Harcèlement en milieu de travail : 100 000 victimes annuellement selon une estimation de l'Ordre des CRHA
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Montréal, 25 janvier 2024 – Même si les dénonciations, témoignages et allégations de harcèlement font moins régulièrement la manchette qu’à l’apogée du mouvement #MoiAussi, le harcèlement et la violence sexuelle en milieu de travail poursuivent malheureusement leurs ravages. C’est ce que révèlent deux sondages menés récemment par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés et dont les résultats sont dévoilés aujourd’hui. Considérant les répercussions dramatiques du harcèlement pour les victimes, comme pour les organisations elles-mêmes, l’Ordre croit que le Québec peut et doit faire mieux.
Mené du 20 au 24 décembre dernier auprès de 1000 travailleuses et travailleurs du Québec, un premier sondage nous apprend que 11 % d’entre eux affirment avoir été personnellement victimes de harcèlement en contexte de travail au cours de la dernière année.
Un sondage complémentaire, mené du 11 au 23 janvier auprès de plus de 600 CRHA et CRIA qui œuvrent en entreprise, révèle qu’une bonne majorité, soit 63 %, a eu au cours de la dernière année au moins un signalement ou une plainte en matière de harcèlement (fondée ou non) au sein de leur organisation.
« Il n’est plus possible de se mettre la tête dans le sable. Les données démontrent qu’en dépit de la prévention faite au sein des organisations, le harcèlement psychologique est d’une telle ampleur qu’on doit véritablement parler d’un enjeu de santé publique. Comme société, il faut en prendre acte et se donner les moyens d’agir plus vigoureusement », commente la directrice générale de l’Ordre des CRHA, Manon Poirier, CRHA.
Près de 100 000 victimes annuellement
Alors qu’il y a 4,4 millions de travailleuses et travailleurs au Québec, c’est 484 000 personnes qui considéreraient donc avoir subi du harcèlement au travail au cours des douze derniers mois. Des experts consultés estiment qu’environ 20 % des plaintes pour harcèlement en milieu de travail s'avèrent légalement fondées (les autres étant plutôt reliées à des conflits ou de l’incivilité, ainsi qu’à des plaintes jugées frivoles). Selon cette hypothèse, il y aurait approximativement 96 800 victimes annuelles réelles, soit bien plus que les 4 909 demandes de recours déposées pour harcèlement à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) en 2022 en vertu de la Loi sur les normes du travail (LNT).
Améliorer la prise en charge pour rehausser la confiance
Les données montrent que les employeurs peuvent faire mieux dans la prise en charge des situations de harcèlement :
- Une personne sur trois (30 %) ne sait pas si son employeur a mis en place une politique de prévention du harcèlement psychologique ou sexuel et de traitement des plaintes tel que l’exige la loi ou croit que son employeur n’a pas de politique.
- Une personne sur quatre (26 %) ne saurait pas à qui s’adresser au sein de son organisation pour déposer une plainte.
- Une proportion similaire (24 %) n’a pas confiance que son employeur prendrait sa plainte au sérieux et prendrait des mesures appropriées si une plainte pour harcèlement était déposée.
Sur ces éléments, la perception des travailleuses et travailleurs est plus positive lorsqu'ils œuvrent au sein d'une organisation qui emploie un professionnel RH.
L’Ordre est d’ailleurs heureux de constater que les travailleuses et travailleurs voient d’un très bon œil la professionnalisation du traitement des plaintes pour harcèlement : 81 % estiment que la personne responsable de traiter les plaintes au sein de leur organisation devrait être un professionnel spécifiquement formé en la matière.
« Voilà un appui fort et consensuel de la population à l’égard de la compétence que les gens responsables de la prise en charge devraient avoir », souligne Manon Poirier.
Pour améliorer la confiance comme pour éviter la dégradation des situations de harcèlement en milieu de travail, l'Ordre estime qu'une meilleure prise en charge au sein des organisations est la solution vers laquelle il faut tendre. En matière de traitement des plaintes, ceci exige l'adoption d'un processus standardisé (analyse de recevabilité de la plainte, suivie d’une enquête obligatoire avec possibilité de médiation en tout temps si les parties le préfèrent) ainsi que d'assurer la compétence et l'encadrement de celles et ceux qui prennent en charge les plaintes. Ces deux propositions bénéficient d'un fort appui de la population, de même que des professionnelles et professionnels RH selon les sondages menés.
L’Ordre profitera la semaine prochaine des consultations particulières de la Commission de l'économie et du travail de l’Assemblée nationale sur le projet de loi n° 42, Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, pour présenter ces données aux parlementaires et soumettre quelques pistes de solutions concrètes pour contribuer activement à enrayer ce fléau.