Les femmes leaders autochtones mettent en garde les sociétés financières contre le soutien à l’exploitation du pétrole des sables bitumineux

20 nov 2020

Les femmes leaders autochtones mettent en garde les sociétés financières contre le soutien à l’exploitation du pétrole des sables bitumineux

Plus de 40 femmes autochtones issues de communautés impactées par l’exploitation des sables bitumineux (dont de nombreuses amies et alliées de longue date du CSIA-Nitassinan) ont envoyé une lettre ouverte à 70 grandes banques, assureurs et gestionnaires d’actifs, leur demandant de respecter les droits des Autochtones et de cesser de soutenir financièrement l’industrie qui détruit leurs terres. La lettre souligne les nombreux risques et impacts que l’industrie des énergies fossiles, et plus particulièrement des sables bitumineux, causent dans leurs communautés. La construction de ces projets d’expansion de l’oléoduc les expose à un risque plus élevé de contamination au COVID et de violences sexuelles. L’industrie des sables bitumineux a dévasté les communautés d’Amérique du Nord par l’exploitation minière, l’extraction et le raffinage. Le CSIA-Nitassinan, association membre de la Campagne #KeepItInTheGround, a décidé de traduire et diffuser ce texte majeur pour la protection de la Terre-Mère, de l’eau et du climat. - Le CSIA-Nitassinan

Les femmes leaders autochtones mettent en garde les sociétés financières mondiales contre le soutien à l’exploitation du pétrole des sables bitumineux

Aux PDG des principales sociétés de gestion d’actifs, banques et compagnies d’assurance :

Nous, les organisations et groupe de femmes signataires de ce document, appelons vos institutions à arrêter de financer, d’investir dans et d’assurer l’expansion de l’extraction, du transport et du raffinement des sables bitumineux, et à vous engager dans le retrait progressif du soutien au pétrole de sables bitumineux. Ces mesures de retrait devraient concerner à la fois les projets et les entreprises qui mènent de tels projets.

Le secteur des sables bitumineux fait peser de graves menaces sur les droits des Peuples Autochtones, sur la survie des cultures, sur les voies d’eau et environnements locaux, sur le climat et sur la santé publique. De plus, cette année, le secteur du pétrole et des hydrocarbures a connu des pertes significatives, aucun sous-secteur n’ayant fait l’objet de prévisions aussi mauvaises que celui des sables bitumineux.

Le potentiel destructeur des sables bitumineux a été bien documenté, et la croissance du secteur a été freinée par des recours en justice, l’incertitude financière et la résistance des habitant·e·s. Bien que les gouvernements et les industriels appellent à l’expansion des sables bitumineux, leur production actuelle est limitée par un goulot d’étranglement au niveau des infrastructures de transport, ce qui signifie qu’un futur accroissement de l’extraction de sables bitumineux dépend de trois oléoducs.

Devant l’entêtement de l’industrie des énergies fossiles à poursuivre la construction des oléoducs au milieu d’une pandémie globale et d’une crise financière massive, nous demandons à vos institutions de décliner immédiatement tout soutien aux oléoducs Keystone XL de TC Energy, Line 3 d’Enbridge et Transmoutain du gouvernement Canadien
- et de couper les liens avec ces entreprises et ces projets de sables bitumineux.

En ce moment, l’extraction et la construction liées aux sables bitumineux font courir des risques majeurs à la santé des communautés et des travailleurs en raison de la transmission de la COVID-19. Des cas de coronavirus ont été rapportés sur des sites en Alberta (1). Cependant, la construction a démarré ou continue sur les pipelines Keystone XL dans le Montana, Line 3 au Minnesota et Transmountain en Colombie Britannique. Des leaders tribaux·ales, des élu·e·s locaux·ales et des résident·e·s ont alerté sur le fait qu’un afflux massif de travailleurs venus de l’extérieur pourrait répandre la COVID-19 dans des régions rurales qui manquent d’infrastructures médicales adéquates pour prendre en charge les cas de virus. Les Peuples Autochtones des États-Unis font déjà l’expérience de l’impact dévastateur de la pandémie de COVID-19. Ces communautés sont particulièrement vulnérables au virus en raison de programmes de santé publics sous-dotés et de grandes disparités sanitaires (2). Avancer dans la construction des oléoducs ne peut qu’exacerber les problèmes auxquels les communautés autochtones sont déjà confrontées.
Les femmes autochtones dans ces régions sont en péril. Il y a de plus en plus de preuves que l’épidémie de femmes disparues et assassinées (MMIW) est directement liée à la production d’énergies fossiles (3).

Les travailleurs se déplacent sur les sites de construction des oléoducs où ils sont regroupés dans des logements temporaires connus sous le nom de « man camps » (camps d’hommes) près du tracé du pipeline qui se trouve le plus souvent sur ou en bordure des territoires des nations tribales.
Des études (4), des rapports (5), et des auditions au congrès (6) ont montré que les camps d’hommes entraînent à l’augmentation des violences sexuelles et du trafic sexuel.

L’Alliance des Traités contre l’Expansion des Sables Bitumineux, composée de plus de 120 Premières Nations et Tribus, s’oppose fermement à tous les oléoducs de sables bitumineux traversant leurs eaux et territoires traditionnels et a appelé à une campagne internationale pour le désinvestissement de toutes les institutions qui les financent. Ces dernières années, des mouvements menés par des Autochtones ont forcé l’annulation de la mine Frontier sponsorisée par Teck Resources, et de l’oléoduc Energy East sponsorisé par TransCanada (aujourd’hui TC Energy). Nos mouvements ont aussi retardé des projets pour des années. L’extension du Keystone XL de TC Energy a été proposée en 2008 et a connu d’innombrables revers. En juillet dernier, les tribunaux ont annulé un permis pour le Dakota Access Pipeline (DAPL), ce qui peut conduire à sa fermeture définitive. Nous allons continuer à résister aux projets restants et tenir demander des comptes aux bailleurs de fonds de ces entreprises.
À l’échelle globale, les émissions potentielles des réserves de charbon, pétrole et gaz déjà en production amèneraient le monde bien au-delà des 2°C de réchauffement, sans parler de l’objectif de 1,5°C (7). Cela signifie que financer, assurer ou investir dans toute infrastructure, nouvelle ou extension, de transport ou d’extraction de sables bitumineux est incompatible avec les objectifs de l’Accord de Paris. Étant donné l’impératif climatique qui pousse à limiter l’expansion des énergies fossiles, c’est dans la manière dont nous nous remettrons de la crise économique induite par la COVID-19 que nous jouerons notre va-tout pour maintenir le réchauffement en-dessous de 1,5°C. C’est une année cruciale pour investir dans les communautés, pas dans l’industrie extractive.

Au point d’extraction, les sables bitumineux détruisent de larges étendues de forêt boréale et nécessitent d’énormes quantités de produits chimiques, d’eau et d’énergie. Les pollutions carcinogènes et toxiques ont occasionné un mal irréparable et généralisé à la santé des Premières Nations du nord de l’Alberta, ainsi qu’à leurs bassins hydrographiques, leurs modes de vie et leurs écosystèmes.

L’extraction des sables bitumineux se fait en territoires traditionnels Dene, Cree et Métis partout dans les terres des Traité 6 et Traité 8, y compris dans les territoires traditionnels de la Première Nation Athabasca Chipewyan. La Nation Athabasca Chipewyan a été en première ligne de la lutte contre les projets existants ou proposés en Alberta, principalement dans la région Athabasca où l’essentiel de l’extraction a lieu. Des plans d’extensions, in-situ ou via drainage par gravité assisté par vapeur, sont aussi en cours de développement dans les régions de Peace et de Cold Lake, faisant face respectivement à l’opposition des Premières Nations Cree Lubicon et Beaver Lake.

Transporter les sables bitumineux hors de l’Alberta, que ce soit par train, pétrolier ou oléoduc, est un processus polluant et dangereux. Entre 2010 et 2017, quatre entreprises à elles seules ont été à l’origine de la fuite de 63.000 barils de liquides nocifs - parmi lesquels du brut de sables bitumineux - par leur réseau états-unien d’oléoducs (8).

[...]

Lire la suite