Dossier spécial Compétences génériques : Entrevue avec Françoise Lefevbre

À la Boîte à Lettres de Longueuil, on accompagne des jeunes de 16 à 25 qui ont quitté le système éducatif institutionnel et qui sont peu à l’aise avec l’écrit. L’équipe de travail fonde ses interventions sur ses recherches et ses 30 ans d’expérience. Françoise Lefebvre est Ressource en formation et en recherche à la Boite à Lettres et a activement collaboré à la création de Nos Compétences Fortes. Elle a toujours été préoccupée par la reconnaissance des habilités des personnes peu alphabétisées et l’utilise avec ses groupes d’apprenant-e-s depuis de nombreuses années.

« Les jeunes qui arrivent à la Boîte à Lettres n’ont pas de qualifications ou de diplôme, et ont une très faible estime d’eux-mêmes », observe-t-elle. « Quelques jeunes participantes et participants ne parviennent pas à prendre leur envol et restent à la Boîte à Lettres d’année en année car ils n’arrivent pas à s’imaginer ailleurs. L’image de l’école est très fortement négative chez ces jeunes, et comme ils ont quitté le système sans qualification, ils n’imaginent pas du tout être capables de réussir quelque chose, puisque l’école ne leur a donné aucune attestation ».

Devant ce constat, la Boîte à Lettres a décidé d’outiller les jeunes pour qu’ils se rendent compte du chemin qu’ils ont parcouru et des compétences qu’ils ont acquises.

« En participant aux ateliers Nos Compétences Fortes, les jeunes sont placés en posture d’apprentissage sur eux-mêmes, en posture réflexive. Ils acquièrent du vocabulaire pour parler de leurs compétences, avec des termes précis et qui font du sens pour le monde de la formation et du travail. Ils prennent conscience de leurs forces à ce moment charnière de leur vie où leur identité d’adulte prend ses contours. »

Opérer ce retour réflexif sur un parcours de vie peut également occasionner des souffrances. Cependant, Françoise Lefebvre observe que les participantes et participants qui vont au bout de la démarche se sentent beaucoup plus forts pour « l’après-Boîte à Lettres »! Ainsi, un des jeunes a postulé à un emploi qui exigeait un secondaire V, en argumentant qu’il était minutieux, qu’il avait le sens des responsabilités et qu’il savait travailler en équipe. Il a obtenu l’emploi. Une autre a demandé à entrer dans une formation pour laquelle elle n’avait pas les prérequis, mais a réussi à y faire son chemin en misant sur ses compétences personnelles.

« Cela fait plusieurs années que je vois qu’avec Nos Compétences Fortes, on renforce la capacité d’action de nos jeunes, on les aide à croire en eux! Cette démarche constitue un atout pour toute personne qui a vécu un parcours atypique! »