Pour un investissement rentable en éducation

10 jan 2017

Pour un investissement rentable en éducation

En réponse à la lettre du Ministre de l’Éducation « L’éducation doit être la priorité de notre société » publiée dans Le Devoir le 6 décembre 2016

Monsieur le Ministre de l’Éducation,

Je me réjouis de votre initiative pour que l’éducation redevienne une priorité pour le Québec. J’adhère encore plus à votre soutien à l’alphabétisation des adultes tout autant qu’aux premiers apprentissages de la lecture chez les enfants. Une priorité à la lecture nous oblige à considérer l’analphabétisme des adultes comme un indice de l’efficacité du système scolaire qui a justement pour mission d’enseigner à lire. Je vous encourage donc à concevoir la maîtrise de la lecture à un niveau fonctionnel par toute la population comme un projet éducatif et social enthousiasmant plutôt qu’une lutte contre un « fléau » ou « mal » social. Un tel projet pourra alors orienter vos décisions stratégiques pour les investissements à venir.

N’oublions pas que la plupart des adultes que l’on dit « analphabètes » ont passé au moins dix ans dans notre système scolaire. Ils n’ont tout simplement pas bien appris à lire. C’est à ce titre que l’alphabétisation doit intéresser le Ministère de l’Éducation. Il semble que l’école ne réussisse pas à faire apprendre à lire de façon efficace à un pourcentage important de la population qui la fréquente. Il faut par conséquent se demander si on utilise toutes les connaissances disponibles pour élaborer les balises de l’enseignement de la lecture.

Ainsi, pour ce qui est du début de l’apprentissage de la lecture, la recherche sur l’enseignement de la lecture  est formelle. Le passage de la compréhension de la langue orale à celle de la langue écrite (la lecture) se fait par la mise en correspondance des éléments de base de l’oral (les phonèmes) avec les éléments de base de l’écrit (les graphèmes). Cette mise en correspondance graphème – phonème doit être enseignée aux lecteurs débutants. Des données, recueillies ici même au Québec, vont dans le même sens dont la récente recherche réalisée par une équipe de l’UQAM .

Or, les correspondances entre les graphèmes et les phonèmes ne font pas partie des « savoirs essentiels » selon le Programme de formation de l’école québécoise. On peut ainsi affirmer que le programme ministériel ne reflète pas les données de la recherche. Par ailleurs, au Québec, tout matériel pédagogique doit être approuvé en fonction du Processus d’approbation du matériel didactique du ministère de l’Éducation. Les correspondances graphème – phonème étant absentes du programme, elles ne sont pas dans les critères d’approbation du Ministère. Il n’existe donc pas, au Québec, de méthode complète pour l’enseignement de la lecture fondée sur les données probantes de la recherche. Une enseignante du primaire qui veut offrir un tel enseignement ne peut utiliser que du matériel « complémentaire » et nécessairement partiel ou encore produire son propre matériel tout en étant astreinte à l’utilisation du matériel approuvé acheté dans son école.

Le Ministère de l’Éducation peut dès maintenant agir pour rehausser les capacités de lecture au Québec de deux façons. D’une part, en s’assurant que les programmes reposent sur les connaissances fiables et disponibles sur l’enseignement efficace de la lecture et, d’autre part, en permettant la publication de méthodes fondées sur ces connaissances.

Mais revenons aux adultes, dont un million seraient accablés du « fléau » de l’analphabétisme au Québec. Il encore temps pour eux d’apprendre à lire. Il s’agit de poursuivre la même priorité pour les adultes dans l’enseignement de la lecture. Il existe en ce moment deux méthodes complètes pour l’enseignement de la lecture aux adultes offertes gratuitement sur Internet . Les deux ne sont pas aussi utilisées autant qu’elles le pourraient, car l’enseignement de la lecture n’est pas une priorité dans les programmes.

Vous avez reçu de nombreuses idées lors de vos consultations publiques, Monsieur le Ministre. J’ai envie d’ajouter celle d’un chantier pour développer une « méthode québécoise » pour l’enseignement de la lecture. Une telle méthode proposée de façon électronique pourrait être utilisée par les adultes des commissions scolaires et des groupes populaires d’alphabétisation ainsi que par tous les élèves du secondaire éprouvant de la difficulté en lecture. Croyez-moi, ce projet mettrait à profit efficacement les montants que vous investirez dans le rehaussement des capacités de lecture des Québécois.