-Unis, cette idée de tarification n'existe pas», fait observer M. Savard. Au Québec, les municipalités financent en moyenne 80 % du coût des bibliothèques, précise-t-il.
Le professeur constate que le réseau québécois accuse un retard comparativement à plusieurs autres provinces canadiennes. «Les bibliothèques au Québec se sont développées assez récemment, dans les années 1960. Il y a encore du chemin à faire. C'est dommage pour les personnes dans les petits villages, qui n'ont pas toujours accès à des services de bonne qualité», poursuit l'universitaire, qui préside l'Association internationale francophone des bibliothécaires documentalistes (AIFBD), dont le congrès s'est tenu la semaine dernière à Montréal.
Ce problème ne se pose pas dans la plupart des provinces des Maritimes, où le financement provient principalement du gouvernement provincial. Au Nouveau-Brunswick, les citoyens peuvent s'abonner gratuitement au réseau des bibliothèques publiques et avoir accès avec une même carte aux 62 bibliothèques et quatre bibliobus de la province. L'État finance 70 % du coût des bibliothèques, la part restante étant assumée par les municipalités, qui prennent en charge les infrastructures et fournissent le mobilier. «La carte de membre universelle figurait parmi les principes fondateurs lors de la création du réseau des bibliothèques publiques en 1954», fait valoir la directrice du service, Sylvie Nadeau, qui était de passage à Montréal dans le cadre du congrès de l'AIFBD.
Ce principe s'applique également à Terre-Neuve et à l'Île-du-Prince-Édouard, tandis qu'en Nouvelle-Écosse les usagers disposent d'une carte donnant accès aux différentes bibliothèques d'une même région.
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http://www.ledevoir.com/2008/08/11/201086.html