L'éducation aux médias

Résumé: 

Ce dossier présente un aperçu des enjeux liés à la compréhension et à la maîtrise des informations relayées par les médias, qu’il s’agisse des médias d’information traditionnels ou des médias sociaux, ainsi qu’à leur perception par la population. Il regroupe également plusieurs ressources classées par type.


Le Canada a été un pays pionnier en termes d’éducation aux médias. Plusieurs provinces ont mis en place des programmes d’éducation aux médias au cours des années 1980, puis le Québec l’a incorporée à sa politique d’éducation au début des années 2000. Aujourd’hui, elle est plus nécessaire que jamais. En effet, les nouvelles technologies et les médias sociaux ont reconfiguré notre rapport à l’information, à son interprétation et à son partage. D’une part, l’information est surabondante et prend des formes très variées. D’autre part, l’information que l’on reçoit peut dépendre de facteurs en dehors de notre contrôle, qu’il s’agisse des intérêts économiques et politiques des conglomérats médiatiques ou des algorithmes. Il est donc impératif de disposer d’une solide éducation aux médias pour recevoir et analyser correctement les actualités et autres informations.

Notons que la Loi canadienne sur les nouvelles en ligne ne permet désormais plus de partager des nouvelles sur les plateformes détenues par l’entreprise Meta. Toutefois, cela n’empêche pas la circulation d’informations – notamment avec l’essor de l’intelligence artificielle –, même si cela la rend plus compliquée. Nous n’avons pas encore de chiffres ou d’analyses sur l’impact de cette loi sur la consommation médiatique de la population, ni sur le partage de nouvelles fiables.

Éléments de définition

  • Média : un média est un « moyen de communication destiné à diffuser de l'information de nature sonore, écrite ou visuelle » (OQLF 2013a)
    • Média de masse : un média de masse est un « moyen de communication destiné à diffuser auprès d'un large public de l'information de nature sonore, écrite ou visuelle » (OQLF 2013b)
    • Médias sociaux : les médias sociaux regroupent un ensemble de « média[s] numérique[s] […] qui vis[ent] à faciliter la création et le partage de contenu généré par les utilisateurs, la collaboration et l'interaction sociale » (OQLF 2011)
  • Concentration horizontale des médias : situation « où un petit nombre de grandes sociétés possèdent une importante quantité de médias » (Gasher et McIntosh 2019); on parle alors de conglomérats médiatiques
  • Éducation aux médias : l’éducation aux médias renvoie à « l’habileté d’interpréter et de comprendre la façon dont fonctionnent les différentes formes de média ainsi que l’influence que ces médias peuvent avoir sur l’opinion des gens par rapport à une personne, un événement ou un débat de société » (Tattrie 2019)
  • Littératie numérique : cette forme particulière de littératie « désigne la capacité d’accéder, d’utiliser, de comprendre et de mobiliser les médias de toutes les sortes de manière critique, efficace et responsable » (HabiloMédias)
  • Fracture numérique : « inégalités sociales dans l’accès et l’usage des technologies numériques » (Votepour.ca 2022)
  • Fausses nouvelles : « information fausse, incomplète ou inexacte, mais qui semble vraie » (CQÉMI)
    • Désinformation : « fausse information créée délibérément pour nuire à une personne, un groupe, une organisation ou un pays » (CQÉMI)
    • Mésinformation : « information qui se révèle fausse, mais pas créée dans l’intention de nuire » (CQÉMI)
    • Mal-information : « information véridique à la base, mais sortie de son contexte, déformée ou amplifiée de manière à soutenir un propos dans l’objectif de nuire à une personne, un groupe, une organisation ou un pays » (CQÉMI)
  • Hypertrucage : « image hautement réaliste générée grâce à l’intelligence artificielle »; leur propagation pourrait conduire à ce que les spécialistes nomment « l’infocalypse » (Commission de l'éthique en science et en technologie)
  • Théories du complot : théories « invraisemblables » et « incompatibles avec les explications officielles ou dominantes », fondées sur quatre piliers : « l’absence de hasard ou de coïncidences; tous les événements sont le fruit d’actions; tout n’est qu’illusion; et tous les événements qui font l’histoire sont liés entre eux » (Krivine 2021)
  • Algorithmes : « suites d’opérations et de calculs qui régissent la manière de fonctionner d’un système » permettant de « personnaliser le contenu auquel [on] est exposé et [de] promouvoir les publications qui génèrent beaucoup de réactions » (Lopez 2020)
  • Biais cognitifs : raccourcis de pensées qui altèrent notre perception d’un fait ou d’un événement
  • Bulle informationnelle ou bulle de filtres : « ensemble des informations personnalisées qui sont présentées à [un·e] internaute par les moteurs de recherche et les réseaux sociaux à partir de données collectées à son sujet, ne l'exposant ainsi qu'aux informations pour lesquelles il [ou elle] a déjà démontré de l'intérêt » (OQLF 2017)
    • Chambre d’écho : espace en ligne favorisé par les bulles informationnelles, regroupant un « réseau de personnes formé spontanément autour d'une vision commune, où les gens sont principalement exposés à des opinions qui se rapprochent des leurs, ce qui tend à cristalliser leurs idées et leurs croyances » (OQLF 2022)

L’éducation aux médias dans les programmes scolaires

Les médias constituent un domaine général du « Programme de formation de l’école québécoise » aux niveaux primaire et secondaire. Il comprend quatre axes de développement : « Conscience de la place et de l’influence des médias dans sa vie quotidienne et dans la société; appréciation des représentations médiatiques de la réalité; appropriation du matériel et des codes de communication médiatique; connaissance et respect des droits et responsabilités individuels et collectifs relatifs aux médias » (Gouvernement du Québec 2006, 49). Plus récemment, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur a développé un Cadre de référence de la compétence numérique, visant à développer un regard critique sur le contenu publié en ligne (2019).

