Louky Bersianik, Naître du mauvais bord de la langue: un texte d'Élaine Audet

Louky Bersianik, Naître du mauvais bord de la langue: un texte d'Élaine Audet

Lire une oeuvre de Louky Bersianik, c'est s'enfoncer dans une forêt luxuriante de mots aux sonorités fantasques et inédites, aux zones d'ombre où la vie ne tient qu'à un fil, écrit Élaine Audet. C'est affronter à coeur nu les fauves anciens tapis dans l'inconscient collectif, la duplicité de la langue et les éclaircies embrasées d'une mémoire future où ne subsistera plus rien de ce vieux monde crépusculaire où tant de femmes ont laissé leur âme. "J'ai su dès l'âge de six ans, peut-être avant, que j'étais sur terre pour écrire", dit Louky Bersianik dont le nom est en réalité Lucille Durand. C'est au moment de publier son premier livre qu'elle décide de se donner un nom bien à elle, qui ne soit plus celui du père. Louky est un surnom qui lui vient de l'homme qu'elle aimait, alors que Bersianik est une contraction du mot amérindien Bersiamis et de "nik" du nom de son fils Nicolas. Après avoir obtenu un doctorat en Lettres, elle aborde l'écriture par les contes pour enfants dont une cinquantaine passent à la radio dans l'émission La boîte aux merveilles. Puis, c'est en 1976 la publication de L'Euguélionne [1], premier grand livre féministe écrit au Québec, faisant sur un ton poétique chargé d'ironie, le bilan des formes d'oppression subies par les femmes à travers les siècles et jetant les bases de ce que Louky Bersianik nomme l'archéologie du futur. La Main tranchante du symbole paraît au moment où nous nous apprêtons à commémorer le triste anniversaire de la tuerie misogyne de Polytechnique, au moment où l'on constate une recrudescence sans précédent de la violence conjugale, au moment où un Institut de Médecine de la Reproduction vient d'être créé à Montréal par une équipe de sept médecins dont aucune femme ne fait partie et qu'une commission d'enquête parcourt le pays pour élaborer une éthique sur ces manipulations dont les femmes font les frais, au moment où le gouvernement tente de recriminaliser l'avortement et où vient de paraître un pamphlet anti-féministe, démagogique et hargneux. Tous ces sujets sont abordés dans La Main tranchante du symbole [2] qui comporte vingt textes écrits entre l980 et l990. Parmi les multiples facettes de cet ouvrage, il m'apparaît que la voie privilégiée pour y pénétrer est celle de la langue. C'est par son analyse minutieuse et la transgression constante du langage patriarcal que cette écrivaine restera dans l'histoire de la littérature non seulement québécoise, mais universelle parce qu'elle fut la première à proposer dans L'Euguélionne la féminisation du langage et à remettre ainsi en question un système symbolique fondé sur la péjoration et l'occultation du féminin. La main tranchante du symbole est celle qui coupe la tête masculine de la langue de son corps féminin et impose une vision dualiste de la vie. (...) Pour lire la suite de cet article à cette adresse: http://sisyphe.levillage.org/article.php3?id_article=213 Pour lire d'autres articles du site Sisyphe: http://sisyphe.levillage.org/plan.php3