Inégalités des chances dans l’accès aux études postsecondaires
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Montréal, le 19 août 2024 – Le revenu et le niveau de scolarité de leurs parents jouent un rôle important dans la poursuite ou non d’études postsecondaires par les jeunes. C’est l’un des constats tirés de données inédites issues de la deuxième édition du Bulletin de l’égalité des chances en éducation publié aujourd’hui par l’Observatoire québécois des inégalités.
En effet, même si depuis leur création en 1967, les cégeps ont fortement contribué à la démocratisation des études postsecondaires – 7 élèves sur 10 ayant complété leur secondaire y accèdent-, l’origine sociale affecte encore les trajectoires scolaires.
Pour les jeunes nés en 2000, 9 sur 10 issus des milieux les plus aisés (5e quintile du revenu parental) avaient accédé à la formation collégiale à l’âge de 21 ans, contre à peine la moitié de ceux provenant des milieux les moins nantis (1er quintile).
« Les cégeps ont eu un impact considérable dans de nombreuses régions, où l’accès à l’enseignement postsecondaire exigeait de poursuivre ses études dans des institutions privées. Leur impact auprès de nombreuses catégories sociales a été majeur. Cela ne signifie pas pour autant que les inégalités d’accès et de réussite ont disparu. Il est même possible de penser qu’elles ont connu une croissance », mentionne Pierre Doray, professeur associé au département de sociologie de l’UQAM et co-auteur du Bulletin.
Documenter les inégalités scolaires
L’objectif du Bulletin est de documenter annuellement les indicateurs clés de l’égalité des chances en éducation (y compris ceux de la réussite scolaire) pour identifier les déterminants des parcours scolaires (accès et diplomation), tels le revenu parental, la scolarité parentale et le genre.
Pour cette deuxième édition, six chercheurs et chercheuses en éducation ont analysé les inégalités scolaires qui subsistent dans le système éducatif québécois pour tous les niveaux d’enseignement : services éducatifs à l’enfance (petite enfance et éducation préscolaire), primaire, secondaire, formation professionnelle et formation générale des adultes, collégial et universitaire.
Le rapport présente une soixantaine de figures dont certaines contiennent des données inédites sur la corrélation entre le revenu des parents et l’accès ainsi que la diplomation dans l’enseignement postsecondaire, mais aussi sur le nombre de centres de la petite enfance en fonction de l’indice de défavorisation matérielle et sociale (IDMS) des régions administratives. Cette année, des variables sociodémographiques ont également été ajoutées aux indicateurs de la première édition, entre autres en lien avec les élèves issus de l’immigration.
Cégeps : entre démocratisation et reproduction sociale
L’édition 2024 du Bulletin de l’égalité des chances met un accent particulier sur les études postsecondaires, en se focalisant notamment sur le niveau collégial, et ce à partir de trois angles :
- Une analyse thématique retrace les grandes étapes de l’évolution des cégeps depuis leur création qui annonçait une démocratisation de l’accès aux études postsecondaires, jusqu’au constat actuel de la persistance d’inégalités. Parmi les surprises : les programmes de formation pré-universitaires se sont avérés plus populaires que les programmes techniques, contrairement aux attentes initiales des auteurs du rapport Parent et des responsables de la réforme de l’Éducation ;
- La production de données inédites illustre une corrélation entre, d’une part, l’accès et la diplomation au collégial et, d’autre part, le revenu parental et le genre, avec des indicateurs complémentaires liés à l’éducation des parents. Par exemple, à travers tous les quintiles de revenu parental, une plus grande proportion d’hommes que de femmes n’a eu aucun accès à la formation collégiale.
- « Nos données illustrent le caractère cumulatif des inégalités à travers les parcours scolaires. Par exemple, les différences de taux de diplomation au collégial en fonction du revenu parental sont plus élevées que les différences en matière d’accès, en particulier pour ce qui est des programmes de DEC préuniversitaires. Ces différences se traduisent ensuite par d’importantes inégalités d’accès aux programmes de baccalauréat entre jeunes provenant de familles à faible revenu et ceux provenant des familles les plus aisées », précise Xavier St-Denis, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et co-auteur du Bulletin.
- Un sondage Léger* indique notamment qu’une majorité de la population québécoise (78%) considère les études collégiales comme un pilier du développement d’une main-d’œuvre qualifiée, mais aussi que 72 % des personnes interrogées estiment que les conditions de vie actuelles pourraient constituer un obstacle à l’accès aux études postsecondaires.
« Le Bulletin est une ressource précieuse et un outil unique pour suivre l’effet du patrimoine familial (socio-économique et culturel) et de la structuration de l’institution éducative sur les trajectoires scolaires. Il reste encore beaucoup à faire pour assurer une réelle égalité des chances en éducation au Québec », conclut François Fournier, chercheur à l’Observatoire québécois des inégalités et coordonnateur du Bulletin de l’égalité des chances en éducation.
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*Sondage web réalisé par Léger pour le compte de l’Observatoire québécois des inégalités du 1er au 3 mars 2024 auprès de 1 012 Québécois et Québécoises de 18 ans et plus et qui peuvent s’exprimer en français ou en anglais.
Collaboratrices et collaborateurs du Bulletin de l’égalité des chances en éducation :
- Pierre Doray, professeur associé, département de sociologie UQAM et chercheur au CIRST (Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie)
- Claude Lessard, chercheur, professeur émérite à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal
- Maude Roy-Vallières, professeure invitée, Éducation préscolaire et en développement de l’enfant, Département des sciences de l’éducation, Université du Québec à Chicoutimi
- Xavier St-Denis, professeur adjoint à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) Centre Urbanisation Culture Société (UCS)
- Véronique Grenier, stagiaire postdoctorale Banting à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), Centre Urbanisation Culture Société et chercheuse associée au Centre de recherche et d’intervention sur l’éducation et la vie au travail (CRIEVAT) de l’Université Laval.
- Natacha Prats, maîtrise en sociologie et assistante de recherche au sein de l’équipe Transitions (UQAM).
Pour informations et demandes d’entrevue :
Julia Haurio
Responsable des relations publiques
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514-513-8617