En revanche, aucune mention n’en est faite dans la « Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue ». Pourtant, l’exposition permanente à tout type d’informations, articulé à la diversification des supports et des sources, la rend fondamentale. Qui plus est, les biais cognitifs tendent à être plus difficiles à déconstruire chez les adultes, leur parcours de vie ayant nécessairement renforcé leurs croyances. Des organismes tels que HabiloMédia prennent en charge un volet pédagogique, toutefois, ces initiatives ne rejoignent pas l’ensemble de la population – bien au contraire. La fracture numérique se joue également dans les compétences en littératie médiatique.

En 2018, un événement participatif intitulé « Pour en finir avec les fausses nouvelles : L’avenir des politiques et des pratiques en éducation aux médias » s’est déroulé à la Grande Bibliothèque à Montréal et a donné lieu à la formulation de huit recommandations au gouvernement du Québec. Il est principalement question de mettre en place des politiques publiques ambitieuses en termes d’enseignement et de formations du corps enseignant, de partenariats avec les médias communautaires et les bibliothèques, et de soutien aux journalistes, le tout dans une perspective inclusive.

Portrait statistique de la consommation d’informations

Selon Statistique Canada, en 2023, 95 % des 15-34 ans préféraient Internet et les médias sociaux pour suivre les nouvelles et l'actualité, contre 65 % des 35-54. Chez les 55 ans et plus, la télévision demeurait le moyen privilégié pour s’informer. Le Digital News Report nous informe quant à lui que de moins en moins de Canadiennes et de Canadiens s’intéressent aux nouvelles et s’abonnent à des services payants.

Par ailleurs, toujours selon Statistique Canada, 53 % de la population canadienne a un faible niveau de confiance en les médias – seulement 16 % a un niveau de confiance élevé. La population de 35 ans et plus a une confiance globale en les médias plus élevée que les jeunes, mais une confiance en Internet et les médias sociaux plus faible.

Qui plus est, là où 58 % des adultes de 35 à 54 ans vérifient régulièrement les informations consommées, seulement 46 % des plus de 55 ans s’en occupent, tout en étant les plus préoccupé·es par la mésinformation en ligne. De même, près d’une personne sur dix ne sait pas comment vérifier les renseignements, et près de deux personnes sur dix trouvent cela trop difficile. Il est donc nécessaire de fournir à la population des outils de compréhension et d’analyse adéquats.

Naviguer dans les bulles informationnelles

Les bulles informationnelles sont liées à la fois aux algorithmes et aux biais cognitifs. Ainsi, nous sommes collectivement porté·es à consommer des informations conformes à nos valeurs et à nos idées reçues, dont la sélection dépend avant tout, en ligne, des intérêts économiques des conglomérats médiatiques et des géants du numérique.

Dans un contexte où nous sommes amené·es à échanger quasi exclusivement avec des personnes partageant nos points de vue et sommes confronté·es à une quantité conséquente d’informations, nous perdons en perspective et en recul critique. C’est à ce moment-là que nous devenons d’autant plus perméables aux fausses nouvelles et à leur partage; c’est pourquoi l’acquisition de compétences en littératie numérique à l’âge adulte est déterminante pour la santé des débats démocratiques.

Par ailleurs, comme le souligne la Commission de l'éthique en science et en technologie, les algorithmes favorisent le contenu qui génère de l’interaction; les utilisatrices et les utilisateurs sont alors poussés à partager du contenu rapidement, sans prendre le temps d’en vérifier la source et la fiabilité. Cette tendance s’articule au développement rapide de l’intelligence artificielle, notamment de l’hypertrucage, qui est particulièrement difficile à déceler. Ce contenu se veut polémique et va ainsi parvenir à susciter l’interaction nécessaire pour être mis en valeur par les plateformes. Se produit ainsi une fragilisation supplémentaire de la confiance en les médias. Il existe toutefois des stratégies de lutte, qu’il s’agisse de campagnes de sensibilisation, de lois et de politiques publiques, ou de soutien à la formation et à l’éducation aux médias.

La désinformation genrée

L’Organisation internationale de la Francophonie souligne que « la désinformation visant les femmes et les filles est une problématique croissante dans l’espace francophone, avec des conséquences significatives sur les individus, les communautés et les sociétés ». Autrement dit, la diffusion des images négatives, voire même préjudiciables, à l’égard des femmes et des filles dans l’objectif de perpétuer des biais et discriminations sexistes est de plus en plus importante – et inquiétante.

Concrètement, cela affecte la représentation des femmes dans les médias, leur implication dans les sphères politiques et décisionnelles, mais également leur accès à l’éducation et à la santé. Sans compter que la pérennité des préjugés sexistes altère la mise en place de politiques publiques efficaces pour gérer les discriminations et les violences de genre.

Cette désinformation est intimement liée aux problèmes de cyberviolences, qui s’en nourrissent. La Fondation canadienne des femmes rappelle à ce sujet que « le nombre de crimes haineux a augmenté de 72 % depuis 2019, en raison de l’augmentation de la haine dans les espaces virtuels à l’endroit des femmes, des personnes 2SLGBTQIA+ et de certains groupes ethniques et religieux ». L’éducation aux médias doit donc intégrer un cadre d’analyse intersectionnel.