Le Conseil de sécurité débat de l’inclusion et la participation économiques des femmes comme outils essentiels d’instauration de la paix
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En cette Journée internationale des femmes, le Conseil de sécurité, présidé par la Ministre des changements climatiques des Émirats arabes unis, Mme Mariam Al Mheiri, a tenu un débat public en partant du constat que l’inclusion économique des femmes dans les zones touchées par un conflit est insuffisante, alors que leur participation aux activités économiques est un moyen reconnu pour instaurer et faire durer la paix. L’occasion pour plusieurs orateurs d’exprimer leur solidarité avec les femmes et filles d’Ukraine.
Investir dans l’autonomisation économique des femmes rapporte d’énormes dividendes pour la paix et la prospérité, a déclaré d’emblée la Directrice exécutive d’ONU-Femmes. À l’inverse, les pays où les femmes sont économiquement marginalisées et exclues de la population active sont beaucoup plus susceptibles d’entrer en guerre. Mme Sima Bahous a également signalé que l’inégalité entre les sexes entraîne des pertes économiques s’élevant à 2,5 milliards de dollars dans plus de la moitié des pays fragiles et touchés par des conflits. « La solution est donc claire. » Nous avons besoin de plus d’engagement, d’une plus grande responsabilisation et d’une responsabilité partagée, a dit la responsable d’ONU-Femmes.
Mme Bahous s’est adressée notamment au Conseil de sécurité car elle a noté que certaines de ses résolutions qui couvrent largement la question « les femmes et la paix et la sécurité », comme celles sur la République centrafricaine et la République démocratique du Congo, contiennent des paragraphes sur la sécurité économique, le développement et l’exploitation illégale des ressources naturelles, mais ne tiennent pas compte du genre. Elle a donc suggéré au Conseil d’utiliser ces textes pour demander l’inclusion significative des femmes non seulement dans les efforts de consolidation de la paix, de prévention des conflits et de relèvement, mais aussi dans la prise de décision, l’analyse de genre et le suivi des dépenses.
La Directrice exécutive d’ONU-Femmes a invité à s’inspirer des actions de son agence pour rectifier la donne. Elle a cité l’initiative multipartite « Génération Égalité » grâce à laquelle on dispose maintenant d’un Pacte sur les femmes, la paix et la sécurité et l’action humanitaire. Le Pacte compte à ce jour 158 signataires, dont plusieurs membres du Conseil, mais nous devons faire davantage pour atteindre les banques multilatérales de développement et le secteur privé, a recommandé Mme Bahous. Elle a également évoqué le Fonds pour les femmes, la paix et l’action humanitaire qui a financé plus de 500 organisations de femmes dans plus de 26 pays depuis 2016.
L’une des bénéficiaires de ce fonds était là, justement, pour en témoigner. Mme Moussokoro Coulibaly, Présidente d’un réseau de femmes opératrices économiques dans la région de Ségou, au Mali, a expliqué comment son réseau s’emploie à mettre en relation des initiatives locales de femmes avec des partenaires financiers. De 2012 à 2019, des crédits ont ainsi été octroyés à 200 femmes dans les domaines de l’agriculture et de l’artisanat, aidant les bénéficiaires à sortir du secteur informel et à gagner la reconnaissance de leurs communautés et, partant, à influer sur le règlement des conflits communautaires.
Le Fonds monétaire international (FMI) joue aussi son rôle, a renchéri sa Directrice générale, Mme Kristalina Georgieva. Le FMI met l’accent sur le financement des services sociaux, un outil efficace pour promouvoir l’éducation des femmes, la qualité des soins et in fine la parité dans la société. Même son de cloche du côté de la Vice-Ministre aux affaires multilatérales et droits humains du Mexique qui a appelé à investir dans les mécanismes financiers existants pour soutenir les organisations de femmes et les défenseuses des droits humains, lesquelles contribuent à un climat de stabilité dans leurs communautés.
Après avoir évoqué les efforts déployés par l’Union africaine pour favoriser l’inclusion financière et économique des femmes, le Kenya a souhaité que les organes et agences compétents des Nations Unies en fassent un suivi dans l’optique d’assurer la durabilité de la paix et du développement. Au nom des 56 États membres du Groupe des amis des femmes, de la paix et de la sécurité, le Canada a invité le Conseil à renforcer sa coopération dans ce domaine avec la Commission de consolidation de la paix et le Conseil économique et social, ainsi qu’avec les organisations régionales.
De nombreuses initiatives menées à travers le monde pour garantir l’inclusion économique des femmes ont été évoquées par la soixantaine de participants au débat. Les Émirats arabes unis ont, par exemple, indiqué avoir consacré 50 millions de dollars pour soutenir près de 300 000 femmes entrepreneurs d’Iraq, du Yémen et d’Éthiopie. La Turquie a insisté sur les opportunités d’emploi, faisant remarquer que le simple fait d’augmenter le nombre de femmes occupant un emploi rémunéré ferait augmenter considérablement le PIB. Le Viet Nam a, pour sa part, suggéré de consacrer un minimum de 15% de l’aide publique au développement à l’égalité des genres dans les pays en conflit.
Des arguments juridiques ont aussi été présentés. Au nom des pays nordiques et des pays baltes, la Suède a assuré que la protection des femmes ne sera pas possible tant que les législations discriminatoires et les entraves à leur autonomisation économique ne seront pas démantelées. Dans cette veine, l’Inde a proposé d’élaborer un cadre institutionnel mondial permettant aux femmes d’accéder aux opportunités économiques et aux partenariats.
L’inclusion économique n’est cependant pas une protection contre les balles et les bombes, a noté le Royaume-Uni en évoquant les souffrances, maintes fois mentionnées au cours du débat, des femmes et enfants d’Ukraine. La Fédération de Russie a rétorqué que « depuis huit ans, les femmes sont persécutées à Donetsk et Louhansk par des radicaux ukrainiens, dans un silence assourdissant de la communauté internationale ». L’Ukraine, elle, a dénoncé le fait que les habitants se voient interdire de partir et que l’aide humanitaire ne puisse pas arriver. « Si les gens partent, les Russes les tuent. » Pour les femmes qui arrivent à partir, elle a demandé leur intégration économique dans les pays d’accueil.
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