Google et les livres
Le 28 octobre 2008, Google annonçait la signature d'un accord "historique" avec l'Association of American Publishers (AAP) et l'Authors Guild, qui lui donne accès à des millions de documents dans des bibliothèques partenaires, dans le but de mettre en ligne le contenu de milliers de livres numérisés. (Lire le communiqué de presse de Google)
C'est en 2004 que Google a entrepris de rassembler le contenu numérique de documents, pour fournir un service supplémentaire de taille à ses usagerEs. L'accès au texte intégral est un enjeu majeur dans le monde des bibliothèques et de la documentation, que ce soit pour les étudiantEs, les universitaires, les chercheurEs, qui ont besoin de la littérature scientifique ou même le grand public qui pourrait accéder à des livres épuisés ou des archives conservées dans des bibliothèques étrangères lointaines.
Dans le monde des archives et des bibliothèques, cette action de Google pose de nombreuses questions, comme celle de la propriété du livre (droits d'auteur) et du marché de la connaissance : est-ce qu'une entreprise privée peut s'approprier un patrimoine documentaire séculaire et en tirer profit? Quid de la plus-value apportée par les professionnelLEs de la documentation?
Dans un article paru dans Le Devoir (18/03/2009), Guylaine Beaudry, Présidente de la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec dénonce la logique de marché à l'œuvre dans cette affaire :
"Les bibliothèques signataires permettent à Google de constituer un fonds mondial multilingue qui lui donne une position sans précédent dans l'histoire du livre et de l'édition. Ces collections sont développées par des bibliothécaires depuis des générations et, dans plusieurs cas, grâce à des investissements publics. Les bibliothèques sont les institutions que les sociétés ont créées pour mettre en commun des documents et ainsi assurer leur libre accès. Même si elles ne disposent pas de ressources financières à la mesure de Google, les bibliothèques bénéficient d'un capital symbolique considérable, notamment en raison de la richesse de leurs collections. En donnant leurs collections à numériser, c'est comme si les bibliothèques avaient converti leur capital symbolique en capital financier." (Lire l'article)
Le 6 mars, dans Le Devoir également, Christian Rioux s'exprime sur l'absurdité de la démarche :
"En signant une entente avec Google, les bibliothèques perdent le droit de partager leur fond avec d'autres bibliothèques. Seule Google sera autorisée à faire le lien entre elles. Google demeure ainsi la seule propriétaire de l'utilisation extérieure des livres numérisés. Pour accéder à cette caverne d'Ali Baba, il faudra obligatoirement passer par son moteur de recherche. Bien sûr, une licence sera accordée aux bibliothèques publiques. Mais elle ne donnera droit qu'à un seul terminal par bibliothèque. Ceux qui ne voudront pas faire la queue pendant des heures devront payer. Payer pour accéder à des livres qui appartiennent déjà à des bibliothèques publiques!" (Lire l'article)
Le bien-fondé et l'impact à long terme de cette gigantesque opération sont sujets à controverse. Les inquiétudes soulevées ont même incité à développer rapidement des projets d'envergure, tels que la création de la Bibliothèque numérique européenne Europeana.
Sources :
Google et les bibliothèques - La revanche de la cigale sur la fourmi, par Guylaine Beaudry, Présidente de la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec. Directrice du Centre d'édition numérique de l'Université de Montréal et du consortium Érudit - Le Devoir, édition du 18 mars 2009
Big Google, par Christian Rioux - Le Devoir, édition du 6 mars 2009
Un accord historique entre Google, les auteurs et les éditeurs (Communiqué du centre de presse de Google)
À lire également :
Sur le site Actualitté : Google Books propose de 60 $ à 300 $ aux auteurs par titre numérisé
Sur le site S.I.Lex : Quelle place pour les bibliothèques dans l’accord Google Book Search